Il n’était qu’un joueur parmi d’autres dans la célèbre Class ’92 et sa carrière a rapidement été entravée par un président bizarre. Portrait de Simon Davies, le disciple de Guardiola qui doit remettre Anderlecht sur la bonne voie.
You can’t win anything with kids. Le verdict d’Alan Hansen après la défaite (3-1) de Manchester United à Aston Villa lors de la première journée du championnat 1995-1996 était sans appel. Au cours des semaines et des mois précédents, Sir Alex Ferguson avait vendu des stars comme Paul Ince, Mark Hughes et Andrei Kanchelskis. Il n’avait rien trouvé de mieux que de les remplacer par les meilleurs joueurs de la fameuse Class of ’92. Le 19 août 1995, au coup d’envoi, on retrouvait ainsi des gamins comme Gary Neville, Phil Neville, Nicky Butt et Paul Scholes. Sur le banc, David Beckham, John O’Kane et Simon Davies. Pour Ferguson, c’était une évidence : son groupe avait besoin d’une cure de rajeunissement. Mais à Trinity Road End, les supporters visiteurs n’y comprenaient rien. Ferguson allait pourtant finir par obtenir gain de cause : en mai, les Red Devils réalisaient le doublé.
Cette saison-là, Davies était titularisé une fois et il entrait au jeu à cinq reprises. Au total, le Gallois allait jouer onze matches en cinq ans avec les Red Devils. En 1997, il quittait Old Trafford mais n’allait plus jouer qu’en D3 anglaise et en D1 galloise. A 32 ans, il mettait un terme à sa carrière professionnelle et rejoignait le staff de Chester City, club de D4 où Roberto Martinez éclatait. Les deux hommes allaient encore se retrouver en 2008 : Davies était manager de Chester City et Martinez de Swansea City, qui venait de monter en Championship. Quelques mois plus tôt, Davies avait évité à Chester City une relégation en D5. Il en était à ses premières semaines comme manager. » En League Two, on pratique toujours le kick&rush mais Davies voulait qu’on joue au sol « , raconte Kevin Ellison, un des joueurs les plus anciens du noyau à l’époque. » On devait écarter le jeu le plus rapidement possible et centrer. Il était arrivé à Chester comme entraîneur des jeunes et il n’avait pas hésité à titulariser quelques gamins. »
Contrairement à la plupart de ses collègues anglais, Davies ne snobait pas les joueurs, c’était un véritable meneur d’hommes auquel le vestiaire n’hésitait pas à se confier. Mais sa mission à Chester City était vouée à l’échec dès le départ. Sous le régime de Stephen Vaughan, un propriétaire excentrique proche du milieu criminel et qui menait le club à la banqueroute, il n’avait pas l’ombre d’une chance. Les choses tournent mal dès le premier match de la saison 2008-2009 : Chester City s’incline 6-0 à Dagenham & Redbridge. » Pourtant, la préparation s’était bien passée « , se souvient Ellison (40) qui, la saison dernière, jouait encore à Morecambe. » Cette défaite lui a fait perdre du crédit. Pourtant, il n’avait pas eu grand-chose à dire lorsque le noyau avait été formé. Le club avait fait des transferts dans son dos, des joueurs qui ne convenaient pas du tout à son système. De plus, la direction faisait pression pour qu’il aligne certains joueurs. Ce n’est pas habituel en Angleterre mais, à l’époque, tout était possible à Chester… Davies n’a jamais vraiment eu sa chance. La direction voulait constamment confier l’équipe à de grands noms. Ce n’est pas par hasard qu’en peu de temps, le club a été entraîné par Ian Rush, Mark Wright et Bobby Williamson. «
En novembre 2008, après quatre victoires, neuf nuls et dix-sept défaites, Davies retournait entraîner les jeunes.
VIEIRA
En 2010, l’ex-joueur de Man U passait à Manchester City qui, depuis deux ans, appartenait à un groupe d’investisseurs d’Abu Dhabi et qui, dans l’optique de relancer son centre de formation, engageait de nombreux anciens joueurs. Davies commence tout en bas de l’échelle et est chargé de la coordination d’un programme d’échange avec Abu Dhabi qui vise à amener les meilleurs joueurs en Angleterre afin qu’ils découvrent les méthodes d’entraînement européennes. Puis tout va très vite : en 2013, il devient l’adjoint de Patrick Vieira, l’entraîneur des U23, à qui il succède lorsque le Français passe à New York City. » Vieira et Davies formaient une bonne équipe « , dit Simon Bajkowski, observateur de City pour le compte du Manchester Evening News. » Davies a poursuivi le travail entamé par le Français. Il évoluait en 4-3-3 avec un médian défensif et deux ailiers postés très haut. Davies aimait prendre des risques et il se passait toujours quelque chose aux matches des U23 de City. Il y avait beaucoup d’erreurs de placement mais il ne s’en souciait pas. Ce qu’il voulait, c’était inscrire un but de plus que l’adversaire. Il était également convaincu que les U16 et les U17 devaient jouer en U23 afin d’affronter des hommes. »
A la mi-2017, Davies devient head of coaching de la Manchester City Academy. Il est alors le numéro 2 dans la hiérarchie et sa mission principale est de définir la ligne des entraînements des U8 aux U23. C’est dans ce rôle qu’il collabore à la définition des contours de la nouvelle politique des jeunes de City, largement basée sur la philosophie de Manuel Pellegrini et de Pep Guardiola. L’approche de City en matière de formation des jeunes se veut différente de celle des autres grands clubs. La philosophie est simple : le joueur est l’élément principal et la victoire est accessoire. L’Angleterre possède les centres de formation les plus riches du monde et la plupart des jeunes joueurs pensent déjà être arrivés. À l’Etihad Campus, le centre de formation des Citizens, on veille à ce que les jeunes apprennent avant tout la modestie. Au point que les responsables d’autres centres de formation commencent à copier le modèle.
Davies croit en une approche qui vise avant tout le développement personnel de chaque adolescent. Entraîneur de l’ Elite Development, il a joué un rôle important dans l’évolution de talents comme Phil Foden ou comme Brahim Diaz, vendu au Real Madrid pour 17 millions d’euros en janvier dernier. » À Anderlecht, il va se retrouver à peu près dans la même situation qu’à City « , dit Bajkowski. » Il lui faudra parfois faire un pas de côté et laisser faire le patron. »
Théoriquement, Davies sera le seul à pouvoir contredire Vincent Kompany. Il veillera avant tout à la dimension humaine de son travail. Lors de sa première interview à Anderlecht TV, il a dit qu’il allait tenter de sonder tous les gens avec qui il allait travailler (joueurs, membres du staff et collaborateurs du club). Ça n’étonne guère Ellison : » Davies est un chic type. Les joueurs n’hésitaient d’ailleurs pas à se confier à lui. J’ai rencontré pas mal de managers tout au long de ma carrière et Davies est l’un des rares que je saluerais si je devais le rencontrer. »