
Resto, tactique et immersion: tout sur Luka Elsner
Il séduit les dirigeants, mange avec les supporters, parle six langues et aime les équipes qui allient liberté et sacrifices. Voici Luka Elsner, le nouveau coach du Standard.
Quand il voit s’afficher sur son téléphone le nom de Luka Elsner, ce mercredi soir, Matthias Leterme ne s’attend certainement pas à ça. Tout juste un an plus tôt, le manager général de Courtrai avait fait, un peu par hasard, la rencontre du Franco-Slovène. « Tactiquement, dans sa façon de travailler, tu vois que c’est quelqu’un d’intelligent. Le genre de nom que tu retiens et que tu notes quelque part », racontait Leterme quelques semaines plus tard. À Courtrai, Elsner est alors passé du bloc-notes au banc de touche.
L’homme fort du KVK tombe donc des nues en écoutant son coach lui annoncer son départ, un peu plus de huit mois après s’être attelé à la tâche gargantuesque du redressement des Kerels. « Je veux rester quelques années ici », expliquait encore Elsner en début de saison, après son 6/6 initial qui propulsait momentanément ses troupes en tête du championnat. Les actes se joignaient même aux paroles, entre un emménagement familial à proximité du stade des Éperons d’or, des cours intensifs de néerlandais ou un restaurant offert à une poignée de supporters venus aider à repeindre les murs des vestiaires. Huit matches et neuf nouveaux points plus tard, l’ancien entraîneur de l’Union et d’Amiens quitte pourtant la Flandre occidentale pour traverser le pays en diagonale.
Luka Elsner était la piste favorite de Mehdi Bayat pour remplacer Felice Mazzù.
Au sein des bastions du football wallon, Luka Elsner a indéniablement la cote. Sa saison réussie à la tête de l’Union avait tapé dans l’oeil de Mehdi Bayat, alors en quête d’un successeur pour Felice Mazzù. À l’époque, l’administrateur-délégué des Zèbres n’en avait que pour celui qu’il appelait déjà « Luka » dans les couloirs du Pays Noir. Finalement dribblé par Amiens, petit poucet de la Ligue 1, l’homme fort des Carolos se rabat sur Karim Belhocine. Plus tard, quand il faut remplacer Philippe Montanier au coeur d’un hiver rouche agité, son nom est encore évoqué, mais c’est Mbaye Leye qui s’installe sur le banc de Sclessin. À défaut de succéder à Monty, Elsner prendra donc la suite du Sénégalais pour tenter de réveiller le volcan principautaire.
L’appel d’un club chargé d’histoire n’aura pas laissé le Franco-Slovène indifférent. Tombé amoureux de l’atmosphère particulière du Parc Duden lors de son passage à l’Union, puis de ces tribunes à l’anglaise qui font la singularité du stade des Éperons d’or, Luka Elsner débarque dans une entité soutenue par un public incandescent. « Chaque club a son âme, et il faut y être attentif », expliquait en début de saison celui qui avait profité de son restaurant partagé avec les fans courtraisiens pour les sonder: « Je voulais connaître leur ressenti, savoir ce que les gens au stade attendent. »
LE CHEF D’OEUVRE DU LOTTO PARK
Questions attentes, Sclessin aura vibré au rythme des noms dégainés ces dernières heures. Outre Elsner, les dirigeants rouches ont notamment pris langue avec Alexander Blessin et un autre coach passé par la Ligue 1, avant de confier leur destinée à celui qui affichait un bilan plutôt satisfaisant de quinze points sur trente après dix journées. Son plus beau coup d’éclat à la tête des Kerels, c’est sans doute ce succès 0-2 au Lotto Park, avec 35% de possession mais sans concéder le moindre tir cadré et en neutralisant complètement Albert Sambi Lokonga, clé de voûte du jeu mauve.
« J’accorde beaucoup d’attention à la structure défensive de l’équipe. Je pense que pour mériter une liberté et une prise de risque offensive, il y a une grosse partie de sacrifices que chacun doit faire, pour que le bloc défensif se tienne bien et équilibre la chose », explique le coach quand on l’interroge sur sa vision du football. Si son Courtrai affiche la possession de balle moyenne la plus basse de l’élite après dix journées (42,1%), et traîne plutôt en bas de tableau en matière de tirs tentés (9,62 par match), de passes effectuées (299,5) ou de ballons joués dans la surface adverse (12,46 par rencontre), les coups de génie de Faïz Selemani et la compacité d’une équipe qui oscillait entre 4-4-2 et 4-3-3 ont permis aux Kerels de poser les bases d’une année tranquille.
Courtrai affiche la deuxième meilleure défense de l’élite après dix journées, avec douze buts encaissés.
« On n’a jamais vu une équipe gagner quoi que ce soit si elle était complètement déséquilibrée quand elle perdait le ballon », raconte encore Elsner, dont le bloc flandrien trône en tête du classement national des interceptions (51,87 par match), caractéristique d’un bloc défensif compact.
Probablement en quête d’un coach capable de redonner un sens à leur organisation défensive, complètement volée en éclats depuis plusieurs mois au point de faire du Standard l’une des arrière-gardes les plus friables du championnat (18,62 expected goals concédés, quinzième de JPL en la matière), les dirigeants liégeois ont donc frappé à la porte du coach de la deuxième meilleure défense de l’élite. Un homme qui déclarait en début de saison que mettre réellement sa patte sur une équipe, « ça prend deux ans ». Rester autant de temps sur le banc de Sclessin ressemblerait déjà à une sacrée victoire.
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