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Les deux visages d’Anderlecht

Anderlecht a à nouveau montré deux visages à Malines mais il continue à jouer la carte des jeunes. « Avec un peu plus de régularité, nous serions déjà qualifiés pour les PO1. »

Le match de l’AFAS Stadion est le reflet parfait de la saison d’Anderlecht : indépendamment d’une série de mauvais choix dans les trente derniers mètres, le Sporting a été très dominant – au repos, les Bruxellois avaient une possession du ballon de 64% – mais dans les moments cruciaux, l’équipe a manqué de résistance mentale.

À 1-0, la brigade de Vincent Kompany n’a pas su comment gérer la pression mise par Malines sur l’homme en possession du ballon. Anderlecht n’est plus parvenu à jouer et n’a pas fait le poids face au bloc physique d’un Malines combatif. Cette saison, le Sporting a souvent été à la peine contre les équipes qui jouaient avec énergie et intensité.

Partiellement à cause d’un manque de gabarit, surtout dans l’entrejeu, mais aussi parce que personne ne semble en mesure de prendre l’équipe en mains. Même pas Kompany.  » Le 1-0 a fait déborder la coupe. Après l’exclusion, nous avons subi le jeu et n’avons pas été capables de revenir « , a dû concéder Franky Vercauteren à l’issue de la partie.

 » L’équipe m’a-t-elle déçu ? En partie. On sait ce qui nous attend quand on se rend à Malines. Certains joueurs doivent donc se demander s’ils ont tout mis en oeuvre, en semaine, pour être présents dans le match comme il se doit. Je me pose une série de questions qui méritent une réponse.  »

Une seule constante : l’irrégularité

Le point inespéré qu’a pris Anderlecht à Gand a suscité un brin d’euphorie à Neerpede. Dans un élan d’enthousiasme, certains analystes se sont risqués à de grandes déclarations.  » Cette équipe a un énorme potentiel. Plus que toute autre équipe en Belgique, travailler avec ces jeunes serait un rêve « , a déclaré Aad de Mos au quotidien Het Laatste Nieuws. D’habitude, le Néerlandais ne rate pourtant aucune occasion de démolir son ancienne équipe.

Mais à Malines, il n’y a pas eu de remake de cette performance. De fait, l’Anderlecht 2019-2020 alterne les prestations encourageantes et les non-matches. Il n’y a qu’une constante cette saison : le recordman belge des titres s’expose à des problèmes contre n’importe quelle équipe, y compris celles qui sont en bas de tableau.

À quatre matches de la fin, les Mauves ont gagné 1,33 points par partie contre les six derniers du classement. C’est son plus mauvais score depuis des années. Il y a deux saisons, il remportait en moyenne 2,42 points par match contre ces équipes ( voir encadré).

 » Je vois la même chose que les autres : nous nous créons assez bien d’occasions mais le bât blesse à la dernière passe « , analyse Hendrik Van Crombrugge.  » C’est notamment pour ça que nous ne gagnons pas. Avec un peu plus de régularité, nous serions déjà en PO1.  »

Un employé impute ce manque de régularité à l’entourage versatile de certains jeunes. Dans le cas de Jérémy Doku, Vercauteren a prudemment pointé la presse du doigt.  » Ce qui s’est passé ne relève pas du hasard. Pourquoi ? C’est notre problème. Mais certains disent que Doku est presque aussi bon qu’Eden Hazard. Et bien moi, je dis qu’il n’est pas Hazard…  »

Plus de points sans Kompany

Autre constat frappant : Kompany est à la fois le point d’ancrage et le talon d’Achille de cet Anderlecht. À Malines, c’est Kompany qui a reçu le plus de ballons de Derrick Luckassen, Elias Cobbaut et Van Crombrugge. L’inverse n’était certainement pas vrai. Anderlecht joue beaucoup plus sereinement en l’absence de Kompany.

Les chiffres semblent confirmer cette hypothèse. Avec Kompany, le Sporting a gagné à trois reprises et a pris douze points en douze matches, soit une moyenne d’un point par rencontre. Sans Kompany, son bilan est un rien meilleur : 22 points en 14 matches, soit en moyenne 1,51 point par partie.

Toutefois, la présence de Vince n’est pas le principal problème. Anderlecht doit retrouver une winning mentality. Le discours de Kompany est emballant mais révèle que personne, dans le staff technique, n’est en mesure de sublimer les joueurs et de les inciter à livrer le meilleur d’eux-mêmes semaine après semaine.

Nul ne parvient à muer les joueurs en tueurs à chaque match. Alors que Philippe Clement, Laszlo Bölöni et Michel Preud’homme allument bel et bien l’ardeur de leurs joueurs. À Neerpede, certains estiment que Craig Bellamy pourrait insuffler une saine dose d’agressivité et de grinta à l’équipe mais il reste provisoirement en poste en espoirs.

Malgré une défaite douloureuse contre un concurrent direct, le processus n’est pas sous pression. Kompany ne cherche pas d’excuses mais il n’est pas étonné par ce qu’il s’est passé à Malines. Selon lui, c’est la conséquence du processus d’apprentissage.

Des attentes trop élevées

 » Je ne suis pas étonné qu’un garçon de 17 ans fasse quelque chose qui ait un impact sur le match. À cet âge, j’ai également commis des fautes. Nous avons décidé d’offrir leur chance aux jeunes et parfois, ça se paie cash. Mais nous allons continuer à les aligner. Nous avons choisi de jouer cette carte et nous ne pouvons pas prétendre que nous ne nous y attendions pas.  »

L’abandon ne figure pas au dictionnaire de Kompany. Il a transmis ce message aux autres joueurs. Van Crombrugge :  » Nous venions de réussir une série, nous avions insufflé un nouvel élan à notre saison, nous sentions qu’il fallait à nouveau tenir compte de nous… Nous n’avons pas pu répondre aux attentes. Mais j’ai connu des situations plus difficiles : j’ai dû lutter pour le maintien. Notre statut nous oblige à continuer à croire en une qualification pour les PO1.  »

Après une troisième saison sans titre et une campagne sans Europe, le Sporting s’expose à une saison sans PO1, une première depuis leur introduction. Mais la défaite à domicile de Genk face au Standard offrira peut-être un happy end au film sur la saison la plus dramatique d’Anderlecht depuis la Seconde Guerre mondiale.

Peter Verbeke : l’homme qui doit donner un nouvel élan au scouting

À Gand, Peter Verbeke, dernière recrue d’Anderleht, symbolisait la professionnalisation du scouting de l’équipe A. On le considérait comme le successeur de Michel Louwagie mais le club n’a jamais vraiment tenu les promesses faites à l’automne 2018, quand il a quitté le Club Bruges pour la Ghelamco Arena. Si Verbeke était parti de Bruges il y a deux ans, c’était déjà parce qu’il ne voyait plus de possibilités de progresser et de déployer ses ailes.

Verbeke est déjà le quatrième homme chargé de réformer le département du scouting en l’espace de quelques années, après Dimitri Mbuyu, Luc Devroe et Michael Verschueren. Anderlecht espère que le Gantois propulsera enfin son scouting au XXIe siècle.

Ces dernières années, Verbeke a tissé des liens étroits avec Let’s Play, le bureau de management du conseiller externe Wouter Vandenhaute. Ce n’est donc pas un hasard si Verbeke, l’homme qui a repéré Wesley Moraes, Marvelous Nakamba, Arnaut Danjuma, Krépin Diatta pour le Club, travaille désormais à Neerpede. Mais, globalement, le trentenaire vit mal les méthodes de travail de nombreux managers.

 » Je remarque que la mentalité des agents a changé à l’égard des adolescents. Peu leur importe qu’un gosse n’ait que 13 ans. Quels jeunes ont émergé dans leur équipe première initiale ? Ce sont des garçons comme Youri Tielemans, Brandon Mechele, Leandro Trossard, Bryan Heynen et Louis Verstraete. Des joueurs intelligents, bien encadrés, dont les parents et les managers n’ont pas demandé d’argent à un âge très tendre.

À l’exception de Zinho Vanheusden, tous les jeunes qui sont partis à l’étranger pour l’argent ont maintenant du mal à être titulaires dans leur club. Mon instinct me souffle ceci : quand vous donnez de l’argent à un gamin de 13 ans, il demandera le double à 16 ans et à 18 ans, il s’expatriera. C’est de la folie de donner un contrat à un jeune de 15 ans. On ne voit ça qu’en football. »

Jérémy Doku a précipité la défaite d'Anderlecht à Malines suite à on exclusion.
Jérémy Doku a précipité la défaite d’Anderlecht à Malines suite à on exclusion.© BELGAIMAGE

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