
Derby City-United: tournant ou tour d’honneur en Premier League?
Seul Manchester United semble encore en mesure de priver Manchester City d’un nouveau titre. Focus sur le derby de ce dimanche.
Ces dernières années, la lutte pour le titre en Premier League avait déjà pris son orientation définitive depuis longtemps, à ce moment-ci de la saison. Mais cette fois le déroulement du championnat est bien différent. Après le dernier derby de Manchester, mi-décembre (0-0), Tottenham et Liverpool occupaient encore la tête. United était retombé à la cinquième place et il fallait descendre jusqu’à la septième place pour trouver City. Depuis lors, les Red Devils ont effectué une belle remontée, mais entre-temps, ils n’ont plus remporté que deux de leurs huit matches. Pour Pep Guardiola et les siens, ce derby se profile encore comme un tournant plus important. Depuis lors, Manchester City a pris quarante points sur 42, avant son match d’hier contre Wolverhampton. Et cela, sans des joueurs-clés comme Kevin De Bruyne ni Sergio Agüero. Le mérite de cette belle série revient en grande partie au coach, qui a effectué quelques ajustements tactiques pour remettre son équipe sur la bonne voie. Si City ressort indemne du derby de Manchester, ce dimanche, le troisième titre en quatre ans ne sera plus très loin.
Des ailiers inversés pour parer les contre-attaques
La raison des moindres résultats enregistrés la saison dernière est à chercher principalement à l’arrière. City n’a pas laissé énormément d’occasions à l’adversaire, mais lorsque c’était le cas, c’était toujours des occasions franches. Les Citizens encaissaient beaucoup de buts en contre-attaque et ont de ce fait rapidement dû laisser filer Liverpool. Au début de cette saison, Pep ne semblait pas avoir trouvé la solution. Les défaites contre Leicester City (2-5) et Tottenham (0-2) ont permis de mettre le doigt sur le problème. La défense à quatre en ligne ne fonctionnait pas. Depuis décembre, City joue toujours avec une défense à quatre sur papier, avec Rodri en contrôleur devant cette défense. Mais en pratique, en possession de balle, l’un des défenseurs latéraux remonte dans l’entrejeu pour participer à la construction. Lorsque City perd le ballon, l’équipe dispose d’un élément supplémentaire pour aider les trois défenseurs restés derrière. Pep semble donc avoir trouvé le remède aux contres adverses avec l’ inverted wingback qu’il avait déjà imaginé au Bayern Munich avec Lahm ou Alaba. Durant sa cinquième saison à Manchester, il semble enfin avoir trouvé des arrières latéraux capables de remplir ce rôle avec João Cancelo et Oleksandr Zinchenko. Depuis lors, Manchester City n’a plus encaissé que cinq buts en quatorze matches .
Ce dispositif sera cependant confronté à un sérieux test lors du derby, car le contre est l’arme favorite de United. Guardiola en a conscience: « Il y a des équipes qui manient à merveille l’art de la transition comme United, Liverpool ou les Spurs. Nous, ce n’est pas notre point fort. » Solskjaer autorise ses joueurs à suivre leur instinct durant les transitions, au lieu d’établir un « plan de contre-attaque très strict » comme le fait Mourinho à Tottenham. Et ça fonctionne grâce à l’esprit créatif de Bruno Fernandes combiné à la vitesse de Marcus Rashford et Cie.
Plus de danger sans attaquant
En début de saison, les joueurs de flanc, Raheem Sterling et Riyad Mahrez ou Phil Foden, pouvaient toujours rentrer dans le jeu, un secteur où un attaquant et De Bruyne évoluaient également. Les arrières latéraux avaient alors pour mission d’élargir le jeu. Avec le passage aux inverted wingbacks, ce plan a été modifié. Les attaquants de flancs doivent aujourd’hui libérer l’espace au centre en jouant le long de leur ligne. Mais Guardiola utilise aussi différemment le centre du terrain. En l’absence d’un véritable attaquant de haut niveau, à cause des problèmes physiques d’Agüero et de l’irrégularité de Gabriel Jesus, Pep joue désormais sans attaquant. Ou plutôt avec un faux 9. Encore l’une de ses fameuses trouvailles, qui date cette fois de son époque à Barcelone. Les deux milieux offensifs et le faux 9 se croisent constamment et apparaissent à tour de rôle devant le but. Ces incessants changements de position sont beaucoup plus difficiles à couvrir qu’un seul attaquant solitaire aidé par un numéro 10. Ilkay Gündogan s’est ainsi affirmé comme un vrai buteur.
Contrer ces changements de position sera l’un des grands défis de ManU, car avec Victor Lindelöf et Harry Maguire, les Red Devils ne disposent pas d’une paire centrale très mobile. Devant eux, il n’y a pas non plus de véritable contrôleur dans l’entrejeu. Paul Pogba et Scott McTominay jouent devant la défense, mais ce duo possède surtout des qualités offensives. Avec Nemanja Matic et Fred, United possède néanmoins deux options plus défensives, mais leur niveau variable n’offre pas de garanties de stabilité. Bruno Fernandes essaie souvent de donner un coup de main, mais sur le plan défensif, Manchester United ne fait actuellement pas partie des meilleurs. Brighton (seizième) et Arsenal (dixième) concèdent par exemple beaucoup moins d’occasions et de buts que David De Gea.
Moins courir, c’est mieux
Guardiola s’affirme lui-même responsable des moindres résultats du début de saison et ne veut pas surestimer ses ajustements tactiques. « Peu importe que l’on joue en 4-4-2, ou à cinq ou sept derrière. Ce n’est pas important. L’essentiel, c’est que l’on construise depuis le gardien et que l’on atteigne les attaquants en passant et repassant le ballon. Et que l’on attende le moment opportun pour punir l’adversaire. Je n’étais pas content de notre manière de jouer. Depuis le derby, nous sommes revenus à nos principes. Le reste dépend de la qualité des joueurs », a-t-il répondu lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait changé de tactique après le dernier affrontement contre Manchester United. « En début de saison, avec une préparation perturbée par le Covid, nous avons éprouvé des difficultés et nous avons été contraints de changer. » La solution s’est révélée simple pour City: moins courir. Lorsque ça va mal, beaucoup d’entraîneurs ont tendance à penser que c’est dû à un manque d’efforts ou d’engagement. J’ai toujours pensé le contraire. Nous jouions mal parce que nous courions trop. Lorsqu’on est en possession du ballon, il faut marcher, et uniquement courir lorsque le bon moment est arrivé. Et lorsque nous n’avons pas le ballon, il faut courir comme si c’était le dernier ballon de notre vie. Ça fonctionne dans notre cas, pas uniquement aujourd’hui: ça a toujours fonctionné pour nous lorsque nous remportions des titres », affirme l’Espagnol.
Cette patience a pour conséquence de rendre le jeu de City moins spectaculaire. Avec en moyenne deux buts inscrits par match, la production offensive a atteint son plancher depuis que Pep est à la tête de l’équipe. Le point positif, c’est qu’avec une moyenne de 0,6 but encaissé par match, la défense n’a jamais été aussi performante. Dans l’optique d’un succès en Ligue des Champions, le fait que Pep ait enfin trouvé l’équilibre entre l’attaque et la défense est très prometteur. De l’autre côté de la ville, United est toujours à la recherche de cet équilibre. Alors que la saison dernière les Red Devils avaient un moment trouvé la stabilité défensive, mais étaient peu performants offensivement, c’est aujourd’hui le contraire. Avec Edinson Cavani, Anthony Martial, Mason Greenwood, Rashford et Fernandes, Solskjaer possède une grande force de frappe, qui doit compenser les lacunes derrière. Pour l’instant, il y parvient: ManU s’est déjà retrouvé mené dans douze de ses 26 matches cette saison, mais est parvenu à sept reprises à retourner complètement la situation en sa faveur. Seules deux équipes ont fait mieux dans l’histoire de la Premier League: Newcastle (dix) en 2002-2003 et Manchester United lui-même (neuf) en 2012-2013, mais c’était sur une saison entière. Les chiffres ( voir encadré) démontrent néanmoins que leurs performances offensives ne se sont pas améliorées, alors que leurs performances défensives sont moindres par rapport à la saison dernière. Si United continue à jouer à ce niveau, ce sera déjà un défi de conserver cette deuxième place. Mais le derby de dimanche constituera peut-être un tournant. À moins que City n’entame déjà son tour d’honneur?
Par Dieter Peeters
City meilleur sans KDB?
City a été privé de Kevin De Bruyne pendant un mois à cause d’une blessure aux adducteurs, mais ça n’a pas empêché l’équipe de poursuivre sa série. Du coup, certains analystes en ont déduit que les Citizens étaient meilleurs sans leur meneur de jeu. Ils font référence à la saison 2018-2019, lorsque City avait remporté le titre sans KDB, blessé durant une grande partie de la campagne, alors que la saison dernière, lorsque le titre a échappé à City, tous les ballons passaient par le Diable rouge. On oublie cependant son impact durant la saison 2017-2018, celle de tous les records, lorsque City a atteint le barre des cent points et a inscrit 106 buts. De Bruyne avait été impliqué dans un quart de ces buts. La saison dernière, c’était presque un tiers. L’équipe de Pep Guardiola est donc en partie dépendante de De Bruyne. Mais est-ce sa faute?
Cette saison, Guardiola est cependant parvenu à rendre son équipe moins dépendante de son numéro 17, même s’il reste la principale source de créativité. Sur quatre occasions que l’équipe se crée, il y en a toujours une qui provient de De Bruyne. Mais depuis le dernier derby de Manchester, davantage de joueurs sont impliqués dans le jeu offensif des Skyblues. Ilkay Gündogan, en particulier, a surpris tout le monde en marquant onze fois en quatorze matches, alors qu’avant ça, il n’avait jamais inscrit plus de six buts en une saison. Mais un jeune joueur comme Phil Foden (vingt ans) semble avoir définitivement trouvé sa place parmi les grands. Avec, en plus, Bernardo Silva, Raheem Sterling et Riyad Mahrez qui ont retrouvé leur niveau, City dispose de nombreuses armes différentes. Pep a donc trouvé une solution collective à l’absence de De Bruyne, car son équipe joue différemment depuis le dernier derby en décembre. Pourtant, les chiffres démontrent que KDB reste toujours l’homme de la dernière passe. Dans des matches compliqués, comme celui de dimanche peut-être, il est, plus que quiconque, capable de faire la différence individuellement.
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