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Romelu Lukaku dans la tribune d’honneur d’Anderlecht, une image bientôt concrète? © BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR

Anderlecht: 6 ans après la révolution Kompany, Marc Coucke attend Romelu pour la révolution «Lukacoucke»

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Marc Coucke a repris le pouvoir à Anderlecht, et ses premières décisions ressemblent à une répétition de choix du passé. Jusqu’à confier les clés du camion à un autre ancien emblème de la maison?

Une campagne d’Europa League sans victoire dans un groupe d’anonymes, une élimination d’entrée de jeu en Coupe de Belgique face à des voisins de l’Union encore bien englués en D2, et des play-offs conclus avec une seule victoire, six petites unités au compteur et une défaite par forfait sur la pelouse du Standard. Au bout de la saison 2018-2019, son premier exercice entier à la tête de son nouveau jouet anderlechtois, Marc Coucke ne sait plus trop où donner de la tête.

Souvent, dans ces cas-là, les clubs historiques se tournent obstinément vers leur passé. L’homme d’affaires flamand a beau aimer dire qu’il n’est pas comme les autres, son comportement n’a rien d’une exception. Il a d’abord rapatrié Pär Zetterberg dans un rôle tellement flou que personne à Neerpede ne sait vraiment à quoi sert le Suédois. C’est ensuite Michael Verschueren, fils du légendaire «Mister Michel», qui est venu à la rescousse du club de son cœur, flanqué d’un Frank Arnesen revenu avec l’étiquette d’ancien de la maison et le CV de recruteur mondialement reconnu, mais armé de l’envie de garnir son compte en banque plutôt que l’histoire de son ancien club.

Puisque tout ce beau monde semble concocter une mixture sportive indigeste, Marc Coucke plonge alors une fois de plus dans les livres d’histoire mauve, mais se concentre sur les derniers chapitres: Vincent Kompany, tout juste auteur d’un magnifique but du titre à Manchester City, reçoit les clés du Lotto Park pour ramener Anderlecht au sommet. L’annonce tombe le jour du dernier match de play-offs contre Gand, et éclipse ce but de Jonathan David qui condamne les Bruxellois à leur 19e défaite de la saison.

C’est comme si le club jouait la montre en attendant que Lukaku vienne lui donner l’heure.

Neerpede et Kindermans pour séduire Lukaku

Six années ont passé, sans ramener la moindre nouveauté dans une salle des trophées qui ne se remplit plus que de poussière. Revenu au pouvoir après avoir écarté le président Wouter Vandenhaute, Marc Coucke prépare une nouvelle révolution. A terme, l’actionnaire majoritaire du RSCA rêve d’une autre figure culte du passé récent des Mauves: celle de Romelu Lukaku, préoccupé par la situation de son club de cœur où il passe de plus en plus de temps depuis que son fils Romeo en porte les couleurs. «Quand je suis à Neerpede, c’est pour voir les entraînements de mes enfants», confie d’ailleurs le buteur belge à la RTBF, qui s’affirme aussi «content que Besnik soit encore l’entraîneur de l’équipe première, que Silvio Proto soit revenu au club et que Biglia soit aussi de retour. Ce sont de belles choses.»

Quelques mots pour dire qu’aux yeux de Romelu Lukaku aussi, le salut d’Anderlecht passe par un réseau d’anciens de la maison. L’a-t-il raconté à Marc Coucke lors de leurs rencontres dans le calme de Knokke, ou de leurs entretiens de plus en plus nombreux au sujet de l’avenir du club bruxellois? Il se dit en tout cas que depuis ses dialogues avec l’attaquant de Naples, le propriétaire du Sporting a fait du retour de Jean Kindermans sa priorité. Parti à l’Antwerp à la suite de divergences d’opinion financières et sportives avec Wouter Vandenhaute et son homme de confiance, Peter Verbeke, l’ancien directeur du centre de formation préparerait déjà son retour «à la maison». Une nouvelle saluée par les fans, tant les joyaux venus de Neerpede sont la bouffée d’oxygène des supporters endurcis. Considéré –souvent excessivement– comme responsable des éclosions de Lukaku, Youri Tielemans ou encore Jérémy Doku, Kindermans est un morceau symbolique majeur de ce fameux ADN. Tant pis si son retour coûtera sans doute cher: Marc Coucke n’est plus à quelques millions près pour se racheter aux yeux du public mauve.

En attendant Kindermans, Neerpede s’est déjà renforcé en actant le retour à Bruxelles –un de plus– d’un de ses disciples favoris: parti à l’Ajax Amsterdam en 2020, Afrim Salievski enfile le costume de «Talent Director» et pourra remettre en vigueur les préceptes de Jean Kindermans au cœur du centre de formation des Mauves. L’occasion de démontrer, comme le font les mots de Tim Borguet, le Chief Sports Officer, dans le communiqué envoyé par le club bruxellois, que «Neerpede est plus que jamais au cœur de la stratégie sportive du club». Sans doute parce que l’école des jeunes est l’appât idéal pour que Romelu Lukaku morde à l’hameçon et lance son après-carrière dans la capitale, comme Vincent Kompany l’avait fait quelques années avant lui.

Des anciens qui divisent

Anderlecht est donc entré dans une nouvelle période de transition, comme si le club jouait la montre en attendant que Romelu Lukaku vienne lui donner l’heure. Il faut toutefois changer les choses d’ici là, parce que le contrat du meilleur buteur de l’histoire des Diables Rouges à Naples court jusqu’en juin 2027 et que Marc Coucke ne peut pas se permettre de passer plus d’un an seul face aux critiques. La nouvelle structure est donc installée au sortir d’un conseil d’administration fixé à la mi-temps du mois d’octobre, et elle a évidemment un air de déjà-vu.

C’est une histoire de retours, encore, qui sert de fil rouge à l’avenir mauve. Toujours resté proche de Michael Verschueren, avec qui il avait notamment partagé la tribune d’honneur du Parc des Princes en avril dernier à l’occasion d’un quart de finale de Ligue des Champions entre le PSG et Aston Villa, Marc Coucke a confié au fils de Michel le rôle de président. Avec sa cote de popularité intacte auprès d’une grande partie du public du Lotto Park malgré des choix rarement judicieux quand il était à la gestion sportive du club (les fans se souviennent du transfert annoncé en fanfare d’un Peter Zulj jamais au niveau du championnat belge), Verschueren est un choix idéal pour assurer la représentation de l’image mauve. Il pourrait aussi profiter de son influence au sein de l’ECA (European Club Association) pour amener vers Bruxelles des joueurs excédentaires dans de grands clubs ou, plus probablement, des investisseurs intéressés par un projet bientôt rehaussé par la présence de Romelu Lukaku. Dans ce rôle plus représentatif qu’exécutif, Marc Coucke espère qu’il fera plus de bien que de dégâts.

L’autre retour, c’est celui de Kenneth Bornauw, CEO parti quelques mois plus tôt dans le sillage de ses différends avec le président Wouter Vandenhaute. Le club avait même organisé son pot de départ, trois semaines avant son retour aux affaires à l’initiative de Marc Coucke. Le come-back du père de Sebastiaan, ancien défenseur du RSCA et donc forcément porteur d’une forme d’ADN local, ne fait pas que des heureux dans les bureaux de Neerpede, où certains ne manquaient pas de souligner son manque de connaissance des réalités du football. En mission de prospection en Afrique au moment du conseil d’administration en compagnie d’Olivier Renard, Tim Borguet aura-t-il apprécié cette annonce qu’il pourrait vivre comme une rétrogradation, lui qui est passé du statut de CEO global à celui de «Chief Sports Officer»? Un titre ronflant, mais un passage sous la coupe de Bornauw, nommé patron d’un comité de direction de quatre membres dont fait partie Borguet au même titre que Renard. En ajoutant la figure de Verschueren, toute protocolaire qu’elle soit, le prometteur Borguet semble être passé de décideur numéro un à numéro trois dans la hiérarchie bruxelloise.

Tant pis si le retour de Kindermans coûtera sans doute cher.

Le duo Renard-Borguet, transition vers Lukaku?

Principal responsable du maintien de Besnik Hasi à la tête de l’équipe première, Olivier Renard est-il sur la sellette comme «son» entraîneur? Le choix de l’Union Saint-Gilloise pour David Hubert, qu’il avait décidé d’écarter de sa mission de coach des Mauves, n’a pas dû lui donner le sourire, vu la réussite systématique des choix posés par les Unionistes depuis leur retour en première division. Fragilisé, Renard a sauvé un mercato dramatique sur le plan sportif par la réussite financière de la vente de Jan-Carlo Simić, grâce à son fameux «réseau», cette liste de contacts qui fait sa marque de fabrique à l’heure où les datas font la loi.

Sans savoir si leur duo pourra continuer à travailler dans la durée, Borguet et Renard affûtent malgré tout leur complémentarité. Le premier veut renforcer l’ancrage «data» du club bruxellois pour fournir une source de recrues potentielles plus fiables au second, toujours en charge de la politique sportive de l’équipe première. Dénicher les talents à la source pour les intégrer aux équipes de jeunes de Neerpede, voire directement les lancer sur la pelouse du Lotto Park, est la voie choisie par Anderlecht pour tenter de combler le retard engrangé sur l’Union et Bruges. Ou, du moins, éviter qu’il ne s’accroisse encore. Parce que d’ici un an et demi, Marc Coucke espère compter sur Romelu Lukaku pour combler le fossé qui s’est creusé entre le club le plus titré du pays et les deux locomotives actuelles du football belge. Peut-être sera-ce déjà l’heure pour ceux-là de passer la main. Après tout, Marc Coucke n’est plus à un changement d’organigramme près. 

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