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Foot du dimanche: Durbuy après Walhain, c’est Bruxelles à la campagne

Les cas de rachat de clubs wallons par des personnalités bruxelloises se multiplient. Un mariage qui peut parfois connaître de sacrées turbulences.

La nouvelle a eu de quoi étonner. Anneessens 25 Brussels, club de futsal bruxellois, rachète la Royale Entente Durbuy. L’objectif n’est pas de délocaliser le club dans la capitale, mais bel et bien de jouer les matchs dans le plus petit village de Belgique. Enfin presque, puisque le terrain de Durbuy se trouve à Barvaux-sur-Ourthe, village voisin.

Un choix étonnant que Mustapha Rezki, référent média et frère du nouveau président Esmaël Rezki, explique: « Le club a une histoire. Paul Tintin y a fait un superbe travail en passant de la P1 à la D2 amateurs. L’opportunité était devant nous, on a expliqué notre projet pour Durbuy et il y a eu un bon feeling dans les négociations. On a trouvé un accord assez rapidement. »

Sixième cette saison de D2 amateurs, Durbuy passera donc sous pavillon bruxellois la saison prochaine. Et Anneessens 25 est un club qui a une histoire particulière. « Notre club a été créé par le Père Philippe Heymans dans le quartier Anneessens dans les années 80. Tous les petits du quartier allaient voir le Père Philippe à l’Église pour lancer les activités sportives, notamment le football », retrace Mustapha Rezki.

Alors que la tradition disparaît peu à peu suite au départ à l’étranger de Philippe Heymans au début des années 2000, le club est relancé en 2005: Anneessens 25 Brussels voit le jour. « Cela faisait 25 ans que le projet existait et le nom vient donc de là. L’activité principale est le futsal, mais nous avons aussi mis en place des stages de psychomotricité et de natation par exemple », explique Rezki.

L’objectif est noble, permettre aux jeunes, quel que soit leur statut social, de faire du sport. Très vite, la sauce prend également au niveau sportif et, à la surprise générale, Anneessens 25 remporte la coupe de Belgique de futsal 3-2 face à Hoboken en 2016. Le but libérateur tombe à quelques minutes de la fin, des oeuvres de … Mustapha Rezki, dans une salle bouillante où les supporters sont très proches du terrain.

« Les entraînements se passeront à Bruxelles, et les matches se joueront le dimanche à Durbuy. »

Après les résultats en futsal, les frères Rezki rêvent plus grand et vient donc ce fameux rachat du matricule de Durbuy. La volonté de bien faire est présente, mais Mustapha Rezki reste modeste quant aux objectifs: « On a des moyens beaucoup plus modestes que Paul Tintin, mais sur le fond il n’y aura pas beaucoup de changements. On va d’abord essayer de mettre en place un staff le plus rapidement possible. Nous avions une réunion à ce sujet lundi dernier et on espère avoir un coach dans les prochains jours. »

Les frères Rezki repartent d’une page blanche puisque tous les joueurs du noyau de Durbuy ont quitté le club et qu’il n’y a pas d’équipe de jeunes. Pas le temps pour un appel sur Internet et des entraînements ouverts à tous. « Des détections sur invitation vont être réalisées durant le mois de juin. Nous sommes déjà en contact avec des joueurs de D2 et D3 amateurs qui sont prêts à s’investir dans le projet avec nous, mais c’est encore prématuré. Dans l’immédiat, on se concentre sur le staff. »

Des joueurs qui pourront venir des différentes régions concernées. « On va essayer de faire un mix de joueurs de Bruxelles et de la région de Durbuy. La porte est ouverte à tout le monde. Notre association sportive a été créée pour lutter contre l’exclusion sociale et nous voulons donc laisser la chance à tout un chacun de pouvoir jouer. On veut aussi créer une équipe féminine locale », assure Mustapha Rezki.

La question principale concernant ce mariage est forcément celle de la distance. Mustapha Rezki est bien conscient de l’obstacle, surtout pour un club amateur: « On va instaurer un certain professionnalisme en prenant les choses très au sérieux et en mettant tout en oeuvre pour y arriver, mais il ne faut pas se leurrer nous restons amateurs. Les entraînements se passeront à Bruxelles et les matchs se joueront le dimanche à Durbuy. L’idée, c’est de manger à Durbuy et d’y jouer le match à 15h le dimanche. »

Si dans un premier temps, les objectifs seront définis à court terme, saison après saison, la volonté est de s’installer dans la longueur si les événements prennent la bonne tournure. Une école de jeunes pourrait être mise en place à long terme. « Nous avons une dizaine d’équipes de jeunes jusqu’au U17 à Anneessens 25 et nous avons donc l’expérience de la formation. Le seul petit bémol est que Durbuy est un petit village et ce n’est donc pas facile de trouver beaucoup de jeunes », reconnaît Mustapha Rezki.

Walhain, le mauvais exemple?

Pour y arriver, il faudra éviter les obstacles, et ceux-ci peuvent être nombreux lorsque les Bruxellois partent à l’assaut de la campagne. Une trajectoire qu’a bien connu le Royal Wallonia Walhain ces deux dernières saisons.

Après un début de saison compliqué, les Walhinois avaient réussi à redresser la barre, mais étaient tout de même descendus en D3 amateurs, pour un point. Cette saison, les résultats étaient meilleurs, mais le club a surtout fait parler de lui pour des raisons extrasportives. Désaccord profond avec la commune par rapport au stade, problèmes financiers présumés, manque d’ancrage local: les reproches sont nombreux et infondés selon le vice-président et directeur sportif de Walhain, Chakib Maimouni: « Il y a toujours des gens pour et contre un projet. Le problème, c’est que les gens mécontents font toujours plus de bruit. »

Fondées ou non, Anneessens pourrait être sous le feu des mêmes critiques, surtout si l’aventure démarre mal, comme ce fut le cas à Walhain. Et ça, Mustapha Rezki en est bien conscient: « On est Bruxellois, on ne va pas le cacher, mais on compte vraiment travailler avec les locaux. On est là pour défendre le maillot de Durbuy corps et âme. Et puis c’était nous ou le club n’existait plus, donc on espère que si les résultats suivent, les supporters seront présents. »

Mais pour pouvoir compter sur le soutien des supporters, encore faut-il que ceux-ci soient présents sur les bords des terrains. Un des chefs d’accusation à l’encontre de Chakib Maimouni était d’avoir vidé le stade de ses spectateurs, mais pour lui le problème ne se résume pas seulement à Walhain: « Dans le football amateur, il y a de moins en moins de supporters, les stades se vident. Les raisons sont nombreuses: les gens préfèrent regarder les matchs de première division à la télé, les prix ont augmenté et maintenant il est même possible de revoir les matchs de D3 amateurs en streaming. »

« La région, je la connais. Je pense malheureusement que ce qui a posé problème ici, ce sont mes origines. »

Le manque d’ancrage local a souvent été invoqué pour expliquer ce manque d’affluence. Pas illogique, puisque les mentalités des grandes villes et des villages ne sont pas tout à fait identiques. Mais dans le cas de Walhain, Chakib Maimouni se considère comme quelqu’un qui connaît bien la région: « Je suis Bruxellois, mais j’ai fait toute ma scolarité à l’ITCA de Suarlée, dans la même école que l’ancien président Frédéric Davister. J’ai joué à l’UR Namur et à Mazy. Donc la région, je la connais. Je pense malheureusement que ce qui a posé problème ici, ce sont mes origines. »

Dans le football amateur, il n’est pas rare que l’argent soit le nerf de la guerre et que des retards de paiement de primes apparaissent, comme ça a été le cas à Walhain. « Nous n’avons pas des problèmes d’argent, juste de timing. Je suis très proche de mes joueurs et aucun ne s’est jamais plaint », réfute le vice-président de Walhain.

Le gros point noir se situe au niveau des installations. La commune de Walhain a décidé de ne pas prolonger la convention garantissant l’accès aux installations au Wallonia Walhain. Une convention qui avait pris fin en 2012, mais dont l’accord était reproduit tacitement chaque saison. Cela ne sera pas le cas la saison prochaine. La commune a lancé un appel à projet et le FC Walhain a été créé pour s’installer aux Boscailles en lieu et place du Wallonia, qui se retrouve sans stade. Le différend a été porté devant la Justice tant le désaccord est total.

Une situation qui ne garantit pas l’avenir du club, mais ce que regrette le plus le directeur sportif, c’est que le positif n’a jamais été mis en avant: « Nous avons payé les formations de nos entraîneurs pour faire un gros travail au niveau de la formation. Ça a fonctionné puisque nous avons un jeune qui vient de rejoindre Istanbul Basaksehir en D1 turque et un gardien qui a signé au Standard en janvier. »

Chakib Maimouni espère que les frères Rezki ne feront pas face à la même obstination à l’égard de leur projet: « Dans le football amateur, il faut toujours lutter contre les jaloux qui veulent détruire vos ambitions. Les frères Rezki sont de bonnes personnes, humbles et avec un projet dans lequel je me reconnais. Je serais ravi de collaborer avec eux en organisant par exemple un match amical. »

S’il regrette ce qu’il considère comme de l’acharnement contre son club, Chakib Maimouni reconnaît toutefois que l’entrée en matière était quelque peu manquée: « On aurait dû être plus modeste en arrivant, avoir de moins grands objectifs. On nous aurait peut-être moins tenu rigueur des mauvais résultats au début de l’aventure. »

Une attitude adoptée par Mustapha Rezki: « L’avantage, c’est que personne ne nous connaît et on espère pouvoir jouer là-dessus. L’objectif c’est évidemment le maintien pour une première saison, mais on sait qu’on ne va parler que des résultats. »

Le football amateur est un grand champ de bataille où tout le monde veut s’accaparer sa part de succès. Avant de voir très grand, il faut convaincre ses propres terres. Voilà le défi qui attend les frères Rezki du côté de Durbuy.

Par Jérôme Jordens (st.)

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