Remco Evenepoel l’a appris à ses dépens: on ne rivalise pas avec Tadej Pogacar sur la Doyenne avec trois jours de course dans les jambes. © BELGA PHOTO MAARTEN STRAETEMANS

Remco Evenepoel largué à Liège: la preuve qu’il fallait se méfier des apparences de l’Amstel

La préparation à Liège-Bastogne-Liège a été courte pour Remco Evenepoel. Pourtant, les attentes avaient été gonflées jusqu’à un duel direct avec Tadej Pogacar. En réalité, Evenepoel s’est avéré trop fragile pour résister. Et c’est logique.

Le 12 janvier 2025, la R.EV Brussels Cycling Academy de Remco Evenepoel présente son équipe junior à l’Atomium de Bruxelles. Evenepoel lui-même était absent: un mois après son accident à l’entraînement, le 13 décembre, lors d’une collision avec une voiture postale, il ne voulait pas manquer sa première séance avec le physiothérapeute Thijs Hertens.

Les signes de rétablissement n’ont pas tardé à se manifester. Le 1er février, Evenepoel a effectué sa première sortie en extérieur, d’une distance de 65 kilomètres. Le 8 février, il a franchi la barre des 100 kilomètres et le 26 février, il a même effectué un entraînement de 200 kilomètres lors de la reconnaissance de l’Omloop Het Nieuwsblad par son équipe.

En mars, Evenepoel se rend en Espagne. Pendant deux semaines, il est resté silencieux sur Strava. Il a expliqué plus tard qu’il avait dû interrompre temporairement ses séances d’entraînement intensives. Le 4 avril, il a publié sa première sortie lors d’un court entraînement en altitude à la Sierra Nevada: 120 kilomètres avec 3.000 mètres de dénivelé. Quatre jours plus tard, il parcourt 185 kilomètres, et même 216 kilomètres avec 4.762 mètres de dénivelé le 11 avril. Pour la première fois, il peut à nouveau fournir des efforts intenses.

De retour à la maison, Evenepoel a effectué deux autres séances d’entraînement avec son père Patrick en vue de ses débuts en compétition sur la Flèche Brabançonne. Auparavant, l’équipe et le coureur ont tempéré les attentes. «J’ai fait de grands progrès, mais je n’ai pas encore atteint mon meilleur niveau», a-t-il déclaré. «J’espère que d’ici Liège-Bastogne-Liège, je serai à cent pour cent, ou presque».

Le trompe-l’œil de Remco

Contre toute attente, Evenepoel a remporté la Flèche Brabançonne. Deux jours plus tard, il a réussi, avec Mattias Skjelmose, à rejoindre Tadej Pogacar dans la finale de l’Amstel Gold Race. Le champion olympique a même déclaré que sans une chute survenue plus tôt dans la course, et l’énergie qu’elle lui a coûté pour revenir dans le peloton, il aurait pu gagner. Il s’est finalement contenté de la troisième place.

Sur la Flèche Wallonne, Evenepoel a déclaré qu’il se sentait encore mieux, mais il a commis une erreur de jugement en enlevant trop tôt sa veste de pluie, ce qui lui a joué des tours dans la montée finale. Frigorifié, il a terminé neuvième en haut du Mur de Huy.

Pourtant, Liège-Bastogne-Liège était encore annoncé comme le «grand duel» entre Evenepoel et Pogacar. Le coureur du Soudal Quick-Step s’est également montré ambitieux: «Gagner en battant Tadej dans un duel direct serait une nouvelle chose que je pourrais cocher sur la liste».

Cependant, tout le monde n’a pas tenu compte de sa préparation limitée. La courte période d’entraînement a aiguisé sa condition physique, mais il n’a pas encore atteint ses meilleures jambes de grimpeur et son poids idéal, ce qui est logique compte tenu des conditions.

Sur la Flèche Brabançonne et l’Amstel Gold Race, avec leurs montées courtes et raides plus proches de ce qu’on connaît sur les classiques flandriennes, ces faiblesses dans la préparation minutieuse qu’aime suivre l’ancien champion du monde ont pu être habilement masquées. Elles étaient déjà plus exposées dans le Mur de Huy, mais son erreur tactico-météorologique et les pourcentages inhabituels de l’ascension finale pouvaient encore servir d’excuses pour justifier un résultat en-deçà des attentes de ses fans.

Les pièges de la Doyenne

Mais à Liège-Bastogne-Liège, Remco Evenepoel s’est heurté à la réalité. Parce que c’est une course avec 4.365 mètres de dénivelé positif, soit 1.165 de plus qu’à l’Amstel Gold Race et 2.650 de plus que sur la Flèche Brabançonne. Avec, en plus, des pentes un peu plus longues.

Ce n’est pas un hasard si, au cours des quatre dernières décennies, la Doyenne a presque toujours été remportée par des coureurs qui avaient effectué un solide menu de printemps et au moins une course par étapes, comme le Tour de Catalogne ou le Tour du Pays basque. Que quelqu’un ayant à peine un bon mois d’entraînement complet dans les jambes puisse battre Tadej Pogacar, le meilleur coureur depuis Eddy Merckx, restait ainsi très improbable.

Le fait qu’Evenepoel, en partie à cause d’une mauvaise position et de l’absence de ses coéquipiers, ait dû lâcher prise dès La Redoute, puis dans la Roche-aux-Faucons, pour finalement terminer à la 59ème place, était plus surprenant, mais pas totalement illogique. Lui-même est resté réaliste après son jour sans: «Non, je ne suis pas malade, mais je ne suis pas un robot non plus. Dans le cyclisme actuel, il faut s’entraîner très dur pour être au top. Je n’ai pas pu le faire suffisamment. Surtout pour une course comme Liège, qui ne ment pas.»

Le vrai Evenepoel au Tour de France

On ne peut pas reprocher à Evenepoel de s’être en partie fait des illusions. Après une période difficile sur le plan physique et surtout mental, une certaine euphorie après les premiers succès est compréhensible. Au sein de l’équipe, on n’a pas non plus réussi à la tempérer. Peut-être aurait-il fallu le faire.

Le coureur de Schepdaal doit maintenant accepter ce revers, rester calme et, après le Tour de Romandie de cette semaine, se concentrer sur son objectif principal: le Tour de France. C’est là que nous pourrons voir pour la première fois -sauf incident- comment le meilleur Evenepoel (25 ans) se mesure au meilleur Tadej Pogacar (26 ans).

Contrairement à l’année dernière, où il a dû faire de la rééducation suite à sa chute au Tour du Pays Basque, il va pouvoir effectuer une préparation complète. Il y a peu de chances qu’Evenepoel parvienne à battre le Slovène, qui semble invincible, mais nous pourrons alors tirer de véritables conclusions sur son état de forme. Avant Liège-Bastogne-Liège, ces conclusions étaient un peu trop prématurées. Et elles le sont toujours.

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