Le Real Madrid, considéré comme le meilleur club de l’histoire, et Manchester City ambitionneront sûrement d’inscrire leur nom au palmarès de cette première Coupe du monde des clubs. © GETTY

Coupe du monde des clubs: le jouet artificiel du président de la Fifa pour régner encore plus sur le foot

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Gianni Infantino ne parle plus que de sa Coupe du monde des clubs, dont la première édition à 32 équipes se tient cet été. Pour sacrer un champion du monde et, surtout, le consacrer roi du foot mondial.

On dit de Carlo Ancelotti qu’il manie les mots comme personne. Que sa maîtrise du langage, couplée à celle de ses émotions, fait de lui l’un des meilleurs gestionnaires de vestiaire de la planète. Quand il parle, celui qui vient de quitter le banc du Real Madrid pour venir s’asseoir sur celui du Brésil fait donc attention à ce qu’il dit. En juin dernier, le discours est donc soigneusement pesé: «La Fifa l’oublie: les footballeurs et les clubs ne participeront pas à ce tournoi. C’est négatif pour le Real, et d’autres clubs déclineront l’invitation.»

Ce tournoi, c’est la Coupe du monde des clubs. Le Real Madrid y sera, comme il l’avait confirmé dans un communiqué désavouant les termes de son entraîneur. Trente-et-un autres clubs de la planète feront aussi partie de ce nouveau grand jeu organisé tous les quatre ans et imaginé par Gianni Infantino, le président de la Fifa, la Fédération internationale de football, qui rêve d’en faire la compétition que tous les joueurs souhaitent un jour gagner.

Dès 2016, le patron du foot mondial sort ce projet de ses cartons. Il rêve alors d’une première édition en 2021 qui rassemblerait 24 équipes, la fait passer à 32 équipes en la reportant en 2025 quand la crise sanitaire s’en mêle, mais maintient le cap contre tous ses détracteurs. Tant pis si les joueurs se plaignent de plus en plus d’un calendrier qui déborde. Tant pis, aussi, s’il faut serrer soigneusement le nœud de cravate au mois de septembre 2024, à quelques semaines du tirage au sort, pour piloter une visioconférence en vue de convaincre les diffuseurs potentiels de mettre la main au portefeuille, sans visiblement se montrer suffisamment convaincant. Ce n’est que sur le buzzer, en décembre, que la Fifa annonce un accord avec DAZN pour diffuser l’ensemble de la compétition. On dit alors que la différence entre les demandes initiales de la Fédération et la somme finalement reçue serait le résultat d’une division par quatre. On chuchote aussi que le milliard d’euros promis par le diffuseur coïnciderait étrangement avec un investissement fait sur ses comptes par l’Arabie saoudite, désignée quelques jours plus tard par la Fifa pays hôte de la Coupe du monde 2034, sans la moindre concurrence.

Quelles que soient les dernières manœuvres montées en coulisses, le grand événement promis par Gianni Infantino aura bien lieu, alors que les doutes avaient grandi au bout de l’année dernière. Il se déroulera aux Etats-Unis, entre le 14 juin et le 6 juillet.

Le président de la Fifa souhaite que sa Coupe du monde des clubs devienne le trophée le plus convoité du football.

Infantino montre les muscles

C’était une question de fierté pour le président de la Fifa, défenseur majeur de son projet qu’il vante comme capable de «changer la donne pour le football de clubs à l’échelle mondiale». En décembre dernier, à l’occasion d’une conférence donnée à Doha dans le cadre du Diplôme Fifa en management de club, Infantino précise ses objectifs: «Le football de club ne se limite pas à quelques pays d’Europe occidentale qui comptent une dizaine de clubs d’élite. Il doit se développer à l’échelle planétaire.»

Dans ses discours idéalistes et mondialistes, le patron du football mondial plaide ainsi pour son format, rassemblant beaucoup plus de nationalités au coup d’envoi qu’une Coupe du monde classique où seuls 32 (mais bientôt 48, grâce à une autre de ses réformes) pays se présentent sur la ligne de départ. Les effectifs cosmopolites des clubs doivent permettre à de bien plus nombreux enfants du monde de rêver d’un de leurs concitoyens au sommet de la planète.

Pour se faire comprendre, Gianni Infantino aime invoquer l’exemple de George Weah, premier -et unique à ce jour- Ballon d’or venu d’Afrique, qui n’a jamais réussi à emmener son modeste Libéria à la Coupe du monde des nations. «Il y a fort à parier qu’il aurait gagné, ou du moins qu’il aurait pu gagner une Coupe du monde des clubs si elle avait existé à l’époque», affirme-t-il. Président du Libéria entre 2018 et 2024, George Weah est ici instrumentalisé à des fins sportives, mais surtout politiques et économiques.

La volonté première de Gianni Infantino, c’est en effet de tirer à lui et à sa Fifa une partie des revenus colossaux, notamment en matière de droits télévisés, détenus par le football de clubs. Avec sa récente réforme, la Ligue des champions de l’UEFA garantit encore des retombées financières supplémentaires à tous ses participants, et est incontestablement assise sur le trône des compétitions rassemblant des clubs. Sa «Coupe aux grandes oreilles» est le trophée que tous les footballeurs rêvent de soulever, même si la symbolique d’une Coupe du monde remportée pour son pays reste inégalée. C’est là-dessus que compte jouer le président de la Fifa, pour détrôner la compétition majeure de l’UEFA, fédération européenne qui est sa principale rivale dans sa quête de pouvoir sportif et économique. Plutôt qu’un événement annuel et en petit comité, comme c’est le cas actuellement, sa Coupe du monde des clubs doit être, à ses yeux, le trophée le plus convoité du football. Une fois tous les quatre ans, il doit ainsi désigner le club de football le plus puissant de la planète.

Gianni Infantino a profité des résultats de la saison régulière du championnat américain, qui ne garantissent pourtant aucun titre, pour s’assurer les services de Lionel Messi, meilleur joueur de l’histoire, à SA Coupe du monde des clubs. © GETTY

Les invités du grand bal mondial

Les cartons d’invitation sont donc soigneusement répartis pour faire de la place à tout le monde, tout en s’assurant tout de même que les meilleurs seront là. Malheureusement pour Infantino, la «to-do list» pour être de la partie n’est pas remplie par la machine de Liverpool et le FC Barcelone du phénomène Lamine Yamal, probablement deux des cinq meilleures équipes d’Europe cette saison. A quelques mois du coup d’envoi, il s’avère donc déjà que son tournoi risque d’être en galère de têtes d’affiche, à une période où les grands clubs jouent généralement leurs tournées internationales aux quatre coins de la planète avec deux ou trois vedettes pour ravir les spectateurs, mais surtout des jeunes pour faire souffler ceux qui sortent déjà d’une saison à rallonge.

A l’heure de qualifier une équipe américaine supplémentaire, Gianni Infantino avait donc opportunément saisi l’occasion de voir l’Inter Miami, franchise créée par David Beckham, être en tête de la compétition régulière aux Etats-Unis. De l’autre côté de l’Atlantique, là où la culture des play-offs est culturellement établie, le championnat «classique» n’est généralement qu’une longue phase de qualification qui vous donne, au mieux, l’avantage du terrain et du tirage au sort pour la suite des événements. Toutefois, la balle était dans le jardin de la franchise floridienne où évolue un certain Lionel Messi, et le président de la Fifa en a profité. Parce que pour mieux se vendre, sa compétition avait tout intérêt à s’appuyer sur le plus grand joueur de l’histoire.

Quel que soit le vainqueur, au vu du côté cosmopolite de tous les effectifs, Gianni Infantino pourra affirmer que grâce à lui, au moins un nouveau pays comptera un champion du monde de football.

Gourmand, le patron du football mondial a même tenté de pousser Cristiano Ronaldo vers l’un des 32 participants. En fin de bail avec Al-Nassr, son club saoudien qui ne s’est pas qualifié pour la Coupe du monde des clubs, le Portugais aurait pu se retrouver dans un autre club des pays du Golfe, voire une entité saoudienne. Un mercato avait même été ouvert à cet effet par la Fifa, permettant exceptionnellement des transferts dans la première quinzaine de juin et des prolongations de contrat de deux semaines en juillet, histoire de contourner ses propres règlements qui faisaient en sorte que les contrats de footballeurs se terminent traditionnellement le 30 juin, soit au beau milieu de la compétition.

Finalement, personne ne semble avoir voulu assumer le salaire XXL du Portugais pour se donner un coup de pub. Tant pis pour le jouet de Gianni Infantino, qui se console déjà avec une autre réalité: celle qui dit que le Real Madrid ne peut subir le camouflet d’une saison conclue sans trophée, et compte bien débarquer aux Etats-Unis avec l’artillerie lourde pour assumer son statut de plus grand club de l’histoire en remportant la première édition de cette nouvelle compétition.

Entre un Thibaut Courtois préservé de la trêve internationale avec la Belgique et un mercato très précoce, avec l’arrivée déjà bouclée de l’Anglais Trent Alexander-Arnold, le Real débarquera comme l’un des favoris de la compétition en étant probablement le grand club qui aura le plus envie de la gagner. Le PSG, tout juste sacré champion d’Europe et lancé sur une dynamique de succès par Luis Enrique, sera l’un de ses challengers majeurs, d’autant plus que son patron qatari Nasser Al-Khelaïfi a insisté à plusieurs reprises sur la valeur qu’il donnait à cette compétition.

Sera-ce suffisant pour permettre à Gianni Infantino de gagner son pari? La qualité des matchs et l’identité du vainqueur seront une première réponse. Quel que soit le verdict, au vu du côté cosmopolite de tous les effectifs, le président de la Fifa pourra de toute façon affirmer que grâce à lui, au moins un nouveau pays comptera un champion du monde de football.

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