Ringardisé par l’évolution récente du football, l’entraîneur belge est à nouveau prisé par les clubs de l’élite nationale. Un drôle de phénomène après des années dominées par les coachs étrangers.
Econduit par un Ivan Leko qui a préféré s’éloigner un peu plus de son domicile pour prendre les rênes de La Gantoise, recalé par Rik De Mil et son projet encore naissant à Charleroi, l’Antwerp a finalement choisi: c’est Stef Wils, l’un des assistants de son staff lors de la saison écoulée, qui prendra en main le Great Old pour la saison 2025-2026.
Les bancs de l’élite du football belge sont donc désormais complets, et ont une couleur particulièrement locale: onze des seize coachs de la future saison de football sont des Belges. Un chiffre aux allures de petite révolution, quand on sait qu’il y a un an seulement, ils n’étaient que sept parmi les seize clubs de première division à démarrer l’exercice avec un «national» à la tête de leur destinée sportive.
Si les noyaux sont très vite devenus internationaux, il avait fallu plus de temps pour suivre cette tendance à l’ouverture des frontières chez les entraîneurs. Quand elle a eu lieu, on a alors évoqué bien des raisons, de la mauvaise image de l’entraîneur belge trop passéiste à l’internationalisation majeure des dirigeants. Forcément, dans un football national qui vendait ses parts à de nouveaux patrons venus de différents recoins de la planète, les entraîneurs parlaient plus souvent la langue de leur propriétaire que celle du pays. Le Cercle, sous pavillon monégasque, voyait alors plusieurs entraîneurs français se succéder (Laurent Guyot ou Fabien Mercadal), tandis qu’un club comme Eupen oscillait entre T1 espagnol ou allemand en fonction de la langue véhiculaire des hommes influents dans le board des Cantons de l’Est.
Douze exclus, onze nouveaux venus
Cette fois, ils seront donc onze. Ce sera l’heure des grands débuts au sein de l’élite pour Stef Wils (Antwerp), Issame Charaï (Westerlo), Sven Vandenbroeck (Zulte Waregem) et Frédéric Taquin (RAAL La Louvière). Derrière Wouter Vrancken et le routinier Fred Vanderbiest, toutefois plus souvent adjoint qu’entraîneur principal, rares sont ceux qui ont plus de trois saisons de coaching au plus haut niveau belge dans le rétroviseur parmi les onze heureux élus. Le signe d’un changement de mentalité chez les dirigeants, mais aussi de génération chez les entraîneurs à la mode.
Des douze Belges installés sur les bancs de la saison 2018-2019, celle qui avait été marquée par le retour aux affaires de Michel Preud’homme, il n’y en aura plus aucun au coup d’envoi du mois de juillet prochain. Sept années ont passé et, pour paraphraser Kylian Mbappé, «le football il a changé». Seul Philippe Clement, installé sur le banc des Rangers en Ecosse, a toujours la cote parmi ceux qui avaient débuté cette dernière saison «normale» d’avant-crise sanitaire. Les Preud’homme, Vanhaezebrouck ou Dury ne sont plus aux commandes, la génération de Glen De Boeck, Yves Vanderhaeghe et Peter Maes semble avoir grillé ses dernières cartouches auprès des dirigeants belges, et Felice Mazzù pourrait les rejoindre au cruel rayon des «démodés» après une dernière expérience délicate à Saint-Trond. Parce que le football s’est complexifié, qu’il a été hacké par ceux que Mazzù appelle «les gens d’ordinateur» et qu’ils sont donc de plus en plus rares à décider de faire confiance à de vieux grognards aux méthodes à l’ancienne.
Effet de mode et athéisme tactique
Dans un premier temps, ce sont les étrangers qui en ont profité. «Dommage qu’on ne soit pas allemand», confiaient en privé de jeunes coachs belges quand la hype nationale était à l’entraîneur venu de l’est, comme Alexander Blessin à Ostende ou Hannes Wolf à Genk. Désormais, c’est le Belge qui a la cote. Peut-être parce que les deux derniers titres de champion de Belgique ont été glanés par Nicky Hayen et Sébastien Pocognoli, jeunes mentors nationaux sans véritable référence avant d’être propulsé sur le banc qui les a fait gagner.
Marc Overmars, dirigeant contesté de l’Antwerp, ne dit d’ailleurs pas le contraire au moment de justifier le choix de Stef Wils pour la saison prochaine: «Il appartient à une nouvelle génération d’entraîneurs talentueux et a appris les rudiments du métier chez les jeunes et les espoirs de l’Antwerp. C’est une chose qu’on voit aussi de plus en plus souvent dans d’autres clubs, avant de franchir le pas vers la fonction de T1.»
Tant pis si on a souvent dit des entraîneurs belges qu’ils manquaient d’un style de jeu affirmé, contrairement à ces Néerlandais fans de possession ou ces Allemands vitaminés au pressing. La dernière saison européenne n’a-t-elle pas montré que ceux qui gagnaient étaient bien souvent ceux qui étaient capables de changer de plan afin de s’adapter aux forces comme aux faiblesses de l’adversaire? Ceux-là n’ont généralement pas de religion tactique trop affirmée, recherchant le résultat en adaptant la manière plutôt que de partir du postulat inverse.
A ce petit jeu du football athée, les Belges font incontestablement partie des plus braves.