Le Standard aura-t-il une allure très différente sur la pelouse la saison prochaine? © BELGA PHOTO BRUNO FAHY

Le Standard selon Giacomo Angelini: économies, professionnalisme et rêve d’investisseurs

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

On l’imaginait en CEO intérimaire, il a lancé une prise de pouvoir. Giacomo Angelini est là pour durer à la tête du Standard, et il pourrait bien changer la feuille de route des Rouches.

Jamais son nom, pourtant de plus en plus hautement situé dans l’organigramme mouvant du Standard de Liège, n’avait suscité l’émoi.

Ni au printemps 2022, quand les nouveaux propriétaires américains de 777 Partners l’incitent à quitter son poste de CFO chez Rolls-Royce Solutions Liège pour endosser le costume de directeur financier d’un club qu’il supporte depuis de longues années.

Ni un peu plus de deux ans plus tard, à l’heure du départ de ces Américains fort chahutés, quand la refonte du conseil d’administration du matricule 16 lui offre une place à la table des administrateurs, en compagnie de Pierre Locht et de David Shaw, représentant d’A-Cap, nouveau patron venu de l’autre côté de l’Atlantique.

Ni même au mois de mars dernier, à l’heure où le départ d’un Pierre Locht démissionnaire de longue date devient officiel, ce dernier prenant la direction de la Fédération belge de football. Pourtant, Giacomo Angelini devient alors le CEO. Rares sont ceux qui s’y intéressent vraiment, comme en témoignent les très rares photos de lui en ligne. Même s’il est alors le nouvel homme fort de l’exécutif rouche, tous se disent que c’est un intérim qui ne devrait pas durer, le temps que la revente du club soit (enfin) actée. Il faut attendre une quatrième «promotion», survenue dans la soirée du 2 avril, pour que le football s’intéresse finalement à Giacomo Angelini. Dans un communiqué, le Standard explique ainsi qu’une «solution optimale pour le club et A-Cap a pu être dégagée au travers d’une initiative, menée par le CEO actuel du club, Giacomo Angelini, qui impliquera des investisseurs locaux.»

Il y a soudain beaucoup d’émoi autour du nom de Giacomo Angelini.

Les méthodes de Giacomo Angelini

Son LinkedIn est épluché, ses anciens collègues ont le téléphone qui sonne et la langue qui se délie. Tous veulent savoir qui est cet homme de l’ombre, qu’on qualifie en interne comme l’un des responsables de la santé financière améliorée du Standard après le gouffre creusé par la fin du règne de Bruno Venanzi. En un peu moins de trois années passées à piloter les finances liégeoises, il s’est plus souvent attelé à réduire les coûts qu’à augmenter les revenus. Une politique qui a forcément fait grincer des dents dans les bureaux de Sclessin, notamment parce qu’elle a fait tomber des têtes. C’est à lui qu’on doit le départ de Benjamin Mignot, ancien responsable commercial auquel il était reproché de ne pas assez faire briller la «marque Standard» auprès de riches sponsors potentiels.

C’est également Giacomo Angelini qui a mis un terme au rôle de Maxime Filot à la tête du recrutement du centre de formation. Cet ancien Ultra avait initialement été nommé «Directeur ADN» par Bruno Venanzi, une habile manœuvre pour se garantir le soutien des tribunes, avant d’être recasé à ce poste sans grande expérience du métier et donc, logiquement, sans grand succès. Une reconversion improvisée qui n’a pas plu à la rigueur du nouveau responsable financier des bords de Meuse, pleinement engagé dans la diminution des lourdes dettes du club.

Au printemps 2024, pour la première fois depuis quatre ans, le Standard n’a pas besoin de session de rattrapage pour obtenir la licence, indispensable sésame extrasportif qui ouvre les portes du football professionnel. La cure d’austérité prônée par le responsable financier porte visiblement doucement ses fruits. En tant que CEO, on imagine mal Giacomo Angelini dévier de cette trajectoire d’un Standard plus réaliste, à l’image de celui esquissé par Ivan Leko sur le terrain. Comme dans leur plan de jeu, les «Rouches» optent pour la froide analyse de leurs possibilités actuelles: ils ne font plus partie de l’élite nationale et ne doivent donc plus se comporter comme tel sur le plan financier, notamment dans les salaires offerts aux recrues.

La fin du Standard à l’ancienne?

Même le physique de Giacomo Angelini semble accompagner le mouvement. L’homme a l’allure grave et austère de ceux qui commandent avec des chiffres, et la carrure et la ferme poignée de main des hommes qui manient la main de fer au propre comme au figuré. «Silence, ça bosse»: telle pourrait être la devise du nouveau CEO des Rouches, au sein d’un club où beaucoup disent que l’abnégation ne se retrouve pas à tous les étages de la pyramide. Chez ceux qui travaillent avec le Standard, agents ou entourage des joueurs, on parle souvent d’un club loin d’être aussi soigneusement professionnalisé que ses homologues du nord du pays dans le suivi des joueurs, un décalage important qui est l’un des mantras du nouvel homme fort de Sclessin. Parce que si «son» Standard doit être plus austère, il doit également devenir plus professionnel.

Derrière cet air ferme et fermé, on dit cependant de Giacomo Angelini qu’il a l’humour pince-sans-rire et la compagnie agréable. Ses collaborateurs le présentent comme un homme d’affaires de haut niveau, particulièrement à cheval sur la déontologie. Au Standard, on n’imagine pas sous son règne des casseroles semblables à l’affaire Edmilson, qui avait noirci une première fois le tableau de l’ère Venanzi.

En interne, beaucoup attendent désormais avec une certaine appréhension les premières secousses de sa prise de pouvoir. L’arrivée d’un directeur sportif, poste laissé vacant par le départ de Fergal Harkin, sera son premier chantier. Certains noms circulent déjà, comme celui de l’ancien directeur de la formation du Club de Bruges Roel Vaeyens, alors que le travail à budget réduit réalisé par Tim Matthys à Malines ne laisse certainement pas les décideurs rouches indifférents. Intéressé par la fonction, en pole position pour l’occuper si certains des acheteurs potentiels annoncés dans la presse avaient posé leurs valises à Sclessin, Réginal Goreux n’entrera sans doute pas dans l’équation, ses divergences de point de vue avec Giacomo Angelini étant nombreuses.

La grogne des tribunes

Avant même les premiers mouvements du nouveau patron, les supporters du Standard ont affiché leur mécontentement par l’intermédiaire d’un communiqué. Peut-être parce que leurs relais passés et présents au sein du club ne sont pas dans les petits papiers du nouvel homme fort de Sclessin. Plus certainement, parce que les années de dirigeants fantômes ont échaudé leurs rêves et ravivé les craintes. «Comment croire en un projet qui n’est, semble-t-il, pas ficelé et qui paraît être le moins concret des différentes offres proposées», interrogent les Ultras liégeois, craignant «un montage frauduleux» et se demandant également «comment monsieur Angelini compte trouver des investisseurs locaux alors que l’ancien propriétaire de notre club a peiné à le faire durant plusieurs années.»

En un peu moins de trois années passées à piloter les finances liégeoises, Giacomo Angelini s’est plus souvent attelé à réduire les coûts qu’à augmenter les revenus.

De Nicolas Lhoist à Roland Duchâtelet en passant par François Fornieri, Bruno Venanzi avait effectivement tenté en vain de rassembler des fonds liégeois avant de se résoudre à laisser le Standard s’envoler sous pavillon américain. A l’heure actuelle, aucun investisseur belge n’a, du moins, mis de moyens sur la table pour accompagner ce projet naissant. Pas sûr qu’ils se précipiteront, et le principal objectif des Rouches à court terme sera sans doute de continuer à réduire leur dette tout en recommençant à créer de la valeur. A ce petit jeu, on dit de Giacomo Angelini qu’il est l’un des meilleurs.

Le principal problème du nouvel homme fort du Standard, c’est le temps. Il joue contre lui, aussi bien aux yeux d’un public qui commence à souffrir de ces longs mois de navigation à vue que dans le vestiaire, où joueurs et staff sont préoccupés par les trop rares perspectives d’avenir. Convoité par certains des plus grands clubs du pays après cette année à flirter avec le Top 6, Ivan Leko n’exclurait pas de faire ses valises si un projet plus stable frappe à sa porte, même s’il a pris goût à l’ambiance de Sclessin. Sans la nomination rapide d’un directeur sportif, il sera difficile pour le Standard d’avoir une ligne de conduite, et donc de la présenter à ses joueurs et à ceux qu’il aimerait recruter. Entamer la refonte du projet sportif en plein milieu du mois d’avril est un exercice périlleux. Même si au Standard, on commence à en prendre l’habitude.

A Liège, désormais, tout le monde parle de Giacomo Angelini. Pourtant, personne ne sait toujours vraiment qui il est. Il faut alors se souvenir de son mantra: on se tait et on travaille. Le nouveau CEO parlera avec des actes. Tout Sclessin attend désormais que ses premiers choix brisent le silence.

Comme dans son plan de jeu sur le terrain, le Standard opte pour la froide analyse de ses possibilités actuelles: il ne fait plus partie de l’élite nationale et ne doit plus se comporter comme tel sur le plan financier.

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