L’Union est championne, et les rivaux pointent du doigt ses «supporters de la victoire». Pourtant, le début de l’histoire est le même partout: on aime un club parce qu’il gagne, puis on le supporte même s’il perd.
Ils étaient 8.000, dans les tribunes très bien garnies du stade Joseph Marien, pour assister au doublé libérateur de Promise David sur la voie d’un titre tant attendu depuis quatre saisons. Quelques milliers, aussi, sur la place Van Meenen, où un écran géant rassemblait ceux qui n’avaient pas pu obtenir l’un des tickets tant convoités.
Ils n’étaient pourtant qu’un peu plus de 2.000, cinq ans plus tôt, quand l’Union cherchait à s’extirper de la deuxième division, avant de devenir le «club à suivre» avec sa façade vintage si bien vendue et ses tribunes où on vit «une expérience différente». Dans l’intervalle, des milliers de nouveaux supporters ont donc garni les travées qui bordent le parc Duden. Parce que même quand on ne le gagne pas à la fin, jouer le titre, ça aide. Surtout, parce que depuis son retour en première division, les 80 matchs disputés dans leur enceinte se sont conclus 52 fois par une victoire, et seulement quinze fois par une défaite. La joie est facile à vivre, et c’est précisément ce que reprochent de nombreux fans rivaux à ceux qui font aujourd’hui la fête dans les gradins du stade Marien: qu’ils sont –à l’exception de ceux qui étaient déjà (ou toujours) là lors des années de galère, méritant eux le statut de «vrais supporters»– des «supporters de la victoire».
Son obsession de trophée pour Charleroi, l’amenant à parler chaque année de la Coupe de Belgique jusqu’à ce que la superstition l’emporte, Mehdi Bayat aimait la justifier par cette formule: «Personne ne devient supporter d’un club qui perd.» La phrase est évidemment généralisante, mais pourtant bien vraie. Si Bruges, l’Antwerp, le Standard ou Anderlecht sont les clubs qui garnissent le mieux les tribunes belges, c’est parce qu’ils ont le palmarès qui va avec. Que même quand les victoires se sont épisodiquement faites plus rares, il y avait toujours des parents nostalgiques pour faire découvrir à leur progéniture leur amour du blason et des tribunes. A l’Union, cette transmission-là s’était en grande partie perdue, parce que les victoires étaient trop éloignées pour que le temps ne fasse pas des ravages sur l’occupation des gradins.
Les résultats sous Luka Elsner, d’abord (une demi-finale de Coupe de Belgique), puis avec ses successeurs, ont progressivement regarni les travées jusqu’à l’apothéose sold-out face à La Gantoise. Avec, forcément, une bonne dose de supporters de la victoire. Peut-on pour autant leur reprocher d’être arrivés dans une période d’euphorie, de succès et de sentiments positifs? De porter des couleurs qui, au début de la décennie, étaient seulement celles de Saint-Trond, Beveren ou Westerlo aux yeux de la plupart des suiveurs de la première division?
A l’heure de juger la «véracité», l’authenticité d’un supporter, il est de coutume de le faire en lui demandant à quelle période il est arrivé. C’est ainsi que le «vrai» supporter de l’Union doit avoir vécu les années à lutter pour le maintien en D3, sous peine d’être étiqueté opportuniste. Pourtant, ce sont plus souvent les successions de défaites que les séries de victoires qui font le tri. Parce que la force de l’amour d’un supporter ne s’évalue pas tellement au moment où il arrive. Plutôt à celui où il part.