L’Union et le Club de Bruges seront les acteurs majeurs de la réussite de la campagne européenne de la Belgique cette saison. © Belga/AFP via Getty Images

La Belgique peut rêver de six clubs en Europe d’ici à 2028: deux ans pour tenir le Portugal et les Pays-Bas à distance

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

La Belgique brille depuis trois ans sur la scène européenne. D’ici à deux ans, la Pro League pourrait devenir le meilleur championnat derrière le «Big Five». Explications.

C’est une histoire qui commence mal. Deux clubs suédois d’un côté, deux Sporting de l’autre, et un même verdict: Charleroi quitte l’Europa Conference League dès sa première confrontation, au bout des prolongations, alors qu’Anderlecht devra se contenter, au mieux, de cette Conference League après sa déconvenue inattendue contre Häcken en Europa League. En ajoutant à l’équation un Racing Genk dont l’historique européen récent affiche cinq maigres victoires en 20 matchs, l’aventure paraît déjà complexe. Pourtant, ces dernières années et sans avoir vraiment l’air d’y toucher, la Belgique a bel et bien pris une autre dimension sur la scène européenne.

Il est désormais loin, le temps où le projet porté par le Club de Bruges pour faire de la compétition belge l’antichambre préférée des cinq grands championnats européens (Angleterre, Italie, Espagne, Allemagne et France) passait inévitablement par une fusion opportuniste avec les voisins du nord pour créer une BeNe League. En octobre 2019, le président Bart Verhaeghe racontait encore au journal Le Monde, en marge d’une rencontre entre ses Brugeois et le PSG, que l’idée suivait son cours et que la volonté était de «devenir le premier pays derrière les cinq grands championnats». A l’époque, et encore six ans plus tard, la Pro League pointe à la huitième place continentale, soit deux rangs derrière l’objectif que la Belgique poursuit désormais en solo.

Si le fossé avec les Pays-Bas se réduisait et rendait alors l’idée plausible, les deux saisons européennes suivantes ont pourtant fait stagner des Belges alors en progrès. En 2020-2021 puis en 2021-2022, la Belgique a rendu deux copies continentales de bien triste acabit: 14e ligue d’Europe au bout de l’exercice 2020-2021, derrière l’Autriche, la Norvège et la République tchèque, la Pro League fait encore pire la saison d’après avec un 18e rang. Devancée par Israël, la Grèce ou l’Ecosse au printemps 2022, la compétition belge se tire alors une double balle dans le pied.

En effet, pour calculer le coefficient européen et donc le nombre de représentants qualifiés pour disputer les coupes d’Europe, l’UEFA prend en compte les résultats des cinq saisons écoulées, avec un an de décalage. Pour les compétitions de cette édition 2025-2026, par exemple, la fédération européenne cumule les résultats obtenus entre les saisons 2019-2020 et 2023-2024. La Belgique pointe alors au huitième rang avec 48.800 points, à l’abri d’un retour de son plus proche poursuivant (la Turquie compte 38.600 points) mais trop loin du Portugal (56.316) et des Pays-Bas (61.300) pour espérer atteindre cette sixième place synonyme de sixième club qualifié en Coupe d’Europe. Le scénario d’une remontée belge n’est pourtant pas si utopique, avec l’horizon de la saison 2028-2029 dans le viseur.

13.200 points en un an

Cette année-là, l’UEFA désignera ses qualifiés en s’appuyant sur les résultats allant de la saison 2022-2023 à l’édition 2026-2027. Les scores européens de l’exercice 2021-2022 passeront alors à la trappe, débarrassant le coefficient belge de sa plus mauvaise saison (6.000 points seulement). La quatrième place du Club de Bruges dans son groupe de Ligue des champions, les bilans décevants de Genk et de l’Antwerp en Europa League (quatrièmes de groupe avec seulement cinq points sur 18) et l’élimination d’Anderlecht dès les barrages de la Conference League avaient pesé très lourd dans le bilan belge, uniquement sauvé par le huitième de finale de La Gantoise dans la plus modeste des compétitions continentales.

Dans le même temps, les Pays-Bas perdront une cuvée exceptionnelle. Au printemps 2022, cinq clubs néerlandais étaient encore en course sur la scène européenne. Les huitièmes de finale de la Ligue des champions avaient eu raison de l’Ajax Amsterdam (auteur d’un spectaculaire et rémunérateur sans-faute en phase de poules avec 18 points sur 18), mais ils étaient encore quatre à ce stade de la compétition en Conference League. Vitesse Arnhem et l’AZ Alkmaar y ont été éliminés, mais le PSV Eindhoven a atteint les quarts de finale, et Feyenoord ne s’est incliné qu’en finale. Avec 19.200 points, les clubs bataves ont même fait de leur championnat le deuxième meilleur d’Europe sur cette édition, uniquement devancé par la Premier League anglaise.

En une seule saison, les Pays-Bas ont donc créé sur la Belgique un écart de 13.200 points. Celui-ci s’effacera de l’ardoise à l’heure de faire les comptes pour les places qualificatives des compétitions européennes de 2028, et devrait rééquilibrer la course: au bout de la saison 2024-2025 écoulée, les Néerlandais ne comptent ainsi «que» 10.300 points d’avance sur leurs voisins belges.

Depuis trois ans, la Belgique fait mieux que le Portugal et les Pays-Bas sur la scène européenne.

La Belgique, sixième élève d’Europe depuis 2022

Outre cette disparition d’un écart embarrassant, les résultats des trois dernières saisons parlent en faveur d’une remontée belge. Cinquièmes en 2023 grâce aux quarts de finale européens de l’Union (en Europa League), d’Anderlecht et de La Gantoise (en Conference League) en plus de l’hiver franchi par Bruges en Ligue des champions (huitième de finale), les Belges étaient encore sixièmes d’Europe l’année suivante puis septièmes lors de l’édition écoulée. Au cumul des exercices 2022-2023, 2023-2024 et 2024-2025, les clubs de Pro League ont ainsi engrangé 44.250 points. Seuls les cinq grands championnats du Vieux Continent ont réussi à faire mieux. Les Portugais (39.750) ont concédé 4.500 points aux Belges en trois ans, les Néerlandais (38.750) en ont lâché 5.500.

Ce retour en grâce, c’est évidemment en bonne partie à Bruges que la Belgique le doit. Depuis sa décevante saison 2021-2022 sur la scène européenne, qui avait suscité la colère des dirigeants et entamé le divorce entre le Club et son coach à succès Philippe Clement, le Club ne s’est plus jamais loupé. Si l’élimination contre Benfica un an plus tard, en huitièmes de finale de Ligue des champions, avait été gênante, c’était toutefois la première fois que Bruges avait franchi l’écueil de la phase de poules de la reine des compétitions européennes. En Conference League l’année suivante à cause d’un championnat décevant, les Blauw en Zwart ont rapidement affiché leur ambition d’aller loin dans cette compétition et y ont atteint le stade des demi-finales, avant de rejoindre une fois de plus les huitièmes de finale de Ligue des champions l’an dernier. Plus régulier, plus redouté aussi, le Club de Bruges pointe ainsi au 17e rang continental si on prend en compte les résultats des trois dernières saisons. C’est mieux que le meilleur représentant néerlandais (le PSV, 21e) et proche du porte-drapeau du football portugais (Benfica, 15e).

Derrière la locomotive brugeoise, l’Union Saint-Gilloise a bien digéré ses trois premières apparitions européennes, franchissant systématiquement le fameux seuil de la phase de poules et «passant l’hiver», selon l’expression consacrée (même si les premiers tours de la phase finale se déroulent généralement en février). Quart de finaliste de l’Europa League en 2023 pour son retour sur la scène continentale, le club bruxellois a encore atteint les huitièmes de finale de la Conference League l’année suivante, puis les barrages (équivalent des seizièmes de finale) de l’Europa League au début de l’année 2025, avec une défaite contre l’Ajax Amsterdam au bout des prolongations.

Ajax et Porto, monuments en péril

Balayé au tour suivant par Francfort, le club d’Amsterdam est l’une des explications de la baisse de forme des Pays-Bas dans les compétitions européennes. Porte-drapeau du football néerlandais, le club a chuté au-delà de la 50e place continentale si on prend en compte le coefficient des trois dernières saisons, au quatrième rang national (derrière le PSV, Feyenoord et l’AZ Alkmaar) et cinq places derrière les Buffalos de La Gantoise, troisième meilleur représentant belge.

Chez les Portugais aussi, l’un des monuments semble en péril. En crise, le FC Porto a quitté la dernière Europa League au stade des seizièmes de finale, lui qui était devenu un spécialiste des épopées européennes. Les Dragons attendent de disputer un quart de finale depuis l’édition 2021 de la Ligue des champions, et la valeur accordée à leur effectif actuel n’incite pas à l’optimisme pour l’avenir immédiat. L’Opta Power Ranking, classement mondial officieux des clubs établi sur leurs performances, fait ainsi pointer Porto à un lointain 60e rang, plus proche d’être rejoint par Genk (70e) que de tutoyer l’Union Saint-Gilloise (36e). Si les deux clubs lisboètes (Benfica et le Sporting) restent les références hors des ligues du Top 5, Bruges confirme chaque année sa montée en puissance.

Comme les meilleurs clubs portugais et néerlandais, le club de Bart Verhaeghe boxe désormais dans la catégorie des équipes les plus promptes à alimenter les championnats du «Big Five» avec de jeunes talents vendus contre des montants à huit chiffres. Encore en retard sur la valorisation des joueurs que sont capables de revendiquer des clubs comme Benfica ou l’Ajax, qui ont déjà vendu plusieurs joyaux à plus de 50 millions d’euros, Bruges fait aujourd’hui le forcing pour augmenter la somme réclamée aux courtisans du Suisse Ardon Jashari ou de l’Equatorien Joël Ordoñez. Le nouveau cap européen passe aussi par là.

Si l’élimination de Charleroi est un premier coup dur pour le coefficient belge, la chute d’Anderlecht vers la Conference League pourrait devenir une bonne opération.

La Belgique a deux ans pour confirmer

Si la trajectoire belge est ascendante, il reste encore deux saisons de bonne facture à enchaîner dans les trois compétitions continentales pour grimper jusqu’à la sixième place et offrir un sésame européen supplémentaire à ses représentants. Sur la ligne de départ de l’exercice 2028-2029, la Pro League compte environ 5.000 points d’avance sur les Pays-Bas et le Portugal, avec encore deux années à franchir. A ce titre, l’élimination précoce de Charleroi est un coup dur, là où la saison écoulée avait vu les cinq clubs belges en lice participer à une phase de poules qui peut déjà rapporter de nombreux points. La Belgique avait même fait encore plus fort, en envoyant ses cinq représentants au-delà de la phase de poules, même si l’aventure s’est ensuite rapidement conclue pour la plupart d’entre eux.

La chute d’Anderlecht vers la Conference League pourrait, en revanche, faire les affaires du coefficient. La compétition a souvent réussi aux clubs belges, d’un quart de finale pour Gand et Anderlecht en 2023 à une demi-finale brugeoise l’année suivante. Le principal point d’interrogation sera sans doute la tenue de l’Union lors de sa découverte de la très huppée Ligue des champions, là où Bruges est le seul club belge qui est parvenu à se mettre en évidence depuis près d’une décennie. «En Ligue des champions, nos données disent que nous avons une bonne chance de finir dans le Top 24», a déclaré le président Alex Muzio dans la foulée du titre de ses couleurs au printemps. En laissant douze équipes dans le rétroviseur, le club de la capitale s’assurerait de disputer deux matchs supplémentaires et pourrait incontestablement parler de saison réussie.

La réussite de l’entreprise d’installation de la Belgique dans le sillage immédiat des championnats du «Big Five» passera aussi par quelques regards furtifs vers les performances des représentants des Pays-Bas et du Portugal lors de cette saison et de la suivante. Les deux sont plutôt bien partis: contrairement à Anderlecht, retombé en Conference League, Braga (vainqueur du Levski Sofia après prolongations) et Utrecht (large tombeur de Tiraspol) poursuivent leur aventure en Europa League. Dans la plus modeste des compétitions, les victoires de l’AZ Alkmaar et des Portugais de Santa Clara ont aussi donné un avantage aux deux fédérations sur la belge, frappée par l’élimination de Charleroi.

C’est une histoire qui commence mal, disait-on. Heureusement, c’est aussi une histoire qui dure deux ans.

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