Rik De Mil
Rik De Mil est l’homme déterminant du nouveau projet sportif des Carolos. © BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR

Pourquoi Charleroi fait de Rik De Mil le coach le plus puissant de Belgique

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Rik De Mil est la tête pensante du Charleroi du futur, présenté lors d’une conférence de presse en compagnie de Mehdi Bayat. Surprenant, à l’heure où les coachs sont de plus en plus souvent des employés comme les autres.

Le duel pour le titre entre l’Union et Bruges affirme une tendance. Celle qui veut que l’identité de l’entraîneur passe désormais au second plan. D’un côté, les Saint-Gillois ont joué le titre lors de quatre saisons consécutives avec autant de coachs différents. De l’autre, les Brugeois ont empilé six titres de champion depuis dix ans sous les ordres de cinq entraîneurs. La phrase de Vincent Mannaert, ancien CEO du Club et tête pensante du projet bleu et noir, lancée au soir du titre de 2016 alors que la menace d’un départ anticipé de Michel Preud’homme est imminente, est devenue un mantra: «Un entraîneur principal est important, mais un grand club doit parvenir à dépersonnaliser son succès».

Loin de ces clubs du futur où le coach est de plus en plus souvent un employé comme les autres, le Sporting de Charleroi présente Rik De Mil, son entraîneur depuis un peu plus d’un an, comme «un architecte». Le projet 2027-2030, présenté à la presse par les Zèbres le lundi 26 mai au centre d’entraînement de Marcinelle, porte ainsi clairement sa griffe. Les mots sont les siens, les idées sportives viennent en bonne partie de ses méninges –influencées par son passé brugeois– et même la vidéo diffusée par le club sur ses réseaux sociaux se vit au son de sa voix.

Peut-être est-ce en partie parce que Mehdi Bayat, présent aux côtés de son entraîneur pour présenter cette nouvelle stratégie sportive, sait que son discours est devenu inaudible auprès d’une bonne partie de son public. Parce que, comme il le déclare à la RTBF: «Dès que ça ne va pas, c’est toujours pour moi». Puisque son associé américain a rapidement perdu le lien privilégié qu’il avait tenté de créer avec les supporters les plus fervents des tribunes du Pays Noir, Rik De Mil semble désormais être le seul porte-parole «crédible» des projets carolos.

Tout n’est toutefois pas qu’une question de forme. Parce qu’au-delà des façades de la communication, Rik De Mil a véritablement reçu les clés du chantier sportif. A l’image de l’impact qu’un coach du calibre d’Hein Vanhaezebrouck pouvait avoir lors de ses années gantoises, le rôle du Flandrien à Charleroi dépasse largement les fonctions attribuées à un entraîneur «classique». Des responsabilités importantes dues à sa méticulosité sur le terrain comme en-dehors, qui se rapprochent des jalons posés voici quelques années par Edward Still pour professionnaliser le quotidien des Zèbres, mais aussi à l’absence d’un véritable supérieur hiérarchique en matière sportive, puisque le Sporting de Charleroi reste le seul club de l’élite à se passer de la figure d’un directeur sportif dans son organigramme.

Cette anomalie est une volonté de longue date de Mehdi Bayat, même si la porte semble un peu plus ouverte à l’arrivée d’un patron sportif depuis quelques mois. Au début de la saison écoulée, des rencontres avaient ainsi eu lieu avec l’un ou l’autre candidat, sans pour autant aboutir sur un accord. Il faut dire que Bayat aime de nombreuses facettes de cette gestion sportive, et a plutôt choisi de s’alléger la charge de travail en répartissant les attributions de ce département entre ses épaules, celles de son coach, et celles du jeune Joseph Braillard, responsable du recrutement carolo et poussé dans le dos par son patron qui lui promet –comme de nombreuses personnes au club– un brillant avenir.

Coach tout puissant mais convoité

Avec sa nouvelle formule sportive, Charleroi fait donc incontestablement de Rik De Mil le coach le plus influent du pays. Nulle part, au sein de l’élite belge, un entraîneur n’est impliqué à ce point dans la politique sportive de son club depuis les départs d’Hein Vanhaezebrouck à Gand et de Vincent Kompany à Anderlecht. Le Sporting l’assure: tout est mis en place pour que la structure survive à un éventuel départ de l’homme fort de sa saison. Mehdi Bayat enrobe le discours: «On va mettre en place un schéma de jeu. Tout sera adapté à cette philosophie. Le jour où Rik partira, le nouvel entraîneur s’adaptera, ce ne sera plus l’inverse.» Tant pis si les mots rappellent furieusement ceux prononcés quatre ans plus tôt, quand l’homme fort du club-phare du Pays Noir prenait la pose aux côtés du jeune Still. Une saison et demie passée, c’était pourtant le grand écart footballistique et même philosophique à Charleroi avec le retour au bercail de Felice Mazzù. Les Zèbres affirment avoir appris de leurs erreurs et avancent que cette fois, ce ne sera plus le cas.

L’inconnue vient donc plutôt du camp de Rik De Mil. Un an et demi après son arrivée à Charleroi, le Flandrien vit toujours à l’hôtel, et enchaîne les journées marathon à un rythme qui fait dire à certains que la menace d’un épuisement est réelle. Ses responsabilités étendues sont forcément flatteuses, lui permettant de jouir d’une importance stratégique qu’il n’aurait probablement dans aucun autre club en Belgique, mais elles sont aussi chronophages et énergivores. Face à la presse, le coach s’est en tout cas bien gardé d’affirmer que ce plan du futur dessiné par ses soins serait également mené de sa main. Il faut dire que le grand tour de manège qui s’annonce sur les bancs de certains clubs de premier plan de l’élite nationale doit inévitablement lui donner des idées. Entre le départ de Danijel Milicevic à Gand, la quête attendue d’un entraîneur à l’Antwerp et le potentiel remplacement de Besnik Hasi à Anderlecht, cela fait un paquet de postes majeurs qui pourraient voir apparaître son nom au casting.

Rik De Mil ne serait alors plus le coach le plus puissant de Belgique. Seulement celui d’un club plus puissant.

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