Tout le monde, à commencer par lui, attendait mieux de cette troisième pige comme coach du Standard. Le vrai bilan de Michel Preud’homme, deux ans après le ficelage de son retour.
679 jours que le Standard a posté son communiqué qui n’était que la fin d’un secret de polichinelle, l’officialisation d’un flirt déjà entamé au moment où Ricardo Sa Pinto était en pleine bourre dans les play-offs avec les Rouches : » Dix ans après avoir remporté le titre de champion de Belgique à Sclessin, Michel Preud’homme va se lier à nouveau avec le Standard de Liège dès le début de la prochaine saison. »
Oh, les espoirs dingues ! C’était le retour de l’éleveur de champions, du faiseur de miracles. Aujourd’hui, la saison est peut-être, voire sans doute, terminée. Et donc, on peut faire le bilan des deux premières années du troisième règne de MPH à Sclessin. Premier constat qui pique : jamais, depuis qu’il a découvert le métier d’entraîneur à la fin de l’année 2000, Preud’homme n’avait pris une aussi faible moyenne de points par match ( voir encadré). Si on clôture définitivement, il restera sur une troisième, puis une cinquième place en championnat, des éliminations précoces en Coupe de Belgique, des échecs aux portes de la phase à élimination directe en Europa League. Il attendait beaucoup plus. Son employeur aussi. Les fruits ne sont pas du tout à la hauteur de l’investissement financier consenti pour ramener l’enfant de la maison. Bilan et analyse.
Le Standard est largement en tête du classement des exclusions. Enfants de choeur mais pas trop…
Ça coince toujours contre les grands
La saison passée, les Rouches ont parfois montré de très bonnes choses contre les grands traditionnels pendant la phase classique. Par exemple, Bruges, La Gantoise et Anderlecht s’étaient inclinés à Sclessin. Et Charleroi avait subi la loi des Liégeois au Mambour. Mais ça s’est déjà compliqué en play-offs, dans lesquels le Standard a signé au bout du compte un bilan insuffisant de 13 points sur 30 (quatre victoires et un nul).
Après la phase régulière, ils étaient dans la roue de Bruges pour la deuxième place. À la fin des play-offs, ils étaient tout heureux de ne pas s’être fait dépasser in extremis par l’Antwerp et d’avoir conservé leur troisième position. Ces difficultés dans les rendez-vous de prestige sont encore plus criantes cette saison. Dans les dix matches contre l’Antwerp, Charleroi, Bruges, Gand et Anderlecht, l’équipe de Preud’homme n’a arraché qu’une seule victoire.
Une kyrielle de transferts ratés
On a une majorité d’entraîneurs qui, dès que les résultats ne sont pas bons, disent carrément ou sous-entendent que leur noyau ne correspond pas à la façon dont ils voudraient jouer. Qu’ils sont obligés de composer avec des choix faits par d’autres. Michel Preud’homme fait exception. Quand on cumule les postes de T1, directeur technique et vice-président, on a forcément son mot à dire dans tout, et donc dans le recrutement aussi. Invité récemment par l’Association des Clubs Francophones de Football à donner un clinic, MPH a reconnu qu’il avait du mal à déléguer. » Au début, j’ai eu beaucoup de problèmes avec ça parce que je suis quelqu’un qui veut tout contrôler (…) Je vois ma fonction comme celle d’un chef d’orchestre qui dirige un groupe, mais qui doit quand même être capable de jouer lui-même, sinon ça ne va pas. »

La saison dernière, dans les périodes de moins bonne conjoncture, il signalait facilement qu’il avait hérité d’un groupe qui ne correspondait pas exactement à ses attentes, à ses priorités, à ses conceptions de jeu. C’était déjà étonnant comme discours parce que son retour au Standard avait été ficelé dès le mois d’avril, ce qui lui avait laissé largement le temps de composer le noyau qu’il avait en tête. Et puis, le groupe qu’on avait mis entre ses mains avait quand même gagné la Coupe et failli être champion avec Ricardo Sa Pinto.
Aujourd’hui, l’excuse tient encore moins la route. L’effectif pro version 2019-2020 du Standard, c’est un effectif composé par son grand patron sportif. Un confrère, assez proche de Preud’homme, nous raconte qu’en été de l’année dernière, MPH en avait plein la bouche quand il évoquait deux joueurs qu’il souhaitait absolument recruter : un gardien, Vanja Milinkovic-Savic, et un attaquant, Felipe Avenatti. On a entre-temps pu comprendre que le portier serbe avait été recruté sur vidéos. Et Avenatti, blessé quand il a signé, n’a toujours pas apporté grand-chose. Les transferts recommandés et / ou validés par Michel Preud’homme ne sont pas tous des échecs, loin de là, évidemment. Donner à Samuel Bastien une première vraie chance dans le championnat de Belgique, il l’a fait, et très bien fait. Relancer un Maxime Lestienne dont on se demandait s’il était encore joueur de foot, il l’a très bien fait aussi. On doit également mettre à son crédit l’affirmation à un bon niveau de joueurs qui n’avaient encore connu que des clubs de seconde zone, comme Mërgim Vojvoda ou Selim Amallah. Aller débaucher Nicolas Gavory aux Pays-Bas, c’était une bonne idée aussi. Un bon coup de scouting parce que le Français ne jouait pas pour un des trois grands traditionnels de ce championnat.
Mais les bons coups réalisés en quatre périodes de transferts s’arrêtent là. Il y a – jusqu’ici en tout cas – des échecs cuisants. Obbi Oulare a inscrit récemment le seul but du match contre l’Antwerp, mais sur la durée, son séjour à Liège est un gros flop. On ne peut pas être étonné, vu que ce joueur est à la ramasse depuis qu’il a quitté Bruges en 2015. Pour lui, l’échec au Standard n’est qu’un flop de plus. Mais un flop coûteux. La sensation croate Alen Halilovic, annoncée comme un Lionel Messi 4.0, s’est plantée au Standard, comme dans un tas d’autres clubs. Et il y a eu beaucoup d’autres paris qui se sont révélés ou se révèlent perdants : le retour d’Orlando Sá, Senna Miangue, Nicolas Raskin, Aleksandar Boljevic (dans une moindre mesure), Anthony Limbombe, Denis Dragus, Eden Shamir.
MPH en mode révélateur
À côté de ça, le grand patron du RSCL a provoqué plusieurs révélations. Son objectif au début de cette saison n’était certainement pas de lancer Arnaud Bodart entre les perches – puisque Milinkovic-Savic était, dans son esprit, partant certain comme numéro 1. Bodart est devenu un choix par défaut. Mais il a directement rassuré et explosé. Aujourd’hui, il peut être considéré comme la meilleure surprise de la saison du côté de Sclessin. On doit aussi citer le passage de Gojko Cimirot à un nouveau palier, par rapport à ce qu’il avait montré avant cette saison. En 2018-2019, Preud’homme a permis à Razvan Marin de prendre une autre dimension. Parce qu’il faut se souvenir que sous les ordres de Sa Pinto, le Roumain continuait à charrier des tonnes de doutes dans le milieu et le public. MPH en a fait le moteur de son équipe, il a constitué un duo fort avec Marin et Cimirot. Depuis le départ de Marin, Cimirot s’est rapproché du niveau qu’affichait son compère roumain. L’équation dans la zone des médians défensifs est souvent une clé dans le jeu d’une équipe. Preud’homme a réussi avec la paire Marin – Cimirot, puis il a refait le coup avec le duo Cimirot – Bastien.

En élevant de façon spectaculaire le niveau de jeu de Marin, il a permis au Standard de réaliser l’un des plus beaux coups financiers de son histoire, avec cette vente à l’Ajax. Sur le même thème, on doit se souvenir de la façon dont il a porté Moussa Djenepo en haut de l’affiche, pour en faire un autre transfert sortant record, avec l’achat par Southampton. Sans ces deux ventes, les finances du club seraient dans un état encore plus déplorable.
Une gestion limite de cas difficiles
Pour justifier la mise à l’écart de Luis Pedro Cavanda, le Standard peut toujours évoquer des problèmes de comportement. On connaît le joueur, il n’a jamais été le plus simple à gérer. Justifier de la même façon le renvoi d’Orlando Sá, c’est déjà plus limite. Le Portugais n’était probablement plus le même, physiquement, après son retour de Chine. Mais le club aurait pu trouver une façon plus élégante de lui faire comprendre qu’il n’avait plus d’avenir à Liège. Quand des tensions doivent être réglées par des avocats et des huissiers, ça ne fait de bien à personne.
Et, plus frappant encore, il y a la fin houleuse de la collaboration avec Sébastien Pocognoli. Lui, c’est un enfant du Standard, comme Michel Preud’homme. Mais il a dû partir dans une ambiance délétère. Le défenseur a vite compris que le nouvel homme fort du club ne comptait pas trop sur lui. Parce qu’il avait été un homme de Sa Pinto ? Les relations entre Poco et MPH étaient quasi inexistantes. L’ancien Diable a appris, après les faits, au début de cette saison, qu’il n’avait été placé ni sur la liste de joueurs pour l’Europa League, ni sur la liste pour les matches de championnat. Dans son cas comme dans celui de Sá, ça aurait pu se régler avec beaucoup plus d’élégance, de correction, de franchise.
Je suis quelqu’un qui veut tout contrôler. » Michel Preud’homme
Des réactions déplacées et une communication agressive
Michel Preud’homme a raison quand il dit que ses joueurs créatifs n’arrêtent pas de subir des fautes. Depuis l’été dernier, des joueurs comme Maxime Lestienne, Paul-José Mpoku ou Mehdi Carcela ont souvent été victimes des frustrations d’adversaires. Seul Genk a subi plus de fautes que le Standard lors des 29 matches de championnat. Maintenant, au niveau des fautes commises, les Rouches figurent à la mi-classement. Enfants de choeur mais pas trop quand même.
Le problème, ce sont quelques réactions de mauvaise humeur qui ont parfois coûté cher. Le Standard est largement en tête du classement des exclusions : sept. C’est presque deux fois plus que le total du deuxième de ce triste hit-parade (Eupen, quatre). MPH n’est pas responsable quand, par exemple, un Carcela transforme sa jambe en grande faucheuse. Il n’est pas dans le corps du garçon. Ni dans sa tête. Par contre, le coach commet une erreur quand il excuse certains dérapages de ses joueurs. On retient d’abord son discours surréaliste après le nul à Mouscron, quand il avait surtout trouvé des circonstances atténuantes à Mpoku et Carcela, qui avaient vu rouge pour des agressions impardonnables. Preud’homme aurait marqué des points s’il avait joué profil bas. Il a préféré le discours choc. Ça s’est retourné contre lui. La presse et le public n’ont pas accepté ses explications. Alors, il en a remis une couche dans les jours qui ont suivi. Les coupables dans toute cette histoire, ce n’étaient plus seulement les adversaires qui matraquaient ses joueurs, c’étaient aussi les médias qui refusaient de le comprendre.
Il estime aussi qu’il est incompris par les arbitres. Dans les images fortes du championnat de Belgique 2019-2020, il y aura le Preud’homme suspendu, en tribune lors du match à Charleroi. La première suspension du genre, pour cinq avertissements, dans l’histoire de notre football. Mais aussi le Preud’homme qui, systématiquement, rit au nez des arbitres qui lui montraient une carte jaune. C’est devenu un gimmick, ces derniers mois. Un arbitre avertit Preud’homme, le T1 éclate de rire comme pour montrer que c’est n’importe quoi, et son adjoint, Eric Deflandre, prend la même pose hilare.
