
Golf TGL, basket “unrivaled”, échecs “fisher random”: le sport change ses formats et a une très bonne raison pour ça
A l’aide de nouveaux formats percutants, des investisseurs fortunés et des (ex-)athlètes tentent de susciter l’enthousiasme de la Génération Z pour la compétition.
Fin janvier a débuté «Master of Madness», un tournoi de football créé par les ex-Diables Rouges Dries Mertens et Jan Vertonghen, en collaboration avec les entreprises de média Woestijnvis et Sporthouse Group. Ils ont mis au point une nouvelle formule: six contre six, avec la participation obligatoire de deux femmes, sur un terrain couvert de 50 mètres sur 30, lors de matchs de quatre fois huit minutes de temps de jeu effectif. Et la participation d’anciens footballeurs et d’influenceurs parmi les joueurs et les entraîneurs.
D’autres nouveaux concepts sportifs ont été lancés dernièrement. En golf, la légende Tiger Woods a organisé, avec son comparse Rory McIlroy, le «TGL», un tournoi disputé au SoFi Center en Floride. Ce stade de 1.500 spectateurs a été spécialement conçu pour offrir une expérience visuelle interactive. Le public y voit des golfeurs célèbres frapper leurs balles en direction d’un écran gigantesque de 315 mètres carrés, sur lequel le parcours est représenté virtuellement.
Aux Etats-Unis, la nouvelle compétition de basket «Unrivaled» a également vu le jour. Six équipes, composées de six joueuses de WNBA, s’affrontent en trois contre trois ou en un contre un. Unrivaled a récolté plus de sept millions d’euros pour payer aux 36 joueuses un salaire moyen de 216.000 euros. Soit un peu moins que le «super max salary» de la WNBA, fixé à 230.000 euros. Parmi les investisseurs? La joueuse de tennis Coco Gauff, l’ex-champion de natation Michael Phelps et la star de la NBA Giannis Antetokounmpo.
En Europe, le grand maître d’échecs Magnus Carlsen a, lui, lancé en février 2024 la «Freestyle Chess Grand Slam Tour». Une compétition où l’on ne pratique pas les échecs classiques mais le «Fisher Random». Les positions de départ des pièces (à l’exception des pions) y sont déterminées de manière aléatoire. Pendant les parties, les joueurs se rendent à plusieurs reprises dans des «cabines de confession» afin d’expliquer leurs tactiques aux spectateurs. Des moniteurs de fréquence cardiaque placés sur eux rendent en outre l’expérience de visionnage plus immersive.
Selon Wim Lagae, professeur de marketing sportif à la KU Leuven, tous ces nouveaux formats ne sont pas le fruit du hasard: «Pour certains sports, une chose est sûre : leur public vieillit et finira par disparaître. Par ailleurs, les plus de 50 ans ne sont pas intéressants pour les sponsors ni pour les chaînes, contrairement à la Génération Z. C’est pourquoi les spécialistes du marketing et les sociétés de production, souvent soutenus par d’anciens sportifs fortunés, adoptent une approche « out of the box » du sport. Ils bâtissent tout un écosystème auquel les entreprises peuvent s’arrimer. Il suffit de s’attarder sur les sponsors de « Masters of Madness » pour s’en rendre compte: Red Bull, Milka, Proximus, Albert Heijn, Foodmaker… Il s’agit de « content creation » , de créer de la valeur avec des matchs plus courts, des prises de vue percutantes, de créer de l’interaction via les réseaux sociaux, de mettre l’accent sur le storytelling grâce aux influenceurs avec de courtes vidéos sur YouTube et TikTok. J’appelle cela la « Red Bullisation » du sport, car Red Bull en a été le pionnier.»
Pour les plus de 40 ans, ces formats semblent étranges. «Parce qu’ils ont grandi avec la couverture télévisée traditionnelle et linéaire des sports classiques, poursuit Wim Lagae. Ils se demandent de quoi il s’agit. Après tout, il n’y a pas de titre prestigieux en jeu. Pour les jeunes, en revanche, l’aspect divertissement autour de l’événement est tout aussi important, sinon plus, que le sport ou la victoire elle-même. Ils consomment le sport en direct différemment. Une course cycliste de quatre heures, voire un match de football d’une heure et demie, ils trouvent cela ennuyeux. Leur capacité d’attention est plus courte: ils vivent des temps forts, du storytelling. La gamification du sport via l’e-sport y joue également un rôle essentiel.»
Les fédérations sportives traditionnelles se laissent séduire. «En triathlon, le relais mixte de courte distance est désormais une discipline olympique, illustre Wim Lagae. En cyclisme, il y avait les « Hammer Series » (NDLR: un événement de trois courses par équipes). Aux Jeux olympiques de Paris, des sports urbains comme le skateboard, l’escalade et le breaking figuraient au programme.»
Cependant, tous les formats ne rencontrent pas un succès immédiat. «Il leur faut souvent quelques années pour se développer et, au début, ils sont même déficitaires, note le professeur de la KU Leuven. Certains ne survivent d’ailleurs pas à cette période de démarrage. Mais si l’on en tire des leçons et que la machine s’emballe, on peut monter rapidement en puissance et rendre ces formats rentables.»
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