La Vuelta s’est conclue par une nouvelle étape avortée par les manifestants pro-Palestine. L’équipe Israel-Premier Tech a bel et bien terminé une course chahutée.
C’est la troisième course par étapes la plus importante de la saison cycliste. Pourtant, loin du fastueux happy ending prévu à Madrid avec photos prises devant la plaza de Cibeles, le podium final de la Vuelta, le Tour d’Espagne, s’est improvisé sur un parking, avec des glacières faisant office de marches et une bâche tendue pour mettre les sponsors à l’honneur.
Vainqueur au bout de trois semaines en apnée, comptant en maigres secondes son avantage sur le Portugais João Almeida, Jonas Vingegaard rêvait d’une autre apothéose. Habitué des podiums sur les Champs-Elysées, le Danois ne peut s’empêcher de partager son amertume: «C’est dommage qu’un tel moment inoubliable nous ait été enlevé. Tout le monde a le droit de manifester, mais pas d’une manière qui influence ou mette en danger notre course.» Incontestablement, celle-ci a été influencée. Une étape sans vainqueur, une autre finalement jugée à sept kilomètres du sommet, et un final avorté malgré un dispositif policier qu’on annonçait renforcé. Sport le plus ouvert au public, le cyclisme a payé cher sa nouvelle réalité financière, où les champions sont souvent mis sous contrat par des «équipes-Etats». Meilleur coureur du monde, Tadej Pogacar roule sous le maillot des Emirats arabes unis, mais il ne rate jamais une occasion de rappeler que le sport n’a rien de politique.
Ce n’est visiblement pas l’avis des manifestants pro-Palestine, prenant majoritairement pour cible l’équipe Israel-Premier Tech. Une structure majoritairement financée par Sylvan Adams, milliardaire israélo-canadien et intime de Benjamin Netanyahou. Pour lui, les liens entre politique et sport sont visiblement plus évidents que pour Tadej Pogacar. En 2018, il ne niait pas la mission diplomatique de son équipe, dont les membres «sont des ambassadeurs du pays d’Israël»: «On utilise le sport pour créer des liens et porter l’image du pays.»
Dans le peloton, où les consciences politiques sont rares (l’Américain Matteo Jorgenson, équipier de Vingegaard, faisant figure d’exception), on pense bien plus à grappiller des secondes lors de la prochaine arrivée au sommet qu’à tout le reste. Alors, si les cadors de la meute ont fait pression auprès des coureurs de l’équipe Israel pour qu’ils mettent pied à terre en cours de route, c’est surtout par intérêt sportif.
Les organisateurs de la Vuelta étaient visiblement d’accord. L’Union cycliste internationale (UCI), en revanche, a refusé de ployer le genou devant les manifestants, rappelant dans un communiqué «l’importance fondamentale de la neutralité politique des organisations sportives réunies au sein du Mouvement olympique». Cela à quelques jours des Championnats du monde organisés au Rwanda, témoins de la bonne entente entre David Lappartient, le président de l’UCI, et Paul Kagame, l’homme fort rwandais.
Sur ce parking de la banlieue madrilène, les coureurs n’ont eu, en tout cas, aucun scrupule à inviter à la fête Matthew Riccitello, cinquième au classement final et maillot blanc de meilleur jeune de la course. Un exploit sportif mis en vitrine par l’équipe Israel-Premier Tech. Les cyclistes voulaient peut-être juste faire leur sport, mais ceux qui les paient font bel et bien de la politique.