À l’Inter, l’Argentin Lautaro Martínez forme une paire redoutable avec Romelu Lukaku. Nous l’avons rencontré en compagnie de son épouse, la top model argentine Agustina Gandolfo.
C’est son père qui lui a offert ses premières chaussures de football, des Penalty bleu et noir. Elles sont toujours chez sa mère. À l’époque, Lautaro n’a encore jamais entendu parler de l’Inter. Chez les Martínez, on ne compte qu’une chambre et un téléviseur. Et c’est papa qui décide du programme. Aujourd’hui, à 23 ans à peine, l’Argentin est l’une des stars de l’ Albiceleste et de l’Inter, où il forme un duo de feu avec son pote Romelu Lukaku: LuLa.
Sa femme, la mannequin argentine Agustina Gandolfo, est « influenceuse » dans son pays. Tous deux se sont rencontrés par l’intermédiaire de son agent, la flamboyante Wanda Nara, épouse de Mauro Icardi. Celui-ci jouait encore à l’Inter lorsque Lautaro y est arrivé, mais un an plus tard, Maurito a dû faire place nette pour Lukaku et il évolue à présent au PSG.
Le couple attend son premier enfant, une fille, qui naîtra en mai. C’est l’un des trois moments que le jeune avant attend avec impatience, avec la Copa América et le Scudetto, le titre de champion d’Italie. Mais la naissance de Nina passe avant tout.
Ce sera le plus beau but de votre vie.
LAUTARO MARTÍNEZ: Nous sommes vraiment impatients, tellement heureux. Ça vaut aussi pour nos parents: Nina sera leur premier petit-enfant.
AGUSTINA GANDOLFO: À vrai dire, ce n’était pas programmé: nous sommes encore tellement jeunes. J’ai fait un test de grossesse pour être sûre. Lorsque Lau est rentré à la maison, il m’a trouvée en larmes. Il nous a fallu une semaine pour nous en remettre.
MARTÍNEZ: Nous sommes restés assis pendant dix jours dans le divan, totalement sous le choc.
GANDOLFO: Jusqu’à la première échographie, lorsque nous avons entendu battre son petit coeur. Soudain, tout a changé, nous avons enfin réalisé ce qu’il nous arrivait. Ce fut un moment plein d’émotion. Maintenant, on se réjouit qu’elle naisse, c’est la plus belle chose qui puisse nous arriver.
Quel genre de parents serez-vous?
MARTÍNEZ: Des parents très présents, comme les nôtres l’ont été pour nous. Nous allons leur donner ce que nous avons reçu. La modestie, d’abord. Et la générosité envers ceux qui sont généreux ainsi qu’envers ceux qui en ont besoin.
« Prendre des claques, ça peut aider à s’endurcir, mais quand on est jeune, ça fait surtout très mal »
Comment avez-vous réussi à convaincre Agustina de quitter Mendoza pour vous suivre à Milan?
MARTÍNEZ: J’ai fait le forcing par messages.
GANDOLFO: Le choix n’a pas été facile. J’avais mes magasins de vêtements, mes amis, mes études universitaires… J’ai tout abandonné, mais je ne m’en plains pas. Sa détermination m’a convaincue. Quand il m’a dit: « Tu verras qu’un jour, on sera ensemble », j’ai été conquise. Quand il a une idée en tête, il se donne à fond jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il veut: il n’arrête pas. Il est costaud et généreux, mais à la maison, c’est un amour. Un perfectionniste, aussi. Il est très ordonné. Je suis beaucoup plus relax.
MARTÍNEZ: Elle veut dire chaotique.
GANDOLFO: Mais j’y travaille. Sa garde-robe est nickel, très bien rangée.
MARTÍNEZ: La cuisine aussi. Quand elle l’utilise, je suis derrière elle avec un balai et un seau pour tout nettoyer.
Vous avez dit que votre famille avait toujours joué un rôle important dans votre vie.
MARTÍNEZ: J’ai quitté la maison à l’âge de seize ans. C’était difficile. Aujourd’hui, je suis encore plus loin de mes parents et de mes frères. J’estime qu’il est important d’avoir à mes côtés quelqu’un qui me veut du bien et qui est là pour moi. Elle me rend serein. J’appelle ma famille chaque jour. Et le matin, quand je m’éveille, je trouve toujours un bonjour de ma mère sur mon téléphone.
Vous avez entamé votre carrière au Racing Club. Au début, votre famille vous manquait tellement que vous avez foutu le bordel.
MARTÍNEZ: C’était en 2014. Je me sentais mal, je pleurais, je voulais revoir mes frères. En fait, je ne voulais pas aller là-bas.
Tout ça à cause de Boca Juniors, qui n’avait pas voulu de vous?
MARTÍNEZ: Recevoir des claques vous rend peut-être plus fort, mais quand vous êtes jeune, ça fait surtout très mal. Je me souviens encore de ce test à Boca Juniors. Après un quart d’heure, on m’a dit que je n’avais pas d’avenir et que je manquais de vitesse. S’entendre dire ça à quinze ans, c’est dur. Quand le Racing m’a offert une nouvelle chance, un peu plus tard, je n’ai pas voulu y aller, tellement j’étais déçu. Mon père a insisté. Il est toujours le premier à m’appeler après chaque match.
Devez-vous votre carrière à votre père?
MARTÍNEZ: À mon père et à ma mère, car je n’ai jamais dû sauter un repas et j’ai toujours eu un ballon.
Pleuriez-vous beaucoup lorsque vous étiez petit?
MARTÍNEZ: Je pleure rarement, je refoule mes sentiments. Agustina me dit que je dois apprendre à exprimer mes émotions, mais je préfère m’enfermer et trouver la solution par moi-même.
Vous arrive-t-il de regarder derrière vous?
MARTÍNEZ: Sans cesse. C’est ce que j’ai fait qui m’a amené ici. Je ne l’oublie pas.
« Je suis né dans un vestiaire »
Avant, vous étiez un enfant comme les autres. Aujourd’hui, vous êtes un champion et vous valez cent millions d’euros. Auriez-vous imaginé cela un jour?
MARTÍNEZ: Je ne réalise sans doute pas encore vraiment. En football, il faut travailler dur chaque jour pour progresser. Je le fais depuis que je suis petit. Lorsque j’étais petit et que nous jouions dans la rue, j’imitais Falcao, mon idole, qui jouait alors à River Plate. Je ne rentrais pas à la maison tant que je ne maîtrisais pas les mouvements que je m’étais promis d’apprendre. C’était pareil à l’école.
Étiez-vous un bon élève?
MARTÍNEZ: Oui, j’écoutais le professeur et je retenais ce qu’il disait. Comme ça, le soir, je devais moins étudier. J’aurais voulu aller à l’université, mais j’ai opté pour le football.
Vous avez également laissé tomber le basket.
MARTÍNEZ: Si je n’étais pas devenu footballeur, j’aurais sans doute été basketteur, comme mon frère Jano. J’aimais ce sport, j’étais un bon meneur. À Bahía Blanca ( où il est né, ndlr), on joue beaucoup au basket. J’ai essayé et j’ai immédiatement adoré. Le matin, j’allais à l’école. L’après-midi, au basket, au football ou les deux. Le soir, j’étais complètement cassé. Je mangeais et dormais mal, je n’étais pas souvent à la maison. Un jour, mon père m’a obligé à choisir et j’ai opté pour le football. En fait, on peut dire que je suis né dans un vestiaire. Lorsque mon père jouait au football, je le suivais partout, même en déplacement.
Où a-t-il joué?
MARTÍNEZ: C’était un ailier. Il a joué à Rosario, au Racing de Olavarría et à Liniers, un petit club de Federal B, où j’ai aussi débuté, un an après la fin de sa carrière. Chaque jour, il m’emmenait au terrain, se mettait dans le but et me demandait de tirer. Quand il n’était pas là, je jouais avec mon frère aîné, Alan. Alors, c’était lui qui prenait place entre les perches. J’ai joué partout, mais jamais au goal.
Vous dormiez tous dans la même chambre.
MARTÍNEZ: Je dormais avec Alan. Jano, le plus jeune, dormait dans le même lit que papa et maman.
Votre père était aussi infirmier dans une maison de repos.
MARTÍNEZ: Il avait deux jobs. Le football ne lui permettait pas de nourrir cinq personnes chaque jour. Aujourd’hui encore, il est infirmier. Il aime son métier.
Vous aimez aussi aider les autres. Vous avez acheté une grande maison pour vos parents et, pendant le premier confinement, vous avez offert du gel hydroalcoolique et des masques buccaux à tous les hôpitaux de Bahía Blanca.
MARTÍNEZ: Je trouve tout à fait normal d’aider les gens de ma ville qui en ont besoin. J’y retourne le plus souvent possible. J’y ai ma famille, mes amis, ma grand-mère… C’est un havre de paix et d’amour.
« L’histoire de Romelu ressemble un peu à la mienne »
Ici, vous faites des barbecues sur votre terrasse et vous apportez la viande à Romelu Lukaku.
MARTÍNEZ: J’adore les barbecues et Rom aime la viande. Faire griller de la viande sur ma terrasse, ça me repose. Avant la pandémie, j’invitais souvent des amis. Et je le referai quand tout ça sera derrière nous. J’aime aussi jouer aux jeux vidéo, surtout avec Lukaku.
Vous vous entendez bien, lui et vous.
MARTÍNEZ: Je me sens bien avec lui, sur le terrain comme en dehors. C’est un brave gars, qui maîtrise huit langues. Il est très important pour notre équipe. Et il est très modeste. Son histoire ressemble un peu à la mienne, nous sommes tous les deux partis de rien. C’est pour ça que nous nous comprenons mutuellement.
Quel est votre point fort?
MARTÍNEZ: Ma concentration, sur et en dehors du terrain. Car le comportement d’un footballeur sur le terrain est le reflet de ce qu’il est dans la vie.
Que faites-vous quand vous ne jouez pas au football?
MARTÍNEZ: Je passe du temps avec Agustina ou je parle avec ma famille, nous évoquons nos projets. L’un d’entre eux est de faire venir nos parents ici. Une soirée parfaite, c’est dans le divan avec Agustina et Alma.
GANDOLFO: Et pour moi, une soirée parfaite, c’est une sortie ensemble.
Qui est Alma?
GANDOLFO: Notre chien
Qu’appelez-vous « une sortie »?
GANDOLFO: Aller manger quelque part. Même si nous nous sommes rencontrés dans une discothèque de Buenos Aires, il y a trois ans, il ne m’a encore jamais emmenée danser. C’est interdit pour un footballeur.
« Conte a joué un rôle très important pour moi quand je suis arrivé »
Antonio Conte doit être fier de lui. Est-il aussi exigeant qu’on le dit?
MARTÍNEZ: Très! Il tente de vous rendre meilleur, physiquement et mentalement. Il a joué un rôle très important pour moi quand je suis arrivé, il m’a fait progresser et je veux encore être meilleur.
Vous êtes également très exigeant envers vous-même. Quand l’Inter a été éliminé en Ligue des Champions, vous étiez fâché et déçu. Vraiment très déçu.
MARTÍNEZ: J’étais déjà comme ça quand j’étais petit. Je veux jouer, marquer et gagner. Agustina me dit parfois que je dois profiter davantage des bons moments et être plus patient quand ça va moins bien. Mais si je perds ou si je rate un but, je me sens très mal, même si je sais que ce sont les erreurs qui vous font avancer.
Il n’empêche que vous avez quitté le terrain fâché. Pendant combien de temps n’adressez-vous pas la parole à Agustina après une défaite?
GANDOLFO: Parfois, ça dure deux jours. Mais ça commence à aller mieux.
MARTÍNEZ: C’est comme ça. Avant, après une défaite, je ne parlais même pas à mon père.
GANDOLFO: Dans de tels moments, je dois faire preuve d’une bonne dose de psychologie. Je lui prépare un bon plat et nous ne parlons de football que quand il le décide.
Si vous n’allez pas en discothèque pour danser, quelle musique aimez-vous écouter?
MARTÍNEZ: Le reggaeton. Je ne danse pas. Agustina danse très bien par contre.
GANDOLFO: Il ment. Il danse très bien, j’ai des vidéos qui le prouvent.
Vous souciez-vous de ce que les autres disent de vous?
MARTÍNEZ: Quand j’étais jeune, oui. Beaucoup. Aujourd’hui, je lis très peu les journaux. Je me concentre sur mon boulot et ma famille.
« Un rêve de jouer avec Messi »
Avec Messi, le championnat d’Italie gagnerait un sacré plus. L’été dernier, il a été question de son arrivée à l’Inter.
LAUTARO MARTÍNEZ: Cela aurait été un rêve pour moi aussi. Jouer avec lui, c’est fantastique: c’est le meilleur joueur au monde. Je suis heureux de pouvoir jouer avec lui en équipe nationale. Nous, les jeunes, on l’observe et on l’écoute.
Vous préférez Messi à Maradona?
MARTÍNEZ: J’ai beaucoup entendu parler de Maradona, j’ai vu beaucoup d’images de lui, mais j’ai côtoyé Messi sur le terrain et j’ai vu sa magie de mes propres yeux.
De temps en temps, on parle de vous au mercato. Ça vous stresse ou ça vous donne de l’énergie?
MARTÍNEZ: C’est pesant. Si je vais manger quelque part, j’entends qu’on parle de moi. Pareil si je vais aux toilettes. Je dois être très fort dans ma tête.
L’Inter fait-il partie des favoris pour le titre cette saison?
MARTÍNEZ: Nous avons un bon groupe, même si nous venons d’horizons très différents. Au début, il a fallu s’adapter mais aujourd’hui, nous sommes là où nous voulons être. Si nous parvenons à travailler encore plus dur et à former un groupe encore plus homogène, nous pouvons y arriver.
La lutte pour le titre va-t-elle se résumer à un duel milanais?
MARTÍNEZ: La Juventus a dominé le championnat pendant des années. Maintenant, il est plus équilibré. Le coronavirus et les cinq remplacements autorisés ont redistribué les cartes et c’est très bien ainsi. Le style de jeu de l’Atalanta me plaît aussi et j’aime bien voir jouer l’AS Roma.
Par Serena Gentile