Après un mercato d’hiver durant lequel Bruges a empilé les attaquants, Alfred Schreuder a utilisé une vieille recette pour faire cohabiter tout le monde. Le but? Créer l’attaque la plus terrifiante du championnat.
Tajon Buchanan, NoaLang, Andreas Skov Olsen… À coups de millions, Bruges s’est créée l’armada offensive la plus puissante (et la plus chère) de Belgique. Se permettant même de renvoyer Bas Dost, jadis meilleur buteur du championnat portugais, sur le banc ou en tribune. Et d’être encombré du transfert le plus onéreux du Club dont on ne sait plus quoi faire. Aujourd’hui Kamal Sowah chauffe le banc de l’AZ Alkmaar et ne semble pas près de retrouver la pelouse du Jan Breydel la saison prochaine. Malgré ce couac, les Brugeois ont délié les cordons de la bourse pour fournir de nouveaux joueurs à leur compartiment offensif. Comment le Club de Bruges s’est-il construit l’attaque la plus dense du royaume ? Tentative d’explication.
Le système : retour vers le passé
Pour parvenir à faire jouer un maximum de son réservoir offensif ensemble sur le terrain, Alfred Schreuder a utilisé un dispositif déjà expérimenté il y a quelques saisons au Jan Breydel Stadion. Fini le 4-3-3, place à un 3-5-2 qu’affectionnait un certain Ivan Leko qui a déjà utilisé ce système lors de son passage en Venise du Nord. Là aussi, l’entraineur croate utilisait ce jeu à trois défenseurs pour pouvoir empiler les offensifs à sa guise. Krepin Diatta et Anthony Limbombé sur les côtes, Hans Vanaken en soutien du duo Wesley–Diaby devant et le tour était joué. Dans l’équipe façonnée par Schreuder, charge pour Skov Olsen et Buchanan de courir sur les côtés, à Adamyan ou Lang de soutenir un Charmes De Ketelaere devant et à Vanaken de s’infiltrer pour faire la différence avec son flair et son jeu de tête. Le pressing intense et les récupérations très hautes minimisent le risque que cette tactique comporte : laisser des espaces dans le dos des latéraux offensifs. Même si le Club a connu un passage à vide avec quelques résultats en dents de scie au mois de janvier suivis d’une élimination en demi-finale de la coupe de Belgique, Bruges semble avoir trouvé son rythme de croisière.
Les joueurs : le regain de forme de Lang et les transferts hivernaux apportent un plus
Le retour au premier plan de Bruges va de pair avec le regain de forme de Noa Lang. L’ailier était moins en vue après la trêve. Symbole de sa baisse de régime, des gestes de mauvaise humeur qui exprimaient la frustration animant le virevoltant ailier néerlandais. Le point d’orgue a été sa sortie à Seraing. L’ailier est rentré directement au vestiaire, sans saluer son entraineur, après une prestation neutre, sans folie, dans une rencontre pourtant largement dominée par les Brugeois. Comme punition, Alfred Schreuder a renvoyé Lang sur le banc face à Ostende et contre Genk. Depuis, le Batave est de retour dans le onze de base et a été titularisé lors des trois derniers matches. Beaucoup plus vif, reprenant ses chevauchées et ses dribbles, le Néerlandais a aussi amélioré sa feuille de statistiques en inscrivant un but face au Beerschot et en donnant une superbe passe décisive à Tajon Buchanan face à l’Antwerp ce dimanche. Le Canadien est d’ailleurs l’un des deux latéraux offensifs dans le 3-5-2 du Club de Bruges.
Un des deux gros transferts de l’hiver, aussi. Tajon Buchanan a ébloui la MLS avec les New England alors qu’Andreas Skov Olsen était à Bologne avant de débarquer en Venise du Nord. Les deux joueurs sont d’ailleurs rapidement devenus incontournables dans le dispositif de Schreuder. La capacité de passe, de frappe ainsi que la vision du jeu du Danois apportent une vraie plus-value dans un noyau brugeois qui pêchait parfois dans le dernier ou l’avant-dernier geste. Sa vitesse, sa facilité à éliminer et son aisance des deux pieds font de lui un poison pour toutes les défenses du pays.
De l’autre côté, Tajon Buchanan a inscrit son premier but sous la vareuse brugeoise face à l’Antwerp, un but qui devrait soulager et libérer l’ailier chez qui on a déjà pu apercevoir des qualités de percussion qui sont un atout dans le jeu automatisé de Schreuder. Ses courses et ses dribbles le rendent imprévisible et son entente avec le reste du compartiment offensif brugeois laisse augurer de belles choses pour la suite.
Les adversaires : peu d’adaptation mais…
Alfred Schreuder n’est pas le roi de l’adaptation. Formé à l’école ajacide, il n’a pas pour habitude de transformer son équipe quel que soit l’adversaire qui se dresse devant lui. Il reste fidèle à ses principes en voulant placer un bloc assez haut sur le terrain, avec un jeu basé sur la possession et l’enchainement de passes. Cependant, on peut se demander si ce dispositif ultra offensif saura tenir la route face à une équipe comme l’Union qui se nourrit de chaque espace laissé par l’adversaire. Des joueurs comme Bart Nieuwkoop ou Kaoru Mitoma qui raffolent de ces trous laissés dans le dos pourraient profiter des montées offensives de Buchanan et Skov Olsen pour déstabiliser l’arrière-garde des Blauw en Zwart. Lors du match de phase classique contre les Bruxellois, l’entraineur néerlandais avait dû modifier son plan à la pause en remplaçant Lang par Eder Balanta pour que l’entrejeu brugeois puisse retrouver un certain équilibre. Avec le temps, Bruges a su faire mûrir ce jeu et a fait des progrès dans tous les secteurs. Sera-ce suffisant pour conserver cette approche pendant l’intégralité des play-offs tout remportant un troisième titre consécutif ? Réponse au plus tard le 22 mai prochain.
Par Alexandre Gérard (st.)