Leur retour en Belgique a eu des airs de conte de fées. En décrochant une médaille d’or aux championnats du monde de cheerleading à Orlando en avril dernier, l’équipe féminine belge n’a pas seulement brisé les lois de la gravité: elle a pulvérisé les stéréotypes et imposé le cheerleading comme une discipline à part entière.
«On est évidemment très loin du cliché des pom-pom girls américaines.» En une phrase, Mona Alvim plante le décor. Coach de l’équipe féminine senior belge de cheerleading, fraîchement auréolée d’un titre mondial, elle incarne la rigueur, la passion et la volonté de reconnaissance d’un sport trop souvent mal compris. Le cheerleading, discipline encore jeune en Belgique, est pourtant bien plus qu’une animation de bord de terrain. «Ce sont des portés acrobatiques, du tumbling, des lancers, détaille la coach. Une routine de deux minutes sur une chorégraphie d’une intensité folle. Rien à voir avec les animations de match. C’est un sport à part entière, qui ne dépend pas d’une autre performance sportive où l’on supporte l’une ou l’autre équipe. La performance, c’est nous et seulement nous.»
Fin avril, la délégation belge est revenue des championnats du monde à Orlando avec la plus belle moisson de son histoire: médaille d’or pour l’équipe féminine senior, médaille d’argent pour l’équipe mixte, et plus de 100 athlètes et membres du staff engagés. «C’est la première fois qu’on partait avec autant de monde, sourit Mona. Pour mon équipe, ce fut une victoire en catégorie Elite, une catégorie technique, réservée aux nations en développement. A notre prochaine participation, on passera dans la division Premier, celle des plus grandes nations comme les Etats-Unis, la Finlande ou la Suède.» Une marche franchie, donc, mais un défi redoutable qui s’annonce. «On n’ira pas pour une médaille tout de suite. L’objectif sera une performance propre, bien exécutée, pour prouver qu’on est à notre place.»
«La performance, c’est nous et seulement nous.»
Un combat pour la légitimité
Le chemin fut long pour gommer les stéréotypes. Mona parle avec retenue, mais fermeté: «Il y a encore cette idée que ce n’est pas vraiment un sport, que c’est féminin, facile, voire sexualisé. Mais petit à petit, en montrant la complexité de la discipline, on fait évoluer les mentalités.» Certaines mesures vont dans ce sens: uniformes plus sobres, routines raccourcies pour gagner en lisibilité, séparation plus nette entre show et performance. «Des règles internationales ont été instaurées pour couvrir le ventre en compétition. C’est plus professionnel, plus inclusif. J’ai vu des athlètes mal à l’aise avec certains uniformes. Aujourd’hui, on s’adapte, on se modernise. Le but est que tout le monde se sente à l’aise.»
A ces efforts de sobriété s’ajoutent des initiatives structurelles portées par la Fédération belge de cheerleading. Deux cellules spécifiques témoignent de cet engagement: d’une part, la création d’une cellule de paracheerleading, permettant aux personnes à mobilité réduite de pratiquer ce sport dans un cadre adapté. D’autre part, la création d’une cellule API (appui psychologique aux intervenants) offre un véritable espace d’écoute et de soutien. Toute personne –athlète, coach ou membre du staff– peut s’y adresser en toute confiance pour partager ce qu’elle a vu, entendu ou simplement pressenti. En garantissant la parole libre et protégée, cette structure renforce l’engagement de la fédération à faire du cheerleading un sport à la fois inclusif, éthique et pleinement sécurisant.
Malgré tout ce travail, la reconnaissance institutionnelle reste inégale. «La fédération flamande de cheerleading est reconnue par Sport Vlaanderen depuis janvier 2025. Du côté francophone, c’est encore en cours», regrette-t-elle. Or, la reconnaissance par la Fédération Wallonie-Bruxelles et l’Adeps permettrait une structuration plus ambitieuse. «Aujourd’hui, tous les coachs sont bénévoles, confie Mona Alvim. On finance nos voyages nous-mêmes. Avec des subsides, on pourrait envoyer des équipes tous les ans aux Mondiaux, et pas seulement tous les deux ans.»
Les JO à l’horizon
La consécration suprême, celle qui fait briller les regards et vibrer les ambitions, porte cinq anneaux. Pour Mona et son équipe, il ne s’agit pas encore de décrocher un ticket pour les Jeux olympiques, mais bien d’y inscrire leur discipline. Faire du cheerleading un sport olympique à part entière: tel est désormais l’horizon.
«Le Comité international olympique a reconnu notre fédération internationale. Le prochain cap, c’est l’adhésion du cheerleading au programme olympique», espère-t-elle avec détermination. Le rêve ne deviendra pas réalité à Los Angeles en 2028 –la liste des disciplines a déjà été définie– mais les espoirs se tournent désormais vers 2032. Patience, travail, diplomatie: l’attente est longue, mais elle n’a rien d’un renoncement. Le rêve olympique flotte encore dans l’air, comme un ultime saut, suspendu, avant l’atterrissage.
Le cheerleading belge est donc à un tournant. Fort de son succès international, il se professionnalise, s’organise, s’ouvre à de nouveaux publics et rêve d’une place au sommet. Mais Mona garde les pieds sur terre: «On ne veut pas brûler les étapes. On veut une croissance solide, structurée, qui respecte les valeurs de notre sport.» Si la route vers les JO reste longue, elle n’est plus hors de portée. A l’image de ces pyramides humaines parfaitement tenues, c’est en construisant patiemment que le cheerleading belge entend désormais s’élever.
Par Hugo de Waha