mehdi bayat rik de mil
Mehdi Bayat fait tout pour conserver Rik De Mil à Charleroi. © BELGA

Rik De Mil, voulu par tout le pays, est toujours le coach de Charleroi: grâce au projet ou à cause de Mehdi Bayat?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Rik De Mil était l’un des favoris de l’Union pour succéder à Sébastien Pocognoli. Une fois de plus, pourtant, il n’a pas quitté Charleroi. Mehdi Bayat n’y est certainement pas pour rien.

Rik De Mil traverse une tempête. Au cœur du mois de mars 2024, la fin de match avortée entre ses joueurs de Westerlo et ceux de Genk, s’échangeant des passes pour préserver un match nul qui arrange les deux équipes (il assure le maintien à Westerlo et les Champions play-offs à Genk) crée un scandale. Les Campinois décident alors de se séparer de leur entraîneur, se justifiant dans un communiqué aujourd’hui disparu de leur site Web. On y lisait alors que le club «envisageait une collaboration de longue durée», mais qu’il «ne peut pas accepter que ses valeurs soient mises en doute». La carrière de Rik De Mil vient d’être mise à flot, mais menace déjà de se noyer. Son phare est un téléphone qui s’allume. Le sien, avec une notification qui lui saute aux yeux parmi les dizaines de messages de soutien: «Peut-on parler? Salutations. Mehdi Bayat.»

La suite, c’est un maintien acquis avec autorité, une phase classique prometteuse mais marquée par le manque de qualité offensive jusqu’à l’éclosion de Niko Stulić, puis des play-offs qui mènent jusqu’aux tours préliminaires de la Coupe d’Europe. Une année est passée, seulement, et de nombreux ports se mettent soudain à rêver de servir de prochaine escale au voyage de Rik De Mil.

L’été dernier, il y eut Gand et l’Antwerp, tous deux en quête d’un entraîneur pour relancer leur dynamique. Si les postes ont finalement été confiés à Ivan Leko et à Stef Wils, il se dit dans le milieu que Rik De Mil était à chaque fois le favori pour enfiler la chemise de l’entraîneur principal. On murmure son nom également à Anderlecht, quand l’avenir de Besnik Hasi à la tête des Mauves est accompagné d’un point d’interrogation. Plus récemment, l’Union Saint-Gilloise a rejoint les vagues de rumeurs, dans la foulée du départ de Sébastien Pocognoli. Le coach à la mode défile tous les jours à Marcinelle, sur les terrains d’entraînement des Zèbres. «Tous les dirigeants ont probablement vu dans les statistiques avancées que Charleroi était l’une des équipes les plus performantes la saison dernière, à défaut de faire partie des plus efficaces», fait remarquer un recruteur issu d’un des grands clubs du pays pour justifier cette hype qui entoure l’entraîneur flandrien. Capable d’être performant sur le terrain, d’offrir un jeu attrayant et, surtout, de faire progresser la valeur sportive et marchande des jeunes joueurs mis à sa disposition, Rik De Mil devient effectivement le gendre idéal que rêvent d’épouser la plupart des dirigeants de Pro League. Pourtant, c’est toujours avec Mehdi Bayat qu’il cohabite. Peut-être parce que celui-ci a habilement fermé la porte à clé.

Mehdi Bayat ne fait pas que des heureux dans le clan de Rik De Mil.

L’intérêt de Gand et la drague de l’Antwerp

Un premier courtisan est pourtant venu y frapper dès le début de l’année 2025. Après sa séparation précoce avec Wouter Vrancken, Gand cherche un nouveau coach et le nom de Rik De Mil est bien en place sur sa liste de successeurs. Les contacts ne naissent pourtant jamais vraiment entre l’entraîneur et les dirigeants des Buffalos, pas plus en hiver qu’au printemps suivant, quand le choix gantois d’opter pour Danijel Milićević s’avère erroné. Il se raconte que Michel Louwagie, de retour aux affaires à la Planet Group Arena dans un rôle de conseiller, n’aurait pas voulu mettre en péril ses excellents liens de toujours avec Mehdi Bayat, ainsi que sa précieuse relation avec son frère Mogi, allié de nombreux deals rémunérateurs pour les Gantois.

L’histoire serait-elle devenue un refrain lors des rumeurs liant Rik De Mil à l’Union Saint-Gilloise? Dès leur apparition, Mehdi Bayat a fermement repoussé l’idée d’un départ avorté de son entraîneur, même contre une compensation financière éventuelle. Au sein du club, on dit que la thématique rendait l’administrateur délégué des Zèbres particulièrement nerveux, tant un départ de son entraîneur sèmerait le trouble sur sa nouvelle ligne d’horizon sportive esquissée au printemps dernier, quelques mois avant un flirt déjà problématique avec l’Antwerp. Fait rare, à l’époque, les négociations non abouties entre Rik De Mil et les Anversois avaient d’ailleurs accouché d’une conférence de presse organisée par le Sporting de Charleroi, jugée en interne comme indispensable pour remettre les choses au point. L’entraîneur y raconte alors que «l’Antwerp a été très respectueux, a tout essayé, même de trouver un accord avec Charleroi», son de cloche bien différent de celui fredonné quelques instants plus tard par son patron. Mehdi Bayat, lui, parle en effet sans détour d’un «manque d’élégance de la part d’Anvers, qui a contacté Rik De Mil en lui demandant de ne pas me dire qu’ils l’avaient contacté.»

Si le dirigeant zébré, visiblement prompt à dégainer son portable pour éviter un déménagement prématuré de son entraîneur, aurait alors pris contact avec Sven Jaecques –le directeur général des Anversois– pour lui signifier qu’un départ de Rik De Mil n’était pas à l’ordre du jour, le discours n’aurait pas eu de véritable effet sur Marc Overmars. Visiblement pas du genre à s’arrêter à un refus, le directeur sportif batave a directement pris langue avec le coach des Carolos, sans que les discussions aboutissent puisque les deux clubs n’ont jamais trouvé d’accord pour le rachat du contrat du Flandrien. Triomphateur en conférence de presse, Mehdi Bayat l’affirme alors: «Rik De Mil terminera la saison prochaine au Sporting de Charleroi.»

Rik De Mil, l’Union et Bayat

Avec l’Union Saint-Gilloise, les discussions n’ont d’ailleurs jamais atteint le même stade qu’entre l’entraîneur et l’Antwerp au printemps. Parce que, là aussi, Mehdi Bayat n’a pas laissé le choix aux Saint-Gillois, pourtant très intéressés par le profil de Rik De Mil, malgré les discours de façade de Philippe Bormans dans la foulée de l’intronisation de David Hubert. Le CEO du club bruxellois, pourtant peu réputé pour sa prise en compte des relations humaines dans ses décisions sportives, se serait ainsi refroidi dans la foulée d’un appel de Mehdi Bayat l’incitant à chercher son futur entraîneur ailleurs, sans même laisser la possibilité à l’Union de faire une proposition financière à De Mil ou à Charleroi. En perdant celui qu’il appelle «l’architecte de son projet» à un moment de la saison où le calendrier se durcit, le patron des Zèbres devrait repartir de très loin, alors que le travail de son coach a permis aux Carolos de compter à nouveau sur la scène nationale.

L’Union a peut-être hésité, mais n’a finalement pas insisté. La preuve que Mehdi Bayat, dont l’influence semblait décliner depuis son départ de la tête de la Fédération belge, a repris une place de choix dans la hiérarchie des patrons du football national. Voici quelques mois, c’est d’ailleurs lui que Lorin Parys, le CEO de la Pro League, a habilement désigné pour jouer les conciliateurs dans le délicat dossier de la réforme du format de la compétition. Alors que les directions de certains clubs historiquement influents sont récemment chamboulées, du départ de Vincent Mannaert, à Bruges, aux changements de CEO à Anderlecht et au Standard, le rôle de Mehdi Bayat dans les débats du football belge est redevenu majeur.

Le Franco-Iranien est le genre d’homme avec lequel on ne veut pas se brouiller, parce qu’il maîtrise les jeux de pouvoir comme personne. A l’Union, où il se murmure que Mogi Bayat est indispensable parce qu’il parvient systématiquement à dénouer les dossiers de transferts entrants en obtenant le joueur souhaité au prix estimé par les Bruxellois, on s’est peut-être également dit qu’il valait mieux éviter de se mettre un membre de la fratrie à dos.

Au printemps 2026, il pourra partir gratuitement vers un grand club du pays.

Un futur inconciliable?

Proactif à l’heure de protéger l’avenir carolo de son entraîneur, Mehdi Bayat ne fait pas que des heureux dans le clan de Rik De Mil. Parce que ses coups de téléphone empêchent souvent les discussions de se lancer, là où l’ambitieux coach flandrien aime être à l’écoute des défis qui se présentent à lui. Le cas de figure pourrait une nouvelle fois se présenter si Anderlecht venait à se séparer de Besnik Hasi, puisqu’il se dit que plusieurs membres de la direction mauve tiennent Rik De Mil en très haute estime. Iraient-ils jusqu’à le contacter en personne? Les dirigeants d’OHL ont osé, dans leur quête d’un successeur à David Hubert, parti prendre à l’Union le costume qui semblait dévolu à l’entraîneur des Zèbres. Comme une preuve que visiblement, tout le monde n’a pas peur de Mehdi Bayat.

Difficile d’imaginer, toutefois, que le mariage entre le Sporting de Charleroi et Rik De Mil se poursuive au-delà du terme de cette saison, au vu des tensions engendrées par ce «dossier Union». Au printemps 2026, le contrat de l’entraîneur stipule de toute manière qu’il pourra partir gratuitement vers un grand club du pays. Ceux-là voudront-ils encore de lui? Le Flandrien l’a expérimenté mieux que personne, en passant de pestiféré à coach préféré des dirigeants belges en un an à peine: le football change souvent d’avis.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire