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« Duchâtelet veut prouver qu’on peut gagner de l’argent avec le football »

Maintenant qu’il est de bon ton de critiquer Roland Duchâtelet parce qu’il possède plusieurs clubs – il vient d’acheter des parts dans Carl Zeiss Iena, Charlton Athletic et AD Alcorcon, Geert Smets, celui qui l’a découvert, prend sa défense : « Je suis très fier de l’avoir amené au football », dit l’ex-manager commercial de Saint-Trond.

Par Jan Hauspie

C’est en 1999 que Roland Duchâtelet fait sa première apparition dans le monde du football. Le STVV s’appelle encore Saint-Trond et le Stayen s’écrit Staaien. Geert Smets, le manager commercial, est à la recherche de sponsors et son attention est attirée par la publication, dans le magazine Humo, du Top 100 des Belges les plus riches. Il les contacte un par un. Après deux jours, bingo ! Le 23e, Roland Duchâtelet, encore inconnu du grand public, semble voir dans le football un moyen bon marché de faire connaître ses idées politiques auprès du grand public. L’entrepreneur, qui s’est enrichi en produisant des composants électroniques pour l’industrie automobile, affiche le nom de ses entreprises, TV-Lokaal et Melexis, sur les maillots trudonnaires. A la même époque, il aide Harelbeke à sortir du rouge.

Trois ans plus tard, Saint-Trond a un besoin urgent d’argent frais et appelle au secours son sponsor, chez qui Smets travaille désormais. Dans un premier temps, Duchâtelet refuse : il n’a jamais rêvé d’être administrateur d’un club de football. Quelques mois plus tard, pourtant, il devient président des Canaris, un poste qu’il accepte à condition de pouvoir diriger le club comme il l’entend. Quatre ans après en être devenu le sponsor principal, il évite à Saint-Trond une mise en liquidation en injectant un capital d’un million d’euros. Le déficit du club est d’environ 2,5 millions, notamment parce que le club continue à verser à ses joueurs des salaires très importants. Duchâtelet règle les dettes et permet à Saint-Trond d’obtenir sa licence en vue de la saison suivante.

Aujourd’hui, il s’est retiré de la politique et est connu pour être le président du Standard mais aussi pour avoir son mot à dire dans – actuellement – une demi-douzaine de clubs répartis dans toute l’Europe. « Je suis très fier d’avoir amené cet homme au football », dit Smets, gérant de Sports Marketing Business (SMB), une société qui a son siège au Stayen. « Aujourd’hui, ça devient intéressant. Selon moi, il veut démontrer qu’on peut développer un modèle économique productif à partir du football. Mais pour cela, il faut cumuler les clubs. »

Pourquoi cumuler ? S’il vend le Standard, il fera déjà du bénéfice ?

Geert Smets : C’est justement ce qui me dérange quand je lis les avis de soi-disant économistes du sport comme Trudo Dejonghe. Pourquoi affirme-t-il dans les journaux que Duchâtelet veut vendre le Standard ? Roland est présent dans le monde du football depuis 13 ans et il n’a encore rien vendu. On le décrit comme un opportuniste dont le seul but est de gagner de l’argent en achetant et en vendant des clubs. Quelle bêtise ! Jusqu’ici, il n’a fait qu’acheter car Saint-Trond appartient désormais à sa compagne. D’ailleurs le club était invendable puisqu’il ne réalisait pas de bénéfice.


C’est lui qui, après la révolte des supporters liégeois, a dit que le Standard était à vendre.

D’un point de vue économique, c’est la seule chose qui me surprendrait car alors, ce cumul de clubs n’aurait plus de raison d’être. Pour le reste, je comprends parfaitement où il veut en venir et je ne peux que l’en féliciter.

Pour faire court : il se construit un réseau de clubs qu’il contrôle et dans lesquels il place ses joueurs sans intervention extérieure, de façon à augmenter leur valeur marchande.

C’est un modèle économique comme un autre mais c’est le seul qui, en football, produise du bénéfice. Quand même les quatre meilleurs de votre championnat perdent de l’argent, que faut-il faire ? Des transactions avec les joueurs. Ce n’est pas nouveau, ça a toujours existé. Quand j’étais à Saint-Trond, nous bouchions déjà les trous en vendant des joueurs. A Lokeren, Roger Lambrecht n’a fait que ça toute sa vie. C’est le seul modèle win-win et c’est on ne peut plus logique. Lambrecht a toujours été l’homme le plus malin du football belge.

Que fait Duchâtelet pour être différent ?

Il fait la même chose mais au carré parce qu’il en a les moyens et qu’il voit clair. Mais à l’exception de la seule fois où il s’est pris un dividende, il n’a encore fait qu’investir. Je ne pense pas que le football l’ait enrichi.

C’est pourtant son objectif.

Qui dit cela ? Depuis le premier jour, il m’assure qu’il veut prouver qu’on peut gagner de l’argent avec le football ou, à tout le moins, arriver au break even. Les gens qui l’entourent au sein du groupe prétendent la même chose. Est-il anormal que les gens veuillent gagner de l’argent en investissant ? Les journalistes pensent que oui mais, s’il n’y avait pas d’investisseurs dans le monde de la presse, vous ne gagneriez rien non plus. Tout le monde déteste cet homme et je trouve ça terriblement injuste. La Belgique devrait être fière qu’un Belge fasse cela. Je ne vais pas prétendre que l’argent d’Abramovich à Chelsea ou des Qataris au PSG est louche mais on ne peut certainement pas dire cela de Duchâtelet. L’argent qu’il investit, il l’a gagné honnêtement. Il faut tout de même voir le côté positif de son action ! C’est vrai : une fois, il s’est payé. Mais selon moi, il a déjà perdu la même somme dans le football. Ne serait-ce qu’à Saint-Trond, même si c’est sa faute : le club ne perdait pas autant d’argent avant son arrivée. Un homme d’affaires en apprend tous les jours. C’est pourquoi je dis qu’il doit respecter le club où il a tout appris. Pour le dire platement : il fait aujourd’hui ce que je lui ai dit il y a des années. C’est pourquoi je le soutiens à 100 %. Quand, en 2000, je l’ai convaincu de devenir sponsor, je lui ai dit que j’allais lui prouver qu’on pouvait gagner de l’argent dans le football. Aujourd’hui, je n’ai pas changé d’avis et je dis la même chose à d’autres amis qui ont de l’argent. Il n’est vraiment pas difficile de gagner de l’argent en football, à condition de ne pas payer les joueurs trop cher. C’est là que tout le monde se trompe. Sauf Roland. Du moins, il ne se trompe plus. Même pas au Standard.

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans votre Sport/Foot Magazine de cette semaine.

Les clubs de Duchâtelet

– Via son amie Marijke Höfte, il conserve d’importants intérêts immobiliers sur le site du stade de Saint-Trond, le club qu’il a commencé par sponsoriser en 2000 avant d’y effectuer ses premiers pas dans le football au rang de président-propriétaire.

– Octobre 2011 : son fils Roderick acquiert 94 % des parts du FC Ujpest, un club de D1 hongroise qui collaborait avec Saint-Trond, sous sa présidence.

– Juin 2011 : il achète le Standard pour un montant situé entre 33 et 40 millions. Il entame une collaboration sportive et financière avec Tubize, pensionnaire de D2.

– Mai 2012 : il est sur le point de reprendre le Fortuna Sittard, un club de D2 néerlandaise, mais il y renonce dès qu’une fuite révèle ses intentions. Récemment, le sponsor principal a racheté le club, qui est donc délivré de ses dettes et redevient peut-être un parti intéressant aux yeux de Duchâtelet.

– Décembre 2013 : il acquiert 49,9 % des parts de Carl Zeiss Iéna, un club de D4 allemande, pour deux millions. Le lien ? Son usine X Fab à Erfurt, non loin d’Iéna, qui emploie 7.000 personnes.

– Décembre 2013 : par l’intermédiaire de sa société d’investissements Staprix, il achète la totalité des parts de Charlton Athletic, un club de D2 anglaise. Le montant est estimé entre 17 et 24 millions. Il en confie la direction à Katrien Meire, qui a travaillé, comme jeune juriste, pour quelques cabinets d’avocats renommés avant d’être recrutée par le Standard, en septembre 2013, comme legal and international relations manager.

– Janvier 2014 : il achète AD Alcorcon, un club espagnol de D2, dans les environs de Madrid, pour un montant qu’on ignore.

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