Rudi Garcia n’a pas encore totalement convaincu à la tête des Diables. Loin de là. © BELGA

Le bilan comptable des qualifications des Diables Rouges est le moins bon depuis plus d’une décennie

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

La Belgique a pris son futur en plein visage lors d’un partage amer à Astana. Sans les derniers ténors de leur «génération dorée», les Diables doivent-ils avoir peur de rentrer dans le rang?

Il aura fallu attendre un peu plus de sept ans, et saupoudrer le tout de quelques concours de circonstances: aux convalescences conjuguées de Romelu Lukaku et Kevin De Bruyne, les aléas de la saison ont ajouté des précautions prises par le Real Madrid avec la santé de Thibaut Courtois, un retour de blessure encore trop récent de Youri Tielemans et un carton jaune écopé à Cardiff par Thomas Meunier. Sans eux, pour la première fois, la Belgique s’est présentée sur la pelouse synthétique d’Astana sans aucun des 23 héros de 2018, ceux qui avaient ramené de leur voyage dans l’est de l’Europe une médaille de bronze mondiale.

L’opportunité était grande pour les héritiers, ceux qui n’en peuvent plus d’entendre parler de «génération dorée». Ils avaient tout entre les pieds pour montrer qu’ils étaient en mesure d’aider la Belgique à tourner la page. Un match pour écrire leur propre histoire. Sans oublier retrouver les glorieux et précieux aînés l’été prochain pour la Coupe du monde, mais avec la fierté d’être ceux qui auront définitivement validé le billet pour le Mondial. Tout seuls, comme des grands. Amadou Onana et Arthur Theate, figures les plus charismatiques et surtout vocales de cette nouvelle vague, n’ont pas pris les choses en main comme prévu. Pas plus que Jérémy Doku, agacé par le manque de préparation tactique d’un match qu’il aurait voulu remporter dans la foulée de sa série d’exception sous le maillot de Manchester City.

Le bilan comptable des qualifications est le moins bon des Diables depuis plus d’une décennie.

Forcément, les grands absents s’accaparent les grandes questions. Au micro de VTM, quand on lui demande de réagir à l’absence conjointe de Lukaku et De Bruyne et aux conséquences que cela peut avoir sur l’équipe, Doku démarre au quart de tour: «Si on a besoin d’eux pour gagner ce genre de match, on ne fera rien à la Coupe du monde.»

«Ce genre de match», c’est un duel contre le modeste Kazakhstan, certes porté par une nouvelle génération talentueuse et soutenu par un gardien aux réflexes plus efficaces que maîtrisés. Une équipe avec laquelle un partage ravive les mauvais souvenirs de 2006, quand les Diables de René Vandereycken vivaient leurs heures les plus sombres en entamant les qualifications pour l’Euro 2008 par un nul blanc à domicile contre ces adversaires normalement largement à leur portée.

La Belgique n’est évidemment pas retombée si bas, parce que Roberto Martínez a mis à profit sa double casquette de directeur technique et de sélectionneur pour professionnaliser les structures fédérales et que les clubs belges ont largement revu à la hausse les standards de leur formation des jeunes talents. Elle semble cependant commencer à prendre conscience qu’elle ne remontera probablement plus si haut.

Le pire bilan des Diables en dix ans

Pour entamer une nouvelle ascension vers les sommets du football mondial, il faut évidemment suivre les traces d’un bon sherpa. Domenico Tedesco changeait trop souvent de trajectoire, à tel point que ses joueurs n’ont jamais vraiment semblé savoir par où ils devaient avancer. Rudi Garcia, lui, a plus d’expérience et moins d’expérimentation que son prédécesseur, mais la clarté de ses discours contraste avec le flou tactique d’un jeu qui semble entièrement placé entre les pieds des joueurs. Le bilan comptable des qualifications est le moins bon des Diables depuis plus d’une décennie, avec «seulement» 75% des points pris. Le tout face à des adversaires qui n’avaient rien de ténors: parmi les 30 joueurs les plus chers, selon le site Transfermarkt, sélectionnés par les équipes du groupe J lors de cette fenêtre internationale de novembre, on dénombre 20 Belges, neuf Gallois et un seul Macédonien. Pourtant, la Belgique sort de ces qualifications sans encore avoir vécu son match référence sous les ordres de Rudi Garcia.

Si les partages contre la Macédoine du Nord ou au Kazakhstan ont beaucoup fait parler de l’absence de Romelu Lukaku et du problème de ressources offensives au sein de la nouvelle génération, les questions défensives restent au cœur des ennuis tactiques des Diables Rouges. Jamais, depuis leur retour dans les grandes compétitions internationales en 2014, les Belges n’avaient encaissé plus de six buts lors des qualifications, qui étaient pourtant parfois plus longues que celles fixées sur la route du Mondial en Amérique du Nord. Contrairement à Domenico Tedesco, qui plaçait souvent Arthur Theate à l’arrière gauche et pouvait encore compter sur le chevronné Jan Vertonghen jusqu’au dernier Euro, Rudi Garcia est parti vers une approche plus offensive réclamée à ses défenseurs latéraux, exposant les limites d’un secteur défensif qui n’offre toujours pas les garanties nécessaires pour tenir le choc dans des matchs de très haut niveau. La vitesse d’Arthur Theate masque bien des lacunes, mais le défenseur de Francfort a rappelé bien malgré lui à Astana qu’il n’était pas à l’abri d’une erreur à la relance.

Ni Koni De Winter, rarement rassurant au Kazakhstan, ni Zeno Debast qui souffre toujours autant dans les airs, n’ont amené plus de certitudes. Si ce dernier, notamment grâce à sa qualité de relance au-dessus de la moyenne, sera probablement l’associé défensif de Theate pour les mois à venir, la charnière belge que Rudi Garcia avait placée parmi ses principaux chantiers de début de mandat n’a pas (encore?) l’étoffe de celles qui dissuadent les attaquants adverses.

Rudi comme Willy?

Privée de véritables repères collectifs, la Belgique remet de plus en plus souvent son sort offensif entre les dribbles de Jérémy Doku. Méticuleusement trouvé dans les zones dangereuses grâce aux schémas de possession de Pep Guardiola à Manchester, le dynamiteur belge doit faire beaucoup plus de différences individuelles dans un jeu belge qui le sollicite plus souvent, plus bas et moins esseulé.

En coulisses, les comparaisons entre la Belgique de Rudi Garcia et celles de Marc Wilmots se multiplient à Tubize. Tout en glissant que réitérer les performances du Mondial vécu sous les ordres de «Willy», avec un quart de finale perdu contre un ténor planétaire, serait une performance inespérée l’été prochain. Parce qu’il y a douze ans, les futurs héros de 2018 étaient bien plus nombreux.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire