Arsenal se déplace à Monaco pour une manche retour délicate en quarts de finale. Battus à domicile 1-3, les statistiques penchent en faveur du club princier. Une situation qui inquiète en Angleterre, après l’élimination la semaine dernière de Chelsea, Liverpool, Tottenham et le déplacement périlleux de City au Camp Nou. Des has been, ces Anglais ?
Les médias anglais n’en reviennent toujours pas. La défaite d’Arsenal d’il y a deux semaines avait déjà été vécue comme un déshonneur pour la presse, que dire de l’élimination de Chelsea à domicile face au PSG ? Si on rajoute l’élimination de Tottenham et de Liverpool, le tableau vire du gris au noir.
La Premier League est souvent citée en exemple, le plus souvent comme le « meilleur championnat » au monde. Difficile de trouver énormément de contre-arguments, tant la vitesse, l’intensité, le suspense et le spectacle sont au rendez-vous, chaque weekend. Ajoutez à cela des affiches presque chaque semaine, on flirte avec le Graal pour un spectateur neutre.
La Premier League est pensé comme un produit marketing depuis sa création en 1992. Après l’interdiction de compétitions européennes pour les Anglais suite au drame du Heysel, les décideurs ont voulu dynamiser le foot anglais. Il est d’ailleurs le plus médiatisé au monde et draine des montants faramineux. Il suffit de regarder le nouveau contrat TV négocié pour la période 2016-2019. Le montant global est de 6,9 milliards d’euros, à se répartir « presque » équitablement entre les protagonistes. Pour illustrer, le dernier du classement recevra 130 millions d’euros tandis que 210 millions sera promis au champion.
Mais sur la scène européenne, les clubs ne font plus recette. Pourtant, l’équation parait simple : meilleur championnat, donc meilleures équipes, forcément composées des meilleurs joueurs, le tout géré d’une main de fer par les techniciens les plus réputés au monde. Ça, c’est pour la théorie. En pratique, les dernières saisons européennes n’ont pas été de tout repos pour les clubs et la presse anglaise. Arsenal est en ballotage (très) défavorable face à l’AS Monaco et seul un exploit de City face au Barca les qualifierait pour les 1/4 de la plus prestigieuse des coupes. Pour l’instant, seul Everton parait en mesure de venger le football anglais. Pourtant, Everton, deuxième club de Liverpool est à la traine avec une piteuse 14e place au classement. Non sense, comme dirait nos amis d’outre-Manche. So, what’s going on ?
Un calendrier chargé
Les Anglais raffolent des traditions en tout genre, et le football ne fait pas exception. Durant les fêtes de fin d’année, le Boxing Day électrise les foules en manque de sensations pendant cette période creuse. Les organismes se reposent que très peu et les joueurs étrangers n’ont pas le loisir de pouvoir recharger leurs batteries en famille ou sur des plages paradisiaques. Avec en moyenne 9 matchs en janvier et 9 matchs en février, une différence de fraicheur peut se faire ressentir au moment d’aborder la phase décisive des échéances européennes, au mois de février-mars. Si vous ajoutez une Coupe de la Ligue qui n’est plus disputée dans les grands championnats mis à part en Angleterre, cela commence à faire beaucoup. Manuel Pellegrini, le coach chilien de City, est de ceux qui pensent qu’il faudrait réaménager le calendrier. « Le football anglais donne l’avantage aux autres championnats avec ce système. Il y a quelques traditions que vous ne pouvez changer, je le conçois. D’ailleurs pour le Boxing Day, c’est non-négociable. Mais il va falloir changer quelque chose. »
La concurrence est de plus en plus féroce
En Angleterre, certains regrettent le fait que les grosses équipes ont délaissé le fighting spirit et le kick and rush. Les clubs modestes sont les derniers dépositaires de ce label anglais, hérité des années 80. Ces équipes, souvent plus faibles en termes de niveau et d’effectif, rivalisent sur le plan physique. En Angleterre, on joue rarement un match de foot, on livre plutôt des combats. Et avec l’enrichissement progressif du championnat, les « petits » arrivent à se payer quelques joueurs côtés, ce qui augmente la concurrence. On a coutume de dire ces dernières années en PL que « tout le monde peut battre tout le monde », et c’est tant mieux. Le meilleur exemple du weekend ? Le deuxième, City, se déplaçait chez Burnley, premier relégable. 1-0 pour Burnley et un championnat relancé. Une belle bagarre de fin de saison en perspective.
L’Angleterre a-t-elle perdu son âme ?
L’argent, c’est le nerf de la guerre. Encore faut-il bien le dépenser. Les moyens dont disposent les clubs anglais sont colossaux. Mais au lieu d’investir dans la formation, les ogres anglais achètent les meilleurs joueurs et entraineurs du monde. Pour le spectacle et l’intensité, c’est la recette gagnante. Mais à y regarder de plus près, ce football attrayant n’a plus rien « d’anglais. » A tel point que différentes mesures sont discutées au sein du board anglais pour essayer d’obliger les formations à avoir 4 joueurs du pays, dont un formé localement, dans leur 11 de départ. Le parallèle est souvent fait avec les résultats décevants de l’équipe nationale ces dernières années. Le pays possédait quelques pointures mondiales (Lampard, Gerrard, Bechkam ou Rooney pour ne citer qu’eux) mais n’a jamais su briller dans les grandes compétitions internationales. La future génération n’a pas totalement éclos, même si certains jeunes ont un avenir certain avec les Three Lions comme Sterling, Barkley ou Oxlade-Chamberlain.
Si vous dépensez des millions dans les transferts de joueurs étrangers, vous négligez forcément vos joueurs maison. Si vous les négligez, ils deviendront plus rares. Et en économie, la rareté va souvent de pair avec une flambée des prix. CQFD. Manuel Pellegrini, toujours en marge de leur match face au FC Barcelone, a répondu au Guardian : « C’est très important d’avoir des Anglais dans nos équipes, mais qui peut en recruter ? Sterling ? Si vous venez avec 100 millions d’euros, Liverpool vous le lâchera éventuellement. Et si je veux un profil à la David Silva ? Mis à part Rooney, je ne vois personne d’autre. » Même si la plus-value d’un David Silva est évidente, il faut aussi que ces supporters puissent s’identifier à des compatriotes ou quelques locaux, afin de se reconnaitre dans le club. Car un joueur du cru, ça n’a pas de prix !
Le contre-exemple Italien et Espagnol
Longtemps mis sur un piédestal, l’Angleterre commence à redescendre de son petit nuage. Quand on perd ses privilèges, on a tendance à se remettre en question. Les observateurs ont trop mis l’accent sur les recettes et revenus de ce football, car jusqu’il y a peu, les résultats suivaient. Maintenant qu’ils se mettent à perdre, le seul bonheur économique ne suffit plus. Et quand on voit le succès des teams espagnoles ces dernières années (FC Seville, Valence, Barca, Madrid, Atletico Madrid, Atletic Bilbao), on est en droit de se demander comment un championnat qu’on dit rongé par les dettes et à deux vitesses (Duel Barca-Madrid contre les autres) réussit si bien sur la scène européenne. Surtout que cette année, le foot italien a décidé de se mettre en valeur, comme sa soeur latine. La Juventus est bien placée pour atteindre les quarts de finales et les 5 clubs engagés en Europa League ont rempli leur mission (AS Roma, Fiorentina, Napoli, Torino et Inter Milan). L’Italie est d’ailleurs le pays le mieux représenté dans cette compétition.
Vu leurs moyens plus faibles (mis à part les Barca, Real et Juventus), ces clubs n’ont pas beaucoup d’alternatives. Pour survivre, il faudra former des jeunes, les faire grandir et espérer de fortes plus-values à la revente. Même son de cloche du côté de l’Italie où le Calcio a perdu de sa superbe, avec des stades vides, obsolètes ou encore la fuite des grandes stars du championnat. On peut aussi avoir une conception plus idéologique du football, sur ce que ces modèles représentent. De manière simpliste, on pourrait dire que l’Angleterre est associée à l’intensité. La tactique est la spécialité des Italiens depuis longtemps. Et la Liga espagnole est réputée pour sa technique bien au-dessus de la moyenne. C’est peut-être précisément ces deux éléments qui ont fait défaut aux formations de l’Albion cette année.