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Jérémy Doku a plus souvent couru sans le ballon qu’avec contre les Gallois, mais a été terriblement décisif. © Offside via Getty Images

La Belgique des longs ballons: le plan surprenant de Rudi Garcia pour faire craquer les Gallois

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

La Belgique a presque acté officiellement sa qualification pour la Coupe du monde à Cardiff. Avec un plan de jeu très inhabituel, mais efficace après une entame de match pleine de souffrance.

Il y a ceux qui aiment le prisme froid des chiffres, et ceux qui préfèrent la chaleur des sensations. Les seconds ont été servis par la brûlante première mi-temps de Cardiff, où les Diables rouges ont été bousculés avant de retourner la rencontre à leur avantage. Ils retiendront un Jérémy Doku enflammé, lancé à toute allure sur un inhabituel côté droit, dans un registre bien différent de celui qu’on avait vu face à la Macédoine. Trois jours plus tôt, l’ailier de Manchester City joue à l’arrêt, mettant fréquemment la semelle sur le ballon pour remettre tout le terrain au point mort avant de faire crisser ses crampons pour démarrer plus vite que tout le monde. Impossible à suivre, Doku va forcément trop vite pour ses adversaires, mais ne semble alors jamais permettre à ses partenaires de jouer le même match que lui.

A droite, et face à des Gallois bien plus ambitieux que les visiteurs macédoniens, Jérémy Doku joue un autre match. Entre la 24e et la 34e minute, en trois actions, l’ancien d’Anderlecht n’a besoin de dribbler personne pour créer trois occasions de but. Il doit juste courir, le plus vite possible, derrière les ballons catapultés dans sa zone, puis centrer calmement en retrait, de son bon pied calmement ouvert, pour trouver Meunier, Trossard puis De Bruyne, avec le but du 1-2 et deux balles de break manquées à la clé. En changeant Doku de côté, c’est toute la Belgique qui a changé de visage.

Cette métamorphose se raconte aussi en chiffres. La dissection patiente de la rencontre indique par exemple que Thibaut Courtois adresse 27 longs ballons dans le dos des courses galloises en 90 minutes, soit plus du quadruple de ses tentatives longues face à la Macédoine (6). Sur la pelouse de Gand, les Belges avaient ainsi limité leur jeu long à 5,7% de leurs passes, contre près du double à Cardiff (11%). Un changement de style de jeu radical, qui donne au bilan de la première mi-temps une étrange sensation de contrepied. Réputés historiquement pour leur jeu long et direct, les Gallois affichent 58% de possession de balle et n’ont tenté que deux passes longues, contre douze coups de botte vers l’avant adressés par les Belges.

Si le score et les occasions franches valident le résultat, le meilleur coach des Diables rouges lors de cette première période aura été le marquoir. L’une de ces phrases toutes faites des vestiaires de football aime dire que le but est le meilleur entraîneur du monde, parce qu’il est capable de changer la physionomie d’un match. Celui de Kevin De Bruyne, au bout d’un penalty obtenu par la grâce d’un ballon envoyé par Charles De Ketelaere sur une main galloise, est sorti de nulle part. Parce qu’on joue alors la quinzième minute, et que c’est seulement la première fois que la Belgique touche le ballon dans la surface de ses hôtes du soir.

Le premier quart d’heure était une succession de souffrances, entre des ballons aériens mal estimés par Zeno Debast -toujours fragile dans le domaine-, des courses ciblées dans le dos de Maxim De Cuyper et Thomas Meunier, plus réputés pour leur apport offensif que pour leur rigueur derrière, et des phases arrêtées minutieusement travaillées pour désorganiser le marquage individuel des Belges. L’entame est pour Craig Bellamy, face à ces longs ballons demandés par Rudi Garcia qui ne mènent alors nulle part ailleurs que sur les fronts des défenseurs gallois. La chance de la Belgique, c’est alors que comme aux plus belles heures de la génération précédente, elle se tire d’une entame difficile en marquant son premier but avant même d’avoir commencé à jouer.

La suite de la rencontre, facilitée par les deux buts belges et l’extinction progressive du feu initial des dragons gallois, valide le plan initialement décidé par un sélectionneur français chahuté suite au partage blanc contre les Macédoniens. La Belgique affiche alors les signes d’une équipe qui pourrait devenir redoutable dans tous les scénarios de match, parce que la maturité de ses cadres et la fougue des jambes de Jérémy Doku lui permet d’opter par moments pour un jeu plus direct et cynique, un plan généralement refusé par la meilleure Belgique de Roberto Martinez ou négligé par les recherches tactiques de Domenico Tedesco. Ces Diables-là reviennent à la simplicité, quitte à renier leurs idéaux de possession et de passes redoublées quand le scénario du match l’impose.

La qualification pour la Coupe du monde 2026 est désormais officieusement actée, et les Diables pourront se préparer à développer cette faculté à adapter leur plan de match aux forces et aux faiblesses de leurs adversaires. Avec des hommes différents en fonction des contextes, mais des patrons qui s’imposent: Arthur Theate compense de mieux en mieux les errances défensives de ses partenaires à l’arrière, Nicolas Raskin gratte tous les ballons qui trainent au milieu de terrain, et Kevin De Bruyne n’oublie jamais d’être décisif. Tous ceux-là semblent pourtant avoir compris l’évidence: pour rêver le plus longtemps possible, la Belgique devra toujours trouver la meilleure manière d’utiliser les cuisses de sprinteur de Jérémy Doku.

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