Au Standard, la quête d’investisseurs se poursuit. Joe DaGrosa et Hugo Varela étaient à Sclessin face à Zulte Waregem pour confirmer leur statut de partenaires potentiels. Un duo dont le passé est loin d’être reluisant.
Quand le mercure s’effondre et que les rares occasions ne suffisent pas à mettre un peu de chaleur dans le chaudron de Sclessin, mieux vaut sans doute se trouver dans les loges, tant à l’abri du vent que des regards. A l’occasion du match nul conclu sans le moindre but entre le Standard et Zulte Waregem le 21 novembre, c’est en effet derrière les vitres déployées sur toute la longueur de la tribune 1 que Joe DaGrosa et Hugo Varela immortalisent leur passage dans la Cité ardente. Deux jours plus tard, leur présence est éventée dans les colonnes de Sudinfo, mais leur identité reste confidentielle. Tout juste lira-t-on que «l’investisseur, accompagné par plusieurs partenaires et l’intermédiaire, un agent, ont quitté le stade plus d’une heure après le coup de sifflet final».
Contacté par Le Vif, l’agent de joueurs belgo-brésilien Bruno Santos confirme sa présence dans l’enceinte des Rouches en compagnie des deux hommes mais nie toute implication dans un deal de reprise: «Je représente un jeune talentueux en U15, c’est mon seul rapport avec le club.» Dans l’entourage des dirigeants liégeois, on confirme pourtant que le duo DaGrosa-Varela fait partie des pistes potentielles pour investir à Sclessin. Bien introduit dans les pays du Golfe, présenté dans le milieu comme un dealmaker très efficace grâce à son large réseau, Bruno Santos a bâti sa réputation (et son portefeuille) grâce à des transferts dans les clubs de Krasnodar ou d’Al Wasl, dont le directeur sportif est l’ancien international français Eric Abidal via sa société BS Football Business. Il se dit également qu’il avait été proche d’amener un investisseur à l’Antwerp lors du passage de Lucien D’Onofrio dans la Métropole, et que son carnet d’adresses serait de nature à aider un Standard en péril.

CEO du Standard depuis sa prise de pouvoir au printemps dernier, Giacomo Angelini ne fait pas de mystère de sa quête de partenaires financiers pour augmenter la puissance d’un club liégeois qui stagne en milieu de tableau. A l’heure actuelle, les bruits descendus des couloirs de Sclessin disent ainsi que trois investisseurs potentiels constituent sa shortlist, avec un intérêt réciproque suffisamment concret pour inciter les intéressés à visiter le stade, mais aussi l’académie. Si l’identité des deux autres reste secrète malgré la rumeur persistante d’un groupe anglais, les représentants de Kapital Football Group font bien partie de cette liste potentiellement destinée à esquisser le futur rouche.
«Ces gens-là ne doivent pas approcher un club de foot.»
Un an de dépenses faramineuses à Bordeaux
Ce n’est pas la première fois que cette société tente de lier sa destinée à un club de football belge. En 2021, Joe DaGrosa raconte à CBS qu’il est en contact avancé avec «un club belge de deuxième division, mais avec le pedigree d’un club de l’élite», très probablement le RWDM qui sera repris plus tard par John Textor. L’objectif était alors de créer une galaxie de clubs répartie entre la Belgique, le Brésil et le Portugal, partiellement alimentée par des académies africaines ou sud-américaines.
C’est à peu près l’unique apparition «sportive» des deux hommes depuis 2019 et le départ de ses hommes forts des Girondins de Bordeaux. Au sein de Kapital Football Group, ils sont associés avec Francisco Lopez, ancien directeur financier du FC Barcelone et homme fort du City Football Group pour lequel il avait conclu plusieurs rachats de club (New York, Melbourne ou Yokohama). Certes, il y a eu un sponsor installé sur le maillot de Botafogo en janvier 2023, fièrement présenté par Hugo Varela. Il n’empêche que depuis leur départ forcé de France, chassés du club par les actionnaires majoritaires américains après un an de gestion plutôt chaotique, tant Varela que DaGrosa n’ont plus été liés de près à la gestion d’une entité footballistique.
Il faut dire que leur passage en Gironde n’a pas laissé que de bons souvenirs, précisément racontés dans le livre Girondins de Bordeaux. Enquête sur une descente aux enfers (éd. Sud-Ouest, 2024). S’ils se targuent en privé d’avoir laissé le club dans les hautes sphères de la Ligue 1 et glissent sournoisement que leur départ a largement précédé la descente aux enfers d’un club encore champion de France en 2009, les anciens visages de General American Capital Partners (GACP) ont plombé les finances bordelaises. Entre un salaire royal offert à Laurent Koscielny pour le convaincre de préférer Bordeaux à Rennes, le transfert du défenseur mozambicain Mexer assorti d’émoluments chiffrés à 110.000 euros mensuels alors que la visite médicale avait détecté un genou en miettes ou l’engagement de Gustavo Poyet, entraîneur éphémère arrivé à leur initiative, comme «consultant marketing et communication» rémunéré 25.000 euros par mois à la suite de son licenciement comme coach, les deals qui ont fait plonger les comptes ne manquent pas, sans oublier l’inquiétant décollage des commissions réservées aux agents de joueurs.
Ils rendent presque anecdotiques les dépenses privées (sur le compte du club) du duo, dédaignant le bel appartement mis à disposition par le club dans le centre-ville pour multiplier les journées arrosées au champagne dans un palace de la ville, facturées 600 à 700 euros la nuit. Le train de vie est tel que le club doit relever à plusieurs reprises le plafond de la carte de banque mise à disposition d’Hugo Varela, au-delà des 10.000 euros mensuels.
«Ils n’ont pas un dollar à eux, et n’ont aucune légitimité.»
Au Standard, la quête du partenaire idéal se poursuit
La supercherie prend fin après un an, quand King Street rachète à deux millions d’euros les parts détenues par GACP. La crise sanitaire fera fuir les Américains d’un club repris par le contesté Gérard Lopez, et aujourd’hui englué dans les divisions inférieures françaises. De France, les noms de DaGrosa et Varela recueillent des réponses anonymes mais unanimes: «Ces gens-là ne doivent pas approcher un club de foot.»
Dès son arrivée à Bordeaux, Hugo Varela avait d’ailleurs été épinglé pour un passé sulfureux. Lié au rachat du club d’Estoril (Portugal), il avait présenté en 2015 un fonds anglais intéressé par la reprise mais jugé suspect. En parallèle, son nom était associé à des affaires de matchs truqués dans les pays de l’est de l’Europe, comme le racontait le journaliste Romain Molina.
Le pedigree n’est pas de nature à rassurer des supporters en quête d’un redressement de leur club. Un ancien collaborateur des Girondins de Bordeaux, connaisseur du marché américain, confirme: «Ils n’ont pas un dollar à eux, et n’ont aucune légitimité sur le marché américain pour lever les fonds nécessaires pour faire vivre un club d’une telle envergure.»
Au Standard, on se refuse à tout commentaire sur le dossier. Il se dit toutefois en coulisses que le club n’est pas fermé à l’arrivée de nouvelles pistes d’investisseurs potentiels au-delà de la shortlist actuelle, preuve que tous ces soupirants ne font pas l’unanimité chez les décideurs liégeois.
La situation financière, elle, commence pourtant à devenir préoccupante. Entre la menace de droits télévisés qui disparaissent, le montant toujours à rembourser à A-Cap et le Top 6 qui s’éloigne un peu plus en partageant à la maison contre un promu flandrien, le temps commence toutefois à presser pour convertir une occasion.