Wout van Aert dans le terrible Colle delle Finestre, prêt à aider Simon Yates à gagner le Giro. © IMAGO/SW Pix

Et si Wout van Aert était le champion du monde des coéquipiers?

Wout van Aert est passé à côté de ses objectifs individuels du printemps, mais a encore montré sur le Giro qu’il était un équipier de rêve pour l’équipe Visma. Peut-être le meilleur du monde.

«Dans toutes mes victoires, j’ai toujours valorisé le travail de mes coéquipiers. Et puis j’ai aussi du plaisir quand je peux donner quelque chose en retour. De préférence en faisant une course offensive. Cela me donne plus de satisfaction que de rouler en tête du peloton. Je suis plus décisif lorsque je me glisse dans une échappée. Je peux alors vraiment faire la différence. Et cela me donne un coup de fouet. Je peux me faire autant de mal pour un coéquipier que lorsque je me bats moi-même pour la victoire.»

C’est en ces termes que Van Aert s’est exprimé au début de l’année dans le Guide Cyclisme du Vif Sport, à propos de son rôle de leader au sein de son équipe Visma-Lease a Biketeam. Il a notamment évoqué les étapes du Tour vers le Col du Granon et Hautacam en 2022, au cours desquelles, à partir d’une échappée matinale, il a assisté de manière décisive son leader danois Jonas Vingegaard dans le final. Physiquement, mais aussi mentalement.

Sur la route menant à Hautacam, il a crié dans son oreillette: «Jonas, je suis prêt! Je suis prêt pour toi.» Ce n’est pas le directeur sportif qui a fait passer le message, mais Van Aert lui-même. Il tenait à le dire en personne. «Quand Jonas entend cela de ma bouche, c’est plus concret, moins PlayStation. Et cela lui donne un élan supplémentaire», explique le Belge.

Van Aert, meilleur équipier au monde

Wout van Aert a de nouveau appliqué cette approche lors de l’avant-dernière étape du Giro 2025. Après l’ascension du terrible Colle delle Finestre, il a attendu Simon Yates dans la descente. Il l’a ensuite emmené sur plus de quinze kilomètres vers Sestriere, en route vers le maillot rose.

C’était un jeu d’enfant, selon Van Aert. L’effort le plus difficile a été fourni dans la montée elle-même. Avec ses 78 kilos, il a dû se plier en quatre pour survivre aux 18 kilomètres de la longue et raide Finestre. S’il voulait aider Yates -qui s’était détaché de Richard Carapaz et du leader Isaac Del Toro sur le chemin- par la suite, il devait atteindre le sommet avant lui. Il est allé jusqu’au bout de ses limites, pédalant en moyenne 428 watts (record personnel) pendant plus d’une heure et neuf minutes, et il a réussi.

Dans la descente, il a attendu le Britannique, puis a pédalé à 450 watts pendant près de treize minutes supplémentaires. Une fois son travail terminé, il s’est écarté, complètement cuit. Dans la voiture de l’équipe derrière lui, le directeur de l’équipe, Marc Reef, a parlé d’un «game-changer».

Lorsque Yates a rejoint Van Aert, son avance était de 1 minute et 45 secondes. Suffisant pour prendre virtuellement le maillot rose. Cette marge s’est toutefois rapidement accrue pour atteindre cinq minutes sous les coups de pédale impressionnants du Campinois. Carapaz et Del Toro ont trop hésité, se sont regardés et ont abandonné la poursuite.

Le fait qu’ils se soient rendu compte que Yates -qui mesure 1m72- était à ce moment-là dans la roue d’une locomotive plus haute de 18 centimètres et plus lourde de 20 kilos a sans doute joué un rôle. Même s’ils avaient travaillé ensemble, ils n’auraient probablement pas réussi à se rapprocher du Britannique. Van Aert a remonté le faux plat à 44 kilomètres à l’heure: un rythme auquel personne n’avait de réponse.

Yates et le mental stimulé par Van Aert

Bien sûr, c’est avant tout à lui-même que Yates doit le maillot rose. Dans le Colle delle Finestre, il a réalisé une performance exceptionnelle en escalade: 59 minutes et 22 secondes (nouveau record) à une moyenne de 6,1 à 6,2 watts par kilo. Impressionnant et surprenant, car plus tôt dans ce Giro, il a été moins convaincant en montée, mais c’était sur des montées plus courtes où l’explosivité a joué un rôle plus important.

L’esprit de revanche a également joué un rôle. En 2018, Yates a perdu le maillot rose sur le Finestre et n’est arrivé que 38 minutes après le vainqueur d’étape Chris Froome. La confiance de ses coéquipiers, qui ont continué à l’encourager, lui a aussi donné des ailes.

Et il ne faut surtout pas sous-estimer l’élan mental qu’il a eu en apprenant que Van Aert l’attendrait après le sommet du Finestre. Ce dernier l’avait déjà informé par l’intermédiaire de son oreillette -comme il l’avait fait avec Vingegaard à Hautacam- qu’il était prêt. Yates savait ce que cela signifiait. Le fait que UAE Team Emirates, l’équipe d’Isaac Del Toro, ait commis une gaffe tactique a joué en sa faveur. Le plan a fonctionné, Van Aert est redevenu le «faiseur de roi». L’accolade de Simon Yates après l’arrivée en dit long.

La satisfaction de l’altruisme

Très peu de coureurs du niveau de Wout van Aert se sont mis en quatre pour un ou plusieurs coéquipiers au cours de leur carrière. Il suffit de penser à son rôle de poisson-pilote, joué à merveille pendant 750 mètres pour le sprinteur Olav Kooij à Viadana, lors de la douzième étape du Giro.

Qu’il puisse physiquement supporter de tels efforts dans un grand tour de trois semaines est en soi exceptionnel. Mais surtout, il a envie de les fournir, ce qui est également rare pour un coureur de haut niveau.

Dans l’interview accordée au Vif Sport, Van Aert a déclaré qu’il souhaitait surtout que l’on se souvienne de lui comme d’une personne désintéressée. Comme un homme de collectif, qui est là pour ses coéquipiers. C’est pourquoi il s’est excusé immédiatement après sa défaite au sprint à Dwars door Vlaanderen, où il a déclaré avoir été égoïste.

Même s’il ne remporte jamais de monument pavé ou de titre mondial, la satisfaction de son rôle de «faiseur de rois» compensera largement, voire totalement, ce manque.

Pour Van Aert lui-même, mais aussi pour de nombreux fans de cyclisme qui verront qu’on peut aussi être grand en se mettant au service des autres. Les organisateurs du Giro ne s’y sont pas trompés, en lui remettant à Rome le Trophée Bonacossa, qui récompense le «plus grand exploit sportif du Giro». Un sacre encore mérité le dimanche, au lendemain de son grand numéro au service de Yates, en déposant Olav Kooij vers une nouvelle victoire d’étape.

Pour une nouvelle confirmation: celle que Wout van Aert est le meilleur coéquipier du peloton.

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