Pour le nouveau duo rouche, la construction du Standard de la saison 2025-2026 doit se faire dans le plus grand secret. © BELGA

Wilmots en famille au Standard: son fils comme bras droit, de puissants agents et amis dans le répertoire

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Marc Wilmots est de retour au Standard, avec les pleins pouvoirs sportifs sur les épaules, son fils dans les bagages et un réseau d’agents parfois étonnants à portée de téléphone.

Les micros sont de sortie. Sept, bariolés aux couleurs des médias du nord comme du sud du pays, autant de témoignages de l’importance du rendez-vous. Le Standard de Giacomo Angelini se présente, mais les politesses se font sans lui. Parce qu’au nouvel anonyme, le club préfère la mise en lumière de deux noms du passé. Celui de Pierre François, revenu comme directeur général quasi deux décennies après les années de gloire dans l’ombre de Lucien D’Onofrio, d’abord. Celui de Marc Wilmots, surtout, qui éclipse tout le reste et attire les curieux.

L’ancien sélectionneur des Diables rappelle rapidement qu’il n’a pas changé. Il a la formule qui fait les gros titres et l’assurance de ceux qui sont persuadés de ne jamais se tromper. Tant pis si son CV n’égrène que des échecs depuis son départ du staff de l’équipe nationale, au crépuscule de l’Euro 2016. L’homme préfère parler «d’expériences», raconte ses aventures hors d’Europe comme une volonté de découvrir le monde plutôt qu’un rejet de la part des dirigeants du Vieux Continent, puis son rapide départ de Schalke comme une volonté de ne plus être à 250 kilomètres de chez lui. Il rappelle que son travail ne commence que lundi (le 19 mai), tout en glissant qu’il a déjà noté quelques joueurs créatifs sur sa liste, parce qu’il est «un bosseur», et insiste sur l’importance de la langue française pour l’intégration de ses recrues sans se refuser l’opportunité de prêts de joueurs venus de grands clubs pour enrichir momentanément la qualité du noyau.

Marc Wilmots l’assure: il faudra du temps. Il dit qu’il faut quatre ans pour reconstruire un club. Puis cinq. Que dans tous les cas, il a «assez de réseau» pour bâtir un Standard prêt à se rapprocher progressivement des sommets. Pour s’entourer, son premier choix est d’ailleurs de recruter son fils, Marten. Joueur de Rochefort mis à la retraite anticipée pour devenir une sorte d’assistant personnel sans aucune expérience dans la fonction, palliant les carences paternelles en anglais et en informatique et, surtout, gardant précieusement les secrets de la maison. «Dans un milieu où il est si difficile d’avoir une confiance totale dans les gens avec lesquels on travaille, c’est un atout précieux d’être entouré par un proche», justifie un dirigeant d’un club belge pour écarter la thèse du népotisme. Pierre François, lui, prend carrément la défense de son nouveau collègue devant les micros: «On ne peut pas pénaliser des gens de qualité parce qu’ils sont de ta famille.» Déclaration sans surprise de la part de celui dont la femme Dominique devrait bientôt faire son entrée dans le personnel rouche.

«Dans un milieu où il est difficile d’avoir une confiance totale dans les gens, être entouré par un proche est un atout précieux.»

Le réseau de Wilmots

Avec son fils Marten qui l’accompagne comme une ombre, Marc Wilmots doit reconstruire une cellule de recrutement désertée par les rares survivants des dernières saisons tumultueuses. En interne, beaucoup semblent d’ailleurs vouloir suivre ce chemin vers la sortie, surpris par de premiers actes de Giacomo Angelini bien éloignés de ses discours quand il n’était encore qu’aux portes du pouvoir. Le chantier de la paire Wilmots-François n’en devient que plus important, alors que le temps ne fera que se réduire jusqu’à la reprise de la prochaine saison. Là aussi, Wilmots est rassurant: «On a assez de contacts, assez de réseau.»

Une bonne année plus tôt, quand il enfile le costume de directeur sportif de son autre club de cœur, Schalke 04, c’est également dans son répertoire que «Willy» pioche ses premiers transferts. Darko Churlinov se pare du bleu royal du maillot local le 23 janvier 2024, arrivé en prêt du Burnley de Vincent Kompany et tout droit sorti du portefeuille de l’agence Lian Sports, propriété du sulfureux Fali Ramadani.

En Belgique, le nom de cet agent né en Macédoine du Nord de parents albanais est familier, surtout chez les suiveurs de l’Excel Mouscron. C’est lui qui, en compagnie du puissant agent israélien Pini Zahavi, avait transformé l’entité hainuyère en «club où on rend des services», selon la formule choisie par un intermédiaire belge. Des transferts qui n’arrivent jamais, d’autres faits uniquement pour faire plaisir à un agent impliqué dans un deal parallèle, voire pour contourner l’interdiction de la tierce propriété (la possession par des tiers de droits économiques sur des joueurs de football).

Marc Wilmots lui avait confié ses intérêts peu avant sa signature à la tête de la sélection iranienne. A l’époque, pourtant, c’est encore le football de club qui anime ses intentions. «Fali Ramadani est bien introduit en Allemagne et en Italie», avance Wilmots au journal Le Soir, expliquant travailler «à la parole donnée et sans papier» avec celui qui sait en effet ouvrir grandes les portes de clubs comme Francfort ou la Fiorentina. C’est lui qui négocie notamment le deal du «taureau de Dongelberg» avec la sélection iranienne. Son numéro de téléphone reste du moins en bonne place dans le répertoire de Willy à l’heure de renforcer le noyau de Schalke 04. Dans l’entourage du club, on glisse effectivement que l’agence de Fali Ramadani est l’étonnant dénominateur commun de nombreux joueurs cités par le Belge comme renforts potentiels.

Les bonnes relations entre l’ancien sélectionneur des Diables et D’Onofrio, l’ex-homme fort de Sclessin, ne datent pas d’hier. © BELGA

L’ami Lucien

Au bout de ce premier mercato allemand, un autre agent bien connu sur le sol belge pousse les portes de la Veltins-Arena. Les «Königsblauen» sont alors en négociations avancées (finalement jamais abouties) avec Koffi Kouao, un arrière latéral ivoirien qui porte les couleurs du FC Metz depuis 2022 après six premières années passées en Europe sur le sol portugais. Le début de parcours fait inévitablement penser à Jorge Mendes, l’agent qui avait ajouté Marc Wilmots à son portefeuille en 2015, quand les résultats de la Belgique avaient poussé sa cote vers les sommets. Le Belge avait d’ailleurs été élu meilleur entraîneur du monde au terme de cette année-là, lors d’une cérémonie des Globe Soccer Awards où l’influence du puissant agent portugais est un secret bien mal gardé.

Pourtant, c’est un autre agent qui discute avec Marc Wilmots autour du deal de Kouao. Celui dont on dit qu’il est impossible de sortir un joueur du FC Metz sans composer son numéro de téléphone. Celui, aussi, qui avait fait les présentations entre Marc Wilmots et Jorge Mendes à l’automne 2013, à l’occasion d’un match de Ligue des champions entre le Real et la Juventus. Dans sa loge, depuis laquelle il assiste aux buts de ses «clients» Cristiano Ronaldo et Angel Di María, l’agent portugais rencontre Willy à l’initiative d’un ami commun: Lucien D’Onofrio.

Les bonnes relations entre l’ancien sélectionneur des Diables et l’ex-homme fort de Sclessin ne datent pas d’hier. En 2002, déjà, D’Onofrio rêve de faire revenir le Jodoignois en Cité Ardente, mais ses exigences salariales sont au-delà des possibilités d’un Standard en reconstruction. Six ans plus tard, il rappelle avec une autre idée derrière la tête: confier le costume d’entraîneur adjoint à Wilmots en l’associant au célèbre coach portugais Artur Jorge. S’ils ne travailleront finalement jamais ensemble sur les terrains, les deux hommes restent en contact étroit hors du pré: ils investissent ensemble dans Yellow, une société d’aviation dont une transaction financière en 2016 avec Podium (la société de Lucien D’Onofrio) sera suspectée de blanchiment d’argent. L’entreprise fait faillite en 2017, un peu comme la carrière de Giannelli Imbula, autre dénominateur commun entre les deux anciens de Sclessin.

Au bout de l’année 2015, ce milieu de terrain qui crève l’écran sous les couleurs de Porto est aux portes de l’équipe de France. Il est pourtant né à Vilvorde, ce qui ouvre également la porte à la Belgique pour l’intégrer à une sélection où les places autour du rond central sont pourtant déjà très chères. Marc Wilmots rencontre son père à Porto, là aussi en marge d’une rencontre de Ligue des champions, là aussi grâce à l’entregent de Lucien D’Onofrio. Il faut dire que la société Doyen Sports, représentée par D’Onofrio, a servi de «banquier» au FC Porto en finançant plus de 50% des 23 millions d’euros déboursés par le club en juillet 2015 pour sortir le joueur de l’Olympique de Marseille, et qu’une réussite internationale ferait encore grimper la cote d’Imbula et donc la fortune de Doyen Sports, spécialiste de la fameuse tierce propriété. Dans son portefeuille de droits économiques, l’agence compte aussi un certain Joris Kayembe, alors aux premiers balbutiements de son parcours professionnel sous le maillot de Rio Ave. «Honnêtement, s’il n’était pas sorti du onze en fin de saison, je crois que je l’aurais pris», expliquera des années plus tard un Marc Wilmots qui doit alors se rabattre sur Jordan Lukaku à l’heure de griffonner sa liste de 23 noms pour l’Euro 2016. «Parce qu’il convenait à ce que je cherchais: un latéral qui va vite.»

Si la vitesse n’a jamais fait partie des grands atouts de celui qui porte aujourd’hui les couleurs de Genk, il fallait à l’époque avoir le coup d’œil (ou le bon filon) pour lui imaginer une carrière plus réussie que celle du cadet de la fratrie Lukaku.

Chez les Wilmots, les secrets sont une vraie histoire de famille… © BELGA

L’œil et la surprise

Marc Wilmots s’était rendu au Portugal pour en avoir le cœur net. Parce qu’au-delà de son réseau, c’est avec son œil qu’il aime exercer sa «passion de découvrir des talents». On dit de lui que le scouting «en live», depuis les tribunes du stade, est l’un des marqueurs forts de sa méthode de recrutement. Anachronique, à l’époque où la réduction des coûts de fonctionnement incite de plus en plus de spécialistes de la détection de talents à avaler des heures de vidéos sur des plateformes comme Wyscout et de ne prendre l’avion qu’à l’heure de confirmer un verdict déjà bien établi en amont. Face à la presse et à l’heure d’évoquer sa future équipe de recrutement, l’ancien sélectionneur des Diables se montre toutefois ouvert à de nouvelles approches, séduit par la façon dont «les jeunes travaillent avec les datas» et se fiant d’ailleurs à son fils Marten pour l’aider à résorber son retard «en informatique».

Il dit qu’il faut quatre ans pour reconstruire un club. Puis cinq.

A première vue, il sera difficile d’en savoir plus sur le mercato du Standard. Parce qu’on dit qu’à Schalke 04, les journalistes étaient frustrés par le culte du secret d’un Marc Wilmots qui aime créer la surprise comme il l’avait fait avec la présence de Divock Origi dans sa liste d’élus pour la Coupe du monde 2014. Pierre François abonde, glissant qu’aucune confirmation sur le marché des transferts ne sera faite par le club jusqu’à l’officialisation. «Quand on n’est pas beaucoup, c’est bien pour tenir des secrets», complète Wilmots dans un clin d’œil, convaincu que la construction du Standard de la saison 2025-2026 doit se faire dans la confidentialité et la confiance. A la veille de l’annonce de son retour à Sclessin, le Brabançon était d’ailleurs encore sur le plateau de la RTBF pour l’émission La Tribune, où il officiait en tant qu’analyste du football belge. Si les troisièmes mi-temps sont parfois à rallonge dans les coulisses, personne en quittant le boulevard Reyers n’était au courant des négociations avec le Standard ou de la décision de Willy, pourtant prise «depuis une semaine» selon ses dires dans la salle de presse de Sclessin.

Si l’homme a le respect de nombreux agents d’influence (même si le pouvoir de certains s’étiole), c’est aussi parce qu’il n’est pas du genre à trahir les secrets, quels qu’ils soient. Rares sont ceux qui connaissent ainsi sa proximité avec Charbel Ersoy, un agent liégeois également en bons rapports avec Pierre François et qui a bouclé le deal du transfert de Reno –l’autre fils Wilmots– vers le Patro Eisden Maasmechelen l’été dernier. Marc Wilmots a toujours aimé dire qu’il travaillait à la confiance. Celle qui se tait quand les micros s’approchent.

Celle qu’on n’accorde qu’à quelqu’un de sa famille.

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