
Anderlecht on tour : retour sur le stage aux Pays-Bas des Mauves et Blancs
À deux semaines du début du championnat, Anderlecht s’est donné un peu de confiance aux Pays-Bas. Vendredi, contre l’Ajax, l’équipe de Vincent Kompany passera un dernier test, dont le succès dépendra des remplaçants de Lukas Nmecha et Albert Sambi Lokonga.
Welkom bij Voetbalvereniging Dirkshorn.
On se trouve dans un no man’s land, quelque part dans un coin du nord des Pays-Bas, entre Alkmaar et Den Helder. D’ici, on est à une douzaine de kilomètres de la mer du Nord en roulant vers l’ouest, et à une vingtaine de kilomètres des îles de la Frise, en roulant vers le nord. Il faut disposer d’un système de navigation fiable pour arriver à bon port.
L’histoire du club de football local, V.V. Dirkshorn, a rarement défrayé la chronique. Il évolue au sein du septième et avant-dernier niveau du football néerlandais, et au cours de ses nonante ans d’existence, il n’a jamais accueilli le moindre club d’Eredivisie dans le cadre de la Coupe des Pays-Bas. Les gens du coin ne peuvent assister à du football de haut niveau que lorsque l’AZ vient disputer l’un ou l’autre match amical au centre d’entraînement AFAS, qui porte – et ce n’est pas un hasard – le nom du sponsor principal du club d’Alkmaar. La réputation du jardinier du V.V. Dirkshorn a cependant largement dépassé le cadre de la région. Pendant l’été, l’AZ vient régulièrement se produire à Dirkshorn. La collaboration a commencé en 2003. « Et depuis, l’AZ revient chaque année, car ils trouvent ici des terrains de qualité », explique Jan Wilthagen, qui travaille depuis trente ans pour le V.V. Dirkshorn. « J’ai même reçu des compliments du manager d’Anderlecht. Il m’a dit que la pelouse était de meilleure qualité que celle de certains clubs de D1A en Belgique. Le club ukrainien d’Oleksandriya est déjà venu jouer deux fois, ici. Nous avons aussi accueilli Dundee United, Midtjylland et l’Eendracht Alost. Fin juillet, c’est l’OFI Crète qui sera de passage. Le plus grand club qui se soit produit ici? Selon moi, c’est Anderlecht… »
Anderlecht est plus avancé actuellement que l’an passé au même moment.
La semaine dernière, il fallait donc être aux Pays-Bas pour jeter un oeil sur les nouveaux joueurs du RSCA. Samedi midi, sur le terrain des Alkmaarsche Boys, un match contre le FC Utrecht figurait au programme, et quelques heures plus tard, un autre match contre l’AZ. Anderlecht était en tournée, mais à l’exception de trois membres vaillants de la Mauves Army, le Royal Sporting Club Anderlecht n’était pas suivi par une horde de fans. Vu les circonstances, le Sporting n’a joué qu’un seul match sur le sol belge – et à huis clos, qui plus est – et le match de gala de vendredi contre l’Ajax sera la première occasion offerte aux supporters de voir leur équipe à l’oeuvre. Pendant la semaine, ils ont pu satisfaire leur curiosité sur les réseaux sociaux, en suivant des épisodes de Summercamp, intitulés Fun At Work, OverLoad et The Chill Room.
« FIND THE TRIGGER »
Officiellement, le match entre l’AZ et Anderlecht n’était pas accessible au public, mais le nombre d’invités est vite grimpé à 200. Parmi eux, Maarten Martens, le nouvel entraîneur de l’équipe Espoirs de l’AZ. Ou Emma Heesters, une chanteuse et animatrice de télévision aux Pays-Bas, qui se trouve être la petite amie de Wesley Hoedt, le nouveau défenseur central des Mauves. Ce dernier joue quasiment à domicile: il a grandi à treize kilomètres d’ici, à Heerhugowaard, et dispute ses premières minutes avec le club bruxellois. Alors que le trio de dirigeants Jos Donvil– Wouter Vandenhaute– Peter Verbeke s’adresse déjà depuis un petit temps aux joueurs en compagnie du staff, Vincent Kompany pénètre sur la pelouse quelques secondes avant le coup d’envoi avec Floribert Ngalula dans son sillage. S’ensuivent quelques expressions anglaises. « Find the trigger. » « Push! « »Love that, Josh. » Son coaching positif laisse parfois la place à quelques remarques qui le sont moins. Et il manque de s’emporter lorsque sa défense se laisse surprendre une énième fois dans le dos par un long ballon.
L’AZ est le premier grand test pour Anderlecht et le boss a aligné une équipe qui ne devrait pas être très éloignée de celle qui entamera le championnat contre l’Union Saint-Gilloise. L’homme le plus dangereux, durant la première heure de match est Francis Amuzu, qui donne plusieurs fois le tournis aux défenseurs de l’équipe qui a terminé à la troisième place de l’Eredivisie, la saison dernière. Mais il manque clairement un attaquant de pointe aux Mauves. Verbeke a déjà mis ses spécialistes des datas à contribution depuis un petit temps, mais la recherche du nouveau Lukas Nmecha, un attaquant qui combine puissance, mobilité et sens du but, échoue constamment sur le prix d’achat demandé. Si l’on veut qu’il soit opérationnel pour le troisième tour préliminaire de la Conference League, qui sera joué le 5 août, il ne faut plus trop tarder.
Pourtant, Anderlecht est plus avancé actuellement que l’an passé au même moment. Le team Kompany a été renforcé par Aaron Danks et Craig Bellamy, et la hiérarchie dans le staff d’entraîneurs est désormais claire. Il y a un an, le vestiaire était une arène dans laquelle Kompany et Francky Vercauteren prononçaient des discours parfois contradictoires. Pour la première fois depuis son arrivée au Lotto Park durant l’été 2019, Kompany est le seul maître à bord. Et ça lui permet de prendre parfois des décisions radicales. L’ancien Diable rouge se base sur deux systèmes de jeu qui lui laissent une certaine flexibilité. Sur base de ceux-ci, il a choisi quelques joueurs qui lui semblent taillés pour chaque poste. C’est ainsi qu’ Antoine Colassin a été déchargé de son rôle d’attaquant pour reprendre un poste de numéro 8, tandis que le nouveau venu Sergio Gómez devrait surtout être utilisé comme arrière gauche.
Le management a conscience d’avoir atteint les play-offs 1 avec un peu de chance, la saison dernière, et ne veut cette fois-ci rien laisser au hasard. La confiance des décideurs est grande, et contrairement à ce qu’il se passait à l’époque de Roger Vanden Stock et Herman Van Holsbeeck, ils ne céderont pas facilement à la panique.
Qui seront les prochains Doku et Sambi Lokonga?
Pendant l’inter-saison, Anderlecht a vu partir Noah Saviolo (17 ans) à Lille et la direction devra mettre les bouchées doubles si elle veut conserver un autre grand talent, Rayane Bounida, convoité par de grosses pointures européennes. Mais pour chaque joueur qui part, on en trouve dix qui trépignent d’impatience à l’idée de faire leurs classes à Anderlecht et de se faire les dents en Jupiler Pro League. C’est dans cette optique que Kompany a emmené huit jeunes en stage. Des jeunes dont on espère qu’ils suivront les traces de Jérémy Doku et Albert Sambi Lokonga. Qui sont-ils?
Enock Agyei
Âge: 16 ans
Position: ailier
La Belgique entière était à ses pieds, mais à dix ans, le petit phénomène de Verviers a choisi de rejoindre Anderlecht en compagnie de son frère jumeau, Ebenezer. Enock est un ailier comme on n’en fait plus, qui opère de préférence depuis la droite et qui se défait de ses adversaires grâce à sa technique, sa puissance et sa vitesse. Chez les jeunes, il a toujours été au-dessus du lot, même si ça ne se reflétait pas nécessairement dans ses statistiques en termes de buts et d’assists. Il y a deux ans, le déclic s’est produit, et la saison dernière, il s’est illustré avec les U21 de Craig Bellamy. Avec ses jambes de sprinteur, il est morphologiquement déjà prêt pour le noyau A.
Alonzo Engwanda
Âge: 18 ans
Position: milieu défensif
Engwanda joue pour Anderlecht depuis les U6 et a signé, en 2019, son premier contrat pro chez les Bruxellois. Dans le passé, il a été testé comme arrière droit ou arrière gauche, mais sa meilleure position est celle de numéro 6. Son pourcentage de ballons récupérés est très élevé et contrairement à beaucoup d’autres jeunes du même âge, il recherche toujours la solution la plus simple. Il doit encore se montrer plus régulier dans son jeu, afin de ne plus connaître autant de hauts et de bas.
Nils De Wilde
Âge: 18 ans
position: milieu offensif
Le hasard a voulu que De Wilde et Engwanda aient la même date de naissance et aient été appelés en même temps dans le noyau A par Kompany. Mais la comparaison s’arrête là. Le Flandrien n’a pas la même explosivité dans les premiers mètres. Son style rappelle plutôt celui de Hans Vanaken: il s’infiltre depuis la deuxième ligne et se trouve souvent à la bonne place. Il combine ses bonnes lignes de courses avec un bon tir à distance, ce qui lui permet de marquer de temps en temps d’au-delà des seize mètres.
Theo Leoni
Âge: 21 ans
position: milieu défensif
Avec ses 21 ans, il est le joueur le plus âgé à intégrer le noyau A. Leoni est à l’origine un meneur de jeu, mais il a reculé d’un rang parce que ses statistiques laissaient à désirer. Un peu plus bas sur l’échiquier, les qualités de ce milieu de terrain gaucher peuvent mieux s’exprimer: il joue de façon disciplinée et réussit toujours à trouver l’espace. Avec le temps, il a aussi appris à défendre, ce qui n’était pas sa tasse de thé au départ. Leoni est arrivé à un âge où il doit absolument s’imposer à Anderlecht, sous peine de devoir tenter sa chance ailleurs.
Chris Lokesa
Âge: 16 ans
position: milieu offensif
Lokesa a grandi tardivement, et a la même morphologie que Sambi Lokonga lorsqu’il avait son âge. On attendait beaucoup de lui la saison dernière lorsqu’on a été le chercher chez les U16 de Genk, mais en U18, il a eu du mal à faire son trou. Sa carrière à Neerpede a pris un coup d’accélérateur lorsque Kompany l’a remarqué durant un entraînement avec les U21 et lui a offert une place dans le noyau A cet été. Lokesa se sent à l’aise comme numéro 8 ou comme numéro 10, mais il devra surtout se développer physiquement.
Nayel Mehssatou
Âge: 18 ans
position: arrière latéral
De tous les jeunes présents, c’est Mehssatou qui a laissé la meilleure impression depuis le début de la préparation. Rien ne laissait présager que cet ancien milieu de terrain pourrait faire son trou comme défenseur. On lui reprochait en effet de ne pas aller au duel et de rechigner à accomplir ses tâches défensives. Mais il s’est complètement métamorphosé lors d’un stage de trois semaines avec l’équipe nationale du Chili, le pays de sa mère, et lors de son retour à Anderlecht, certains se sont demandés si ce n’était pas un sosie qu’ils avaient sous les yeux. Mehssatou taclait tout ce qui se présentait devant lui à l’entraînement, on a même dû freiner ses ardeurs. Avec son jeu agressif et ses qualités offensives, Kompany voit en lui l’archétype de l’arrière latéral moderne.
Lucas Stassin
Âge: 16 ans
position: attaquant
Chez les jeunes d’Anderlecht, on ne trouve aucun autre joueur qui ait autant le sens du but que Stassin. Ses jambes ressemblent à des cure-dents et il n’est pas aussi fin dribbleur que ses compagnons du même âge, mais il compense ces petites lacunes par une intelligence de jeu au-dessus de la moyenne. La plupart du temps, il joue en un ou deux temps, et n’a pas son pareil pour déjouer le piège du hors-jeu. Selon toute vraisemblance, il devrait retourner avec les Espoirs lorsque le championnat commencera, mais Kompany sait qu’il pourra faire appel à lui en cas de besoin, car il n’a pas ce genre de profil dans son noyau.
Mario Stroeykens
Âge: 16 ans
position: ailier
Il est déjà monté trois fois au jeu en janvier: contre Eupen, Charleroi et Waasland-Beveren. Après, on ne l’a plus revu sur le terrain, mais il aura sans doute plus de temps de jeu cette saison-ci. À seize ans, il est le type de joueur dont tout entraîneur rêve, car il peut jouer à toutes les positions du compartiment offensif. Ses principales qualités? Il est très fort dans les petits espaces et il peut mettre n’importe quel défenseur dans le vent. S’il peut élever son niveau de jeu et se montrer plus efficace en zone de vérité, il pourrait devenir un sérieux concurrent pour Francis Amuzu.
Pendant ce temps, à Neerpede…
Kompany a emmené 38 joueurs en stage, mais dans le noyau, on ne retrouvait aucune trace d’ Ognjen Vranjes, Adrien Trebel, Bubacarr Sanneh, Kenny Saief, Zakaria Bakkali et Aristote Nkaka. Alors que leurs équipiers se préparaient dans le nord des Pays-Bas, les six indésirables devaient se présenter à Neerpede afin de rejoindre le noyau B. La saison dernière, les joueurs qui faisaient partie du noyau B devaient travailler sous la direction d’un préparateur physique, mais cette fois, on a décidé de leur adjoindre également un coach qui leur dispense des exercices avec ballon. C’est une manière de préparer les joueurs sur le plan physique, mais également technique, pour leur futur employeur. « Le premier jour, c’était compliqué de motiver ces garçons », révèle un habitué des lieux. « Mais entre-temps, ils ont compris le message et ils travaillent d’arrache-pied afin d’être prêts pour le début de la nouvelle saison. Ils sont reconnaissants pour le travail accompli par les deux entraîneurs. Pour Trebel, la relégation dans le noyau B est un coup dur. Mais il n’a pas fait de scandale et il a adopté la bonne mentalité. Il est même celui qui motive les autres. »
Anderlecht et Kompany, qui s’informe régulièrement de la situation de ceux qui sont restés en Belgique, ont mis un point d’honneur à n’abandonner personne à son sort. La salle de fitness reste à la disposition des joueurs du noyau B et Kompany leur a également proposé un kiné.
Qu’adviendra-t-il d’eux? On l’ignore encore actuellement. L’une des possibilités est de les laisser s’entraîner avec les Espoirs. Dans le scénario idéal, ce petit groupe serait désintégré dans le courant du mois d’août, ce qui signifierait que chacun aurait trouvé un nouvel employeur.
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