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Mons: plus qu’une question de prestige, la D1 est un impératif financier

Le RAEC Mons ne va pas bien. Derniers de notre championnat, les Dragons ont dû attendre le 30 novembre pour fêter leur première victoire. Le syndrome de la troisième saison semble encore frapper.

Depuis leur découverte de l’élite, il y a 11 ans, l’Albert n’a jamais réussi à rester plus de trois saisons en D1. Et voilà que l’histoire se répète alors que rien ne semblait prédisposer Mons à pareille sentence puisque le club restait sur la meilleure campagne de son histoire.

Quelques mois plus tard, le RAEC est en charpie. La faute à un recrutement très mal ficelé et au retour des démons du passé. Mais si l’organisation patiemment mise en place lors de la dernière descente en D2 a volé en éclats si facilement, c’est aussi la faute à un contexte difficile. Mons n’a jamais roulé sur l’or, obtenant toujours ses bons résultats avec un budget riquiqui. A force de tirer sur la corde, pas étonnant donc qu’elle casse.

Mais est-ce que le club réussira à se relever en cas de nouvelle relégation ? Mons avait abordé les deux derniers passages dans l’antichambre de l’élite avec l’ambition de remonter immédiatement. A chaque fois, le président Dominique Leone avait mis du sien pour garder un effectif compétitif. Pourtant, cette fois-ci, le climat semble plus morose. Le club qui pensait s’être stabilisé et avoir tiré les leçons du passé, a pris un gros coup sur la tête. Leone n’a plus l’énergie pour recommencer à zéro. Et en a-t-il encore les moyens ?

Comme beaucoup d’entreprises, il subit la crise économique. En novembre, sa société BELREF Refractories, spécialisée dans les produits réfractaires, a encore licencié huit personnes et les syndicats le soupçonnent de licencier par petites vagues pour éviter d’appliquer la loi Renault. Quant à ses filiales françaises, elles sont en chômage économique. L’homme fort de Mons, qui a toujours bouché les trous financiers, semble las même s’il conserve, avec son fils, la mainmise sur son club.

Difficile, donc, de connaître ses intentions en cas de chute en D2. Il peut rester ou partir. « S’il s’en va, il y a deux possibilités : il décide de revendre et tant qu’il n’a pas de repreneur, reste comme président. Ou il met la clé sous la porte, ne paie plus et le club tombe en faillite. C’est la pire solution pour la ville. Car, là, il faudra remonter un projet sportif », explique Georges-Louis Bouchez, échevin des finances et chef de file du MR.

« Avoir un ancrage montois n’est pas vital » (Ronald Gobert)

En pleine ascension, au plus mauvais moment, Mons connaît donc un coup d’arrêt qui pourrait vite s’apparenter à des funérailles de première classe. « Ce n’est vraiment pas cette année que cela devait nous arriver », explique un collaborateur du club. « Le projet du nouveau stade semblait se débloquer et les supporters petit à petit se fidéliser. » Et patatras, tout risque de s’écrouler. Le monde, si difficile à attirer, a déjà déclaré forfait. Il ne reste plus que les irréductibles fidèles.

« On parle plus des gens qui ne sont pas là que de ceux qui restent », peste d’ailleurs un supporter croisé à la Taverne 44, en face du stade. Mais les chiffres sont cruels. Malgré une baisse de 15 % du prix des abonnements, la fréquentation a chuté de 12 % par rapport à la saison dernière. « Faut vraiment avoir envie de venir. Les résultats sont mauvais, vous risquez de casser votre voiture dans les ornières et il n’y a aucune ambiance », ajoute un abonné.
Même les sponsors ont du mal à attirer des invités. « Quand on est dernier, cela devient compliqué de persuader les gens de venir », explique Ronald Gobert, sponsor à Mons depuis 25 ans par le biais de son entreprise Gobert Matériaux. Même son de cloche chez Frédéric Brasseur, sponsor depuis deux ans avec sa société de panneaux photovoltaïques Ecoparfait. « C’est un combat à chaque match. Il faut pouvoir vendre à un client un Mons-Lokeren ! Ce n’était pas chose facile la saison dernière, c’est encore plus ardu depuis qu’ils sont derniers. »

Pourtant, tous les sponsors engagés ont envie de rester. Ils se sentent choyés par le club et l’ambiance dans les business-seats demeure conviviale. « Quand on arrive à persuader des clients de venir, ils repartent satisfaits », dit Brasseur. « Il y a peut-être moins d’invités mais les tables restent bien remplies. C’est loin d’être désert », analyse Jacob Riis, à la tête de Right Ink, société de traduction. Lui, il a choisi de s’engager en septembre, convaincu par la structure commerciale mise en place par l’Albert depuis quelques années et qui s’articule principalement sur le Club 44, premier club d’affaires mis sur pied en Belgique francophone et qui continue à tourner du tonnerre.

Certes, la session du mois de décembre a été moins fréquentée mais c’est davantage lié à la période (celle des réceptions de Noël dans les entreprises) qu’aux résultats médiocres du club. 770 entreprises ont décidé de rejoindre au fil des années ce cercle d’affaires. Jacob Riis est un des derniers en date. « Même si le navire commençait déjà à sombrer, on ne savait pas que le club allait connaître une telle série de matches sans victoires lorsque nous nous sommes engagés », rigole Riis.

« Nous l’avons fait pour deux raisons. 1. Soutenir le club. Avoir une équipe en D1 pour une ville comme Mons, c’est une vitrine. Le football est une fenêtre pour notre ville. Grâce au football, on situe Mons très rapidement. Or, plus on parle de la ville, plus on fait des affaires. 2. Le club 44. Les entreprises présentes sont dynamiques et faire partie d’un club d’affaires avec des entreprises qui sont dans cet état d’esprit, c’est bénéfique pour nous. Cela peut nous ouvrir des portes. »

Mais peut-on imaginer un club péricliter et son club d’affaires continuer à vivre sa vie ? Possible même si le football (et donc les résultats sportifs) reste l’attrait numéro un. « Si on part du principe qu’on veut soutenir le club, on restera en cas de relégation », dit Riis. « Même si sur une échelle de satisfaction, je mettrais une cote de 7,5 sur 10, je sais très bien que mes clients sont intéressés par des gros matches, par les play-offs 1. On ne les aura pas pour des matches de D2. On attendra sans doute que le club remonte en D1 », reconnaît Brasseur.

Quant à Ronald Gobert, il va plus loin. « Quand nos confrères néerlandophones me parlent du RAEC Mons, ils me disent que je n’ai pas bien investi au niveau de ma communication. Les mauvais résultats nuisent à l’image de ma marque. Que ferai-je en cas de descente ? Il est clair que je ne mettrai pas le même budget en D2 qu’en D1 et même si le club demeure en D1, mon investissement dépendra de l’analyse que les dirigeants feront de cette saison. Néanmoins, on restera sponsor. Même si on est présent en Wallonie, Mons reste le lieu du début de l’histoire de la firme. Ça reste dans notre coeur. Pourtant, aujourd’hui avoir un ancrage montois dans notre sponsoring n’est plus nécessaire, ni vital. Cela peut même s’apparenter à du mécénat. »

« Si on finit le stade, il faut que Leone s’engage à rester. Même en D2 ! » (Georges-Louis Bouchez)

L’instabilité montoise (si Mons descend, il s’agira de la troisième relégation en dix ans) oblige le club à principalement souscrire des contrats de sponsoring d’un an. Le travail des commerciaux risque donc d’être particulièrement ardu ces prochains mois car convaincre les entreprises de les suivre en D2 ne sera pas aisé. Dès le mois de janvier, le club va d’ailleurs prévoir deux budgets : un en cas de descente en D2, et un en cas de maintien.

Et puis, il y a évidemment la question de la rénovation du stade. Le ministre Antoine a beau avoir débloqué des subsides pour l’érection des deux dernières tribunes du stade Tondreau, beaucoup de gens se demandent si cela vaut la peine de dépenser l’argent du contribuable pour un club de D2. La ville, longtemps montrée du doigt par les dirigeants montois, a repris la main en imposant ses exigences. Investir dans le stade oui mais si et seulement si Dominique Leone reste à la barre du club. « Si on finit le stade, il faut qu’il s’engage à dire qu’il reste. Si le doute plane, on ne pourra pas engager les travaux », continue Bouchez. « Car si Leone part et si on se retrouve sans dirigeant en D2, ce serait la catastrophe pour Mons. La ville ne saurait pas reprendre le club car on se retrouverait avec une structure qui coûterait autant que notre déficit structurel. La reprise de l’Albert par la ville signifierait donc qu’on doublerait notre déficit. Impensable. »

Pourtant, si Leone prend la poudre d’escampette, la ville, comme propriétaire des lieux, serait bien obligée de prendre les choses en main. Scénario qu’elle veut à tout prix éviter. Pour cela, elle oscille entre fermeté et séduction. Une main de fer dans un gant de velours en quelque sorte. A un an d’une échéance électorale, la ville ne veut pas passer pour le fossoyeur du club. Car le dossier du stade, elle l’a laissé pourrir dans les cartons pendant des années.
« De là à dire que le club est là où il est aujourd’hui parce que le stade n’est pas fini, il y a un pas. Que je sache, c’était le même stade l’année passée lorsque l’Albert a réalisé la meilleure saison de son histoire », se défend Bouchez. « Mais c’est clair qu’il faut donner au club les moyens de son développement. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sac et se dégager de ses responsabilités. Un club a besoin d’un outil pour se développer. Aujourd’hui, le collège est partagé entre deux thèses : la première dit que comme le club n’a pas beaucoup de supporters, il n’a pas besoin d’un stade neuf. La deuxième repose sur le fait que de belles infrastructures et du beau spectacle attirent le monde. » Une chute en D2 ne fera que renforcer le clivage.

La ville veut également se défendre de ne pas aider le club. Comme propriétaire du stade, elle dépense 62.864 euros de frais énergétiques, 29.000 euros de précompte immobilier, 45.000 euros pour l’entretien, 50.000 euros pour les terrains, sans compter une participation de 50.000 euros dans le sport-études. A cela s’ajoute le salaire de quatre agents mis à disposition (151.000 euros), soit une participation totale annuelle de 387.879 euros. Sans compter les crédits que la ville contracterait pour le stade et qui sont déjà inscrits dans le budget de 2014. Pas mal pour un club dont le budget oscille entre 5 et 6 millions d’euros.

Une relégation risque de laisser des traces profondes. En termes économiques, sportifs mais également d’image. « Un club en D1, ça fait rayonner la ville. Mons est la 10e ville du pays, le RAEC a donc sa place en D1 ! », conclut Bouchez.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

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