L’EURO 2024 se déroulera en Allemagne et doit être un conte de fées estival. Comme le fut le Mondial 2006.
Jamais nous n’avons vécu de tournoi aussi intense que le Mondial allemand de 2006. C’est comme si le pays voulait à l’époque se défaire définitivement du poids du passé. Avec son habituel sens de l’emphase et du show, le président de la FIFA, Sepp Blatter, avait qualifié ce tournoi de meilleur de toute l’histoire, avant même que le coup d’envoi n’en soit donné. Un slogan avait déjà fait le tour du monde: Die Welt zu Gast bei Freunden. Le monde invité par des amis.
Cette Coupe du monde sera bel et bien une fête. Au terme d’une saison marquée par une série d’affaires de paris, tout le monde s’est réconcilié avec le football en Allemagne. La cérémonie d’ouverture? Un superbe show, avec 1.400 danseurs et 160 champions du monde issus des sept continents, réunis dans l’Allianz Arena de Munich. L’enthousiasme sera le fil rouge du tournoi. À travers le pays, les voitures arborent des drapeaux allemands, les trains sont ornés d’autocollants du Mondial et la moindre rue rayonne de l’ambiance de l’événement. Bref, c’est l’euphorie. Chez lui, Vincent Kompany suit les reportages avec étonnement. Il poursuivra sa carrière à Hambourg au terme du tournoi, succédant à Daniel Van Buyten, transféré au Bayern.
Toutes les villes qui accueillent une équipe nationale vivent ce tournoi à fond. Comme Würzburg, une cité universitaire de 130.000 habitants, qui abrite la sélection du Ghana. Après sa spectaculaire victoire 0-2 contre la République tchèque, les Ghanéens sont fêtés comme il se doit. La grand-place est comble! Le bourgmestre prend la parole et clame: » Black stars are Würzburg stars. » La folie!
Pendant un mois, l’Allemagne se retrouve, car avant ce tournoi, elle affichait rarement ses sentiments patriotiques en public. La presse joue un rôle prépondérant dans cet enthousiasme. En plus, le football développé sous la houlette de Jürgen Klinsmann se veut moderne et subtil. Comble de l’ironie, deux mois avant le Mondial, c’est tout juste si Klinsmann n’avait pas dû débarrasser le plancher, suite à une défaite 4-1 dans un match amical contre l’Italie. La chancelière Angela Merkel s’était mêlée aux débats: elle ne voulait pas que cet événement, la locomotive censée relancer l’économie, pâtisse de ces dissensions. Pendant le tournoi, Klinsmann sera finalement encensé, qualifié d’architecte d’une nouvelle culture du football, une véritable révolution, avec un football rapide, aventureux, des joueurs jouant constamment vers l’avant. Même si l’Allemagne est éliminée par l’Italie en demi-finale, on est d’avis qu’il faut prolonger son contrat le plus vite possible. Mais Klinsmann pense qu’il s’agit moins d’une question d’entraîneur que d’une question de philosophie. Or, celle-ci est également initiée par son assistant, un certain Joachim Löw. Un homme dont l’impact sera beaucoup plus important sur le style de jeu qu’on ne le pense alors. Plus tard, Klinsmann n’obtiendra plus vraiment de succès au poste de coach en club.
Pendant le Mondial, la télévision allemande se découvre un consultant brillant. La ZDF s’offre Jürgen Klopp pour décortiquer les matches. Kloppo entraîne alors le FSV Mainz 05 et n’est pas encore très connu. Il doit former un duo avec Franz Beckenbauer, mais celui-ci refuse: « Je ne m’assieds pas à table avec Klopp », déclare-t-il, d’un ton pédant. Pas assez bien pour lui. Beckenbauer préférerait aujourd’hui qu’on ne lui rappelle pas trop cette saillie.
Beaucoup d’eau a depuis coulé sous les ponts. L’EURO 2024 suscitera-t-il à nouveau pareil engouement? L’Allemagne avait entamé un décompte mille jours avant le début du Mondial. Par la suite, elle avait eu du mal à se réveiller de ce de conte de fées d’été, à ne plus vivre en noir-rouge-jaune. Et Franz Beckenbauer? L’ancien champion du monde continue à donner son avis sur tout et va sans doute parcourir le pays, en tant qu’ambassadeur du tournoi, en insistant constamment sur la fraternité que génère le football. Beckenbauer aura alors presque 79 ans.