Plus de 700.000 utilisateurs pour l’application, un million de followers sur Instagram et plus de deux millions sur Facebook: aujourd’hui, l’Union belge est l’une des principales influenceuse de Belgique. Maintenant que l’EURO est terminé, il est déjà temps de préparer l’avenir. Comment celui-ci s’annonce-t-il?
Lorsque l’on passe sous le pont du Thalys qui relie Bruxelles à Paris, et que l’on tourne à droite au rond-point pour entrer dans le Centre national de Tubize en direction de l’hôtel Martin’s Red et du centre technique de la RBFA (pour Royal Belgian Football Association, le nouveau nom de la Fédé), on découvre sur la colline le bâtiment de… Belgian Cycling. On aperçoit aussi une grue qui prouve que les travaux ne sont pas terminés.
À partir d’octobre, le site de Tubize, à la frontière du Brabant wallon et du Brabant flamand, accueillera également l’administration, le marketing, les arbitres, les stages de jeunes, les journées de détection des talents, la salle du VAR pendant le week-end. Tubize comme centre névralgique du sport belge de haut niveau, qui l’aurait prédit il y a vingt ans?
Beaucoup de choses ont changé au cours de ces trois dernières années, confirme Manu Leroy, le directeur du marketing et membre du Comité de direction. Avant la Coupe du monde 2018, ce dernier est contacté par un bureau de chasseurs de têtes. Il discute avec Bart Verhaeghe et Mehdi Bayat, qui siègent alors tous les deux au Comité Exécutif, un organe qui joue encore un grand rôle à l’époque. Le courant passe bien, le feeling est bon, et les deux hommes présentent Leroy au CEO, Koen De Brabander. Mais l’entretien est programmé le jour même où De Brabander est licencié. Leroy se dit que c’est fichu…
Nous avons pris conscience qu’à terme, nous perdrions des membres si nous ne passions pas à l’ère du numérique. »
Mais après la Coupe du monde, en fin d’année, le nouveau CEO, Peter Bossaert, renoue les contacts. Et Leroy décroche finalement le job.
Leur point commun? Un passé dans le monde de l’entreprise. Précisément ce que Verhaeghe et Bayat recherchent. Bossaert provient de DPG Media, tandis que Leroy a acquis de l’expérience chez Play Sports (Telenet). La directrice Legal & Competitions, Pegie Leys, est déjà présente, après avoir autrefois bossé chez Coca-Cola. La nouvelle directrice des ressources humaines, Sylvie Marissal, engagée en mai 2020, est issue d’Engie. Elle réécrit le règlement – un travail titanesque – tandis que Leroy redéfinit lui la stratégie marketing. Il part d’une feuille blanche et essaye de créer de la valeur pour les sponsors qui ne soit pas trop tributaires des résultats sur le terrain. Car nous ne resterons pas éternellement numéros 1 mondiaux. La nouvelle ambition est de profiter de la première place sur le terrain pour se rapprocher également de la première place dans d’autres domaines.

Application, coulisses et exclus
D’où la naissance de l’application qui, depuis quelques semaines, offre un aperçu de la vie des Diables rouges. Pour y avoir accès, il faut s’enregistrer. Et donc, révéler des données. En principe, l’application est au service des membres de l’Union belge. Ceux-ci restent la cible privilégiée: environ 500.000 personnes, qui pourront bientôt y remplir leurs papiers d’assurance, regarder qui a été sélectionné afin que les parents puissent s’organiser pour prévoir du co-voiturage, etc. Lorsque quelqu’un écopera d’un carton rouge, il ne devra plus se déplacer vers l’un ou l’autre comité provincial un lundi soir pour se défendre, mais pourra le faire en ligne.
Les fans ne sont pas oubliés. Pendant le tournoi, ils pouvaient jeter un regard en coulisses, avoir accès à des images exclusives. Un réseau propre, qui permet de ne plus se rabattre sur Facebook, Twitter ou Instagram. « Les jeunes veulent des images, et la Fédération ne l’avait peut-être pas compris », explique Leroy. « Nous avons pris conscience qu’à terme, nous perdrions des membres si nous ne passions pas à l’ère du numérique. Nos concurrents, ce sont les festivals, Tomorrowland, Spotify… »
La RBFA est devenue une « influenceuse », capable de toucher un grand public parce que les joueurs sont eux-mêmes devenus des marques. La capsule avec Raymond Goethals, Guy Thys et Roberto Martínez a été reprise par Marca, La Gazzetta et Sky Sports…

Parfois, cette évolution se frotte à l’intérêt des médias traditionnels. Pendant l’EURO 2020, les conférences de presse n’étaient plus diffusées via Facebook, auquel tout le monde a accès. Les journalistes voyaient les réponses aux questions qu’ils posaient apparaître sur différentes plateformes, avant qu’ils n’aient pu les écrire pour le compte de leur propre média. La Fédé a essayé de trouver une solution, par exemple en rendant l’accès aux coulisses gratuit.
image modernisée
L’application est très dynamique et offre un vaste contenu, approvisionné par de nombreuses personnes. Mais ce qui frappe aussi ces derniers mois, c’est la communication vers le monde extérieur. Loin de l’image démodée qui a longtemps collé à la peau de l’Union belge.
UEFA Grow est un département de la confédération européenne, qui aide les fédérations nationales sur le plan commercial. La Belgique est une Fédération de niveau A, mais il y a aussi des fédérations B et C. Saint-Marin, par exemple, recense toujours ses membres dans un fichier Excel. L’UEFA réalise un appel d’offres en vue de moderniser tout cela.
Notre pays a demandé à ce qu’une enquête sur son image soit réalisée. Celle-ci (et ça n’étonnera personne après l’Opération Mains Propres) n’est pas vraiment reluisante. Ainsi, il apparaît que les gens qui savent ce que l’Union belge fait ont une opinion beaucoup plus positive que ceux qui ne sont pas bien informés. Ces derniers placent l’Union belge, la Pro League et les agents dans le même sac: tous pourris! « Ce que l’on en a déduit, c’est que si nous pouvions expliquer au monde extérieur tout ce que nous faisions, notre image deviendrait beaucoup plus positive », indique Leroy.
L’UB s’est donc mise à beaucoup communiquer. On a réformé le règlement, rédigé un rapport annuel qui va au-delà du bilan financier, pris des initiatives autour de la diversité, engagé une responsable du football féminin (une nouvelle fonction, remplie par Katrien Jans). Matteo Balliauw, docteur en économie, mais passionné de football, a développé un réseau d’universités et d’écoles supérieures qui réalisent des études sur l’arbitrage, le football en général, etc. La crise sanitaire a un peu retardé tout cette mise en place, mais l’objectif est d’organiser deux ou trois séminaires par an pour partager les connaissances.

L’un des changements les plus visibles de ces dernières années est le changement de gouvernance. Jadis, le Comité Éxécutif avait un gros impact sur un certain nombre de décisions qui auraient en fait dû être prises par le management. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Une critique souvent entendue est que la diversité que l’on remarque sur le terrain ne se reflète pas toujours dans le monde du football. Hedeli Sasi, coordinateur des projets sociaux, a réuni différentes personnes issues de divers groupes d’intérêt et qui ont un passé dans le football, pour leur demander ce qu’elles pensaient de la gestion actuelle de l’UB. Que devrait-elle faire et comment? Elles ont répondu qu’elles ne se sentaient pas représentées dans le monde du foot, qu’elles n’étaient pas entendues, qu’il n’y avait aucune sanction. Un plan a été élaboré pour faire changer les choses: la nomination d’un interlocuteur à qui signaler des problèmes, la mise en place d’une chambre contre le racisme et la discrimination, la constitution d’un Diversity Board composé de gens issus de milieux divers, le tout chapeauté par un Inclusion Manager.
C’est ainsi que la RBFA est entrée dans le XXIe siècle, avec un certain retard et dans le sillage de la locomotive, l’équipe A. « C’était le moment idéal pour tout moderniser », confirme Leroy. « Nous avons brillé en Russie, et on pourra sans doute encore le faire au Qatar et peut-être à l’EURO 2024. Il faut rentabiliser cette période de haute conjoncture, c’est le moment idéal pour investir dans le football belge. Je ne comprends pas les critiques qui se plaignent que l’Union belge investit dans la brique au lieu de donner de l’argent aux clubs. Nous n’investissons pas dans la brique, mais dans l’avenir. »
« Les fans méritent mieux »
On a souvent regretté que les Diables rouges ne puissent pas, comme d’autres grands pays, disputer une partie de leurs matches à domicile. « C’est évidemment une occasion manquée », regrette Manu Leroy. « Nous avons voyagé à travers toute l’Europe, alors que l’Angleterre disputera peut-être six de ses sept matches à domicile. C’eut été plus facile pour les joueurs également: ils auraient pu se rendre au stade en bus, depuis Tubize, au lieu de toujours devoir prendre l’avion.
Il y avait trop d’obstacles sur la route de l’ancien projet: la localisation, la suppression de la piste d’athlétisme (ce qui a suscité l’opposition du lobby athlétique) et la nécessité d’y faire jouer un club (ce qui a suscité l’opposition des autres clubs). C’est la raison pour laquelle nous présentons un autre projet: la rénovation du stade Roi Baudouin. Même endroit, même nombre de matches, pas de club, le maintien de l’athlétisme, des concerts… Mais cet investissement-là doit être public, car le privé veut rentabiliser l’investissement au maximum avec des bureaux, un club ou davantage de concerts. »
Mais le stade actuel constitue un frein: manque de confort, manque d’espace pour accueillir les VIP… « Lors des qualifications pour l’EURO, les Russes nous ont téléphoné pour demander s’ils pouvaient louer deux loges », se souvient Leroy. « Or, nous n’en avons pas. Les vestiaires ressemblent à ceux de 3e provinciale. Les Russes ont été très étonnés: Et vous êtes numéros 1 mondiaux? C’est regrettable et très frustrant. Les fans méritent mieux, les joueurs aussi. Ce serait fantastique si cette génération-ci pouvait encore jouer dans le nouveau stade. Un stade qui ressemblerait à celui de la Juve: 40.000 places, pour un coût d’environ 200 ou 250 millions. »
