
Foot du dimanche: Quévy-Mons, ce tombeau sera votre Tondreau
Depuis son changement de nom et son déménagement au Tondreau, la vie n’a pas été un long fleuve tranquille pour le RAQM. Entre problèmes financiers, fusion avortée et supporters frustrés, Mons tente de se replacer sur la carte du football belge.
25 avril 2015, au Bosuil. Les supporters anversois entonnent un You’ll never walk alone à donner des frissons, surtout vu le contexte. Le chant s’adresse aux joueurs du RAEC Mons qui errent devant les tribunes. Ils finissent par venir s’asseoir en face des fans adverses et commencent à chanter « Tous ensemble » en coeur. Les Montois passent ensuite devant leurs supporters et célèbrent avec eux pour la dernière fois. Les larmes coulent. Déclaré en faillite depuis février, l’Albert vient de jouer le dernier match de son histoire en s’inclinant 1-0 en terres anversoises pour le compte de la 34e journée de deuxième division. Après 105 années d’existence, dont 9 passées au sein de l’élite, le RAEC Mons dit adieu au football belge.
Quelques semaines plus tard, Hubert Ewbank, président du RUSG Genly-Quévy depuis une dizaine d’années reçoit un appel d’Elio Di Rupo. « La ville voulait relancer un projet à Mons et n’avait pas envie que le stade Tondreau reste inoccupé », rembobine le président. Pensionnaire de première provinciale, Genly-Quévy change de nom pour devenir le Royal Albert Quévy-Mons. Le club évoluera désormais en rouge et blanc et jouera au Tondreau, comme le RAEC Mons auparavant. Sportivement, la sauce prend directement puisque le RAQM est champion de P1 en 2015-2016 et accède à la D3 amateurs. Un excellent départ qui n’entraînera pas d’autres montées.
« Il y a eu des erreurs importantes dans la gestion. »
Le stade Tondreau paraît beaucoup trop grand pour un club évoluant en D3 amateurs, lui qui a connu la première division. Trop grand et surtout trop coûteux… « On passait d’un football amateur à un football semi-professionnel », retrace Hubert Ewbank. Le président qui avait lancé le projet s’était également mis quelque peu en retrait. « J’ai engagé Benoît Garnier comme manager principal et je n’étais plus vraiment actif au sein du club. C’était la première fois qu’on payait un employé et malheureusement les coûts étaient trop importants pour la structure. Il y a eu des erreurs importantes dans la gestion », admet-il.
Il y a un an et demi, il reprend le contrôle du club et modifie sa façon de fonctionner. « Les autres clubs de notre niveau travaillent uniquement avec des bénévoles. Impossible de gérer le Tondreau de cette façon. L’objectif était donc de monter en D1 amateurs pour avoir les fonds suffisants. On a investi en conséquence, mais avec le manque de supporters et de sponsors, on a eu plus de dépenses que de rentrées et on a eu des soucis », regrette Hubert Ewbank. Les saisons se suivent et se ressemblent pour les Montois, qui n’arrivent pas à atteindre leurs objectifs sportifs.
Une fusion avortée
Depuis le début de l’année 2020, des rumeurs laissaient entendre qu’une fusion entre le RAQM et le Royal Francs Borains était possible. Celle-ci aurait permis au RAQM de se débarrasser de ses soucis financiers. Cependant, le 24 avril, Georges-Louis Bouchez est nommé président des Francs Borains, la fusion n’aura pas lieu. Pour le président du RAQM, les raisons de l’échec sont multiples, même si la principale cause est extra sportive. « À cause de la crise sanitaire, une réunion importante avec l’ensemble des partis politiques a été annulée. Les finances des clubs sont également mises à mal par le covid-19 et plusieurs administrateurs des Francs Borains ont décidé de se retirer. Ce qui est dommage car on s’entendait et on s’entend toujours très bien avec eux », déplore Hubert Ewbank.
« Nous avons fait une proposition financière inégalée en Belgique de la part d’une commune à l’égard de son club de foot. »
L’autre raison qui a poussé les administrateurs des Francs Borains à se retirer semble être la proposition financière de la ville de Mons par rapport à la fusion. « Il y avait un grand projet par rapport à l’académie de jeunes et le package proposé était intéressant, mais la somme demandée n’a finalement pas été acceptée à quelques jours de la fusion », regrette-t-il. Du côté de la ville, on déplore le rejet de cette proposition qui semblait plus que correcte. « Des demandes financières ont été réalisées à plusieurs communes, pas uniquement à la ville de Mons. Mais nous avons fait une proposition financière inégalée en Belgique de la part d’une commune à l’égard de son club de foot », explique Nicolas Martin, bourgmestre PS de la ville de Mons.
L’échec de la fusion est problématique pour les finances du club, mais la crise du covid-19 également. L’arrêt de toutes les activités à une période importante pour les clubs amateurs entraine de grosses pertes et le RAQM ne fait pas exception. La possibilité de mettre le club en procédure de réorganisation judiciaire est alors évoquée. Mais le président est tout de même confiant quant à l’avenir du club: « On se renseigne sur les démarches, mais il n’y a pas de certitude d’y avoir recours. Je vais recapitaliser et certains sponsors vont réinjecter de l’argent aussi donc à la fin de la saison prochaine, on devrait être en équilibre. »
Objectif jeunesse
Comptant plus de 450 enfants en son sein, le centre de formation du RAQM est le seul de la région à disposer du label trois étoiles, la plus haute note concernant la formation des jeunes joueurs. Pour réduire les coûts et rentabiliser sa formation, le RAQM misera énormément sur ses jeunes la saison prochaine. « Pendant la deuxième moitié du championnat, sur les 15 joueurs repris, 10 étaient formés au club et ça a très bien fonctionné puisque nous étions troisièmes avant l’arrêt des compétitions. Il n’y a donc pas de raison de ne pas continuer à leur faire confiance », s’enthousiasme l’homme fort du RAQM.
Arrivé à l’âge de onze ans, William Mairesse représente à merveille la vision du club. Il s’entraîne depuis l’âge de 16 ans avec la D3, mais joue avec la deuxième équipe en P2. Aujourd’hui âgé de 22 ans, son nombre de minutes avec l’équipe A a considérablement augmenté depuis deux saisons: « On ressent cette confiance envers les jeunes, surtout cette année. On était déjà beaucoup dans l’équipe A les saisons précédentes, mais cette année j’ai l’impression que 90% du noyau sort du centre de formation. Ils nous font confiance et je pense qu’ils peuvent le faire. »
William Mairesse a également connu le changement de nom du club et sa délocalisation à Mons. Au départ, il ne cache pas ses craintes, mais est vite rassuré: « J’avais peur de perdre le côté familial qui était très présent à Genly où tout le monde se connaît, mais ça n’a pas du tout été le cas. Encore aujourd’hui en équipe première, même si ce ne sont pas tous des jeunes du centre de formation, ça reste des jeunes de la région Mons-Borinage. »
« Ce n’est pas Quévy qui a demandé à venir à Mons, c’est Mons qui a demandé de relancer un projet comme il n’y avait plus de club. »
Une confiance en la jeunesse montoise qui pourrait réconcilier le RAQM avec certains anciens supporters du RAEC pas convaincus par le projet et considérant même le club comme n’étant pas montois. Une situation que ne comprend pas Hubert Ewbank: « Ce n’est pas Quévy qui a demandé à venir à Mons, c’est Mons qui a demandé de relancer un projet comme il n’y avait plus de club. Certains Montois disent que le RAQM, ce n’est pas Mons. C’est comme si je disais ‘Zulte, ce n’est pas Waregem ou Oud-Heverlee, ce n’est pas Leuven’. »
Une histoire compliquée qui s’explique sans doute par un manque de communication à l’époque du déménagement. « Notre manager de l’époque aurait dû être plus ouvert avec les anciens, mais sans nous il n’y aurait plus de club à Mons. Je ne comprends pas pourquoi ils nous le font payer alors qu’on était des supporters et des sponsors du RAEC Mons », regrette le président Ewbank.
Pourtant l’objectif de la ville et du club sont les mêmes: redonner à Mons un club de l’envergure de la ville. « Avec la crise du covid-19, cela a mis un peu de temps, mais nous ferons un état des lieux en juin. L’objectif est de mettre autour de la table tous les acteurs du football montois pour créer un projet ambitieux », explique Nicolas Martin. « Je pense que nous sommes à un tournant de l’histoire du foot à Mons et il faut rebondir sur l’échec de la fusion avec les Francs Borains. »
Le retour du RAEC ?
Une ambition qui pourrait passer par un nouveau changement de nom. Celui du RAEC Mons sera en effet à nouveau disponible dans un an. « Beaucoup de Montois y sont attachés, mon père y a joué, et la disparition du club a affecté beaucoup de supporters. Donc c’est une proposition qui pourrait être mise sur la table », assure le bourgmestre. Une envie partagée par Hubert Ewbank, même si certains anciens de Quévy sont évidemment moins enthousiastes: « Salvatore Curaba l’a fait avec la RAAL à La Louvière et ça a fonctionné donc, en tant que supporter du RAEC, la tentation est évidemment présente. »
Retrouver le RAEC Mons pourrait permettre de se réconcilier avec certains supporters, mais cela ne sera évidemment pas suffisant. Rester en D3 amateurs ne remplira pas le Tondreau et un changement de nom n’est finalement qu’un artifice. Et ça, le président du RAQM en est conscient: « Je pense que la majorité des anciens supporters du RAEC n’ont pas envie, et ce n’est pas péjoratif pour les clubs, de venir voir des matchs contre Ganshoren, Jette ou Schaerbeek. Quand on a connu des grosses affiches contre le Standard, Anderlecht, Charleroi, Genk, Bruges, c’est compliqué d’aller voir des matchs à notre niveau. »
L’envie est donc présente pour les deux parties de replacer Mons sur la carte du football belge. Pour cela, il faudra beaucoup d’efforts et de temps afin de retrouver l’engouement autour d’une équipe et attirer des sponsors et investisseurs qui pourront faire remonter Mons. « Un club de division 1 actuellement, c’est un budget de huit à dix millions d’euros minimum. Aucun club dans la région de Mons-Borinage ne peut prétendre à atteindre des montants tels que ceux-là. Si le club se distingue et connaît plusieurs montées, je pense qu’on aura des investisseurs plus importants qui viendront à Mons pour en faire un club d’élite. Mais pour ça, il faut faire nos preuves », reconnaît Nicolas Martin.
Certains ont tenté d’enterrer le RAQM suite à leurs problèmes financiers, mais si la sauce prend, ils seront sans doute surpris de voir Quévy-Mons plus vivant que jamais. Comme pour les célèbres Gaulois, le Tondreau ne sera peut-être pas le tombeau du club montois.
Par Jérôme Jordens (st.)
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