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Remco Evenepoel n’a pas pu masquer sa frustration lors de son deuxième changement de vélo à Kigali. © Getty Images

Cette erreur de débutant a coûté très cher à Remco Evenepoel dans son duel avec Pogacar

Tadej Pogacar était sans doute trop fort, mais Remco Evenepoel a manqué l’occasion de lui livrer un match plus disputé à Kigali. Le Belge a perdu son sang-froid et a fait une grossière erreur.

En une soixantaine de kilomètres de plaisir solitaire, il y avait de quoi immortaliser l’instant. Alors qu’il était photographié sous tous les angles lors de sa longue procession victorieuse vers Kigali, Tadej Pogacar a remporté un deuxième maillot arc-en-ciel, mais pas le titre, plus officieux, de photo du jour. Celui-là revient à Remco Evenepoel. Frustré, le Belge a donné un spectaculaire coup de pied dans une bouteille orange.

On peut la contempler sans fin et y découvrir à chaque fois de nouveaux détails. Sa jambe droite, tendue et appuyée sur une pédale à clip, talon levé au-dessus du sol, contraste avec son pied gauche qui se balance. L’eau jaillissant de la bouteille tandis qu’elle s’élève dans les airs, sur fond de banderoles Visit Rwanda. L’air étonné des petits garçons rwandais massés près des barrières, et le regard indigné d’une femme âgée, un peu en retrait. Et à deux pas: les deux femmes et un photographe qui immortalisent ce moment remarquable avec leur smartphone et leur appareil photo.

Quand la photo est devenue virale, les clins d’œil à son passé de footballeur ont fusé. La plus savoureuse venait d’un compte français, qui rappelait le but exceptionnel de Zinédine Zidane lors de la finale de la Ligue des champions en 2002 contre le Bayer Leverkusen: s’appuyant sur sa jambe droite, frappant du pied gauche, exactement comme Evenepoel.

La différence, c’est que le but de Zidane a offert la victoire au Real Madrid. Pour le Belge, le coup de pied était plutôt un but contre son camp. Un symbole de la frustration qui l’a submergé lorsqu’il a dû changer de vélo pour la deuxième fois.

Frustration et changement de vélo fatal

Le premier changement a été motivé par le fait que sa selle s’était affaissée lorsqu’il avait roulé dans un nid-de-poule à l’approche du Mont Kigali. La deuxième fois, Remco Evenepoel avait l’impression que la selle de son vélo de rechange était mal réglée –pas légèrement inclinée vers le bas, mais à l’horizontale– ce qui lui causait des crampes dans le bas du dos. Selon lui, s’arrêter était la seule option, plutôt que de continuer à rouler pendant cinq kilomètres.

Une explication étrange, car le choix logique aurait été de continuer, si nécessaire en pédalant debout, jusqu’aux stands des équipes nationales, situés à un bon kilomètre de là. Ou du moins jusqu’à ce que la voiture suiveuse de l’entraîneur national Serge Pauwels le rattrape. Comme tout coureur l’apprend dès son plus jeune âge : en cas de problème mécanique, il faut rouler le plus loin possible.

Evenepoel ne l’a pas fait: il a attendu trop longtemps, au point d’avoir le temps de relancer sa bouteille d’un coup de pied rageur. Ce changement de vélo lui a fait perdre 42 secondes précieuses.

Histoires de famille

La mésaventure a connu un épisode supplémentaire lorsque son mécanicien Dario Kloeck –qui n’est autre que son cousin– a déclaré que la selle du vélo de rechange était correctement réglée. Il assurait l’avoir vérifiée à trois reprises. Peut-être Evenepoel a-t-il ressenti autre chose dans l’excitation du moment, d’autant qu’il avait déjà roulé avec une selle trop basse dans les kilomètres précédents. Il aurait mieux valu qu’il reconnaisse après coup que son intuition pouvait être erronée. Son cousin l’a maintenant contredit de manière embarrassante.

Dans la déception qui a suivi l’arrivée, la réaction agacée d’Evenepoel peut se comprendre. Ce qui l’était beaucoup moins, c’est la façon dont il a perdu son sang-froid. Oui, il a le tempérament de son père Patrick, qui l’a souvent souligné. Et oui, il est devenu plus calme et plus mature ces dernières années.

Mais de temps en temps, le Remco Evenepoel frustré refait surface. Outre un Pogacar imbattable, son plus grand adversaire reste cet aspect de sa personnalité –et pas seulement au Rwanda.

Pogacar contre Evenepoel: les chiffres qui font mal

Le plus grand allié d’Evenepoel à Kigali était cependant son autre facette: le combattant qui continue à se battre après un revers. Il aurait pu abandonner, mais il a utilisé sa frustration comme carburant. Il a repris les choses en main et a remporté la médaille d’argent. Pour cela, il mérite au moins autant d’éloges que de critiques pour son court-circuit mental.

Décrocher l’argent derrière celui qui brigue le titre de meilleur coureur de tous les temps reste une performance plus que méritoire. Surtout après son titre mondial en contre-la-montre la semaine dernière. Evenepoel est d’ailleurs devenu au Rwanda le premier coureur à remporter deux médailles aux Championnats du monde la même année, tant en contre-la-montre que sur route.

Nous ne saurons jamais s’il aurait pu suivre Pogacar sur le Mont Kigali sans cette malchance. Il a perdu des forces, en partie par sa propre faute, mais a toujours pu revenir grâce à ses coéquipiers. Pogacar a bénéficié de l’appui d’Isaac Del Toro, mais a assumé l’essentiel du travail en tête. A 66,6 kilomètres de l’arrivée, il était même déjà parti en solitaire. Il y a donc de fortes chances que le résultat ait été le même, mais avec un écart moindre.

Cela reflète le rapport de force entre les deux coureurs. Depuis 2021, ils ont disputé neuf courses d’un jour avec plus de 4.000 mètres de dénivelé: Pogacar en a remporté huit. La seule victoire d’Evenepoel: les Championnats du monde à Wollongong en 2022, où il avait attaqué très tôt, de manière surprenante, laissant le Slovène sur place.

Pour Evenepoel, c’est une dure réalité: il appartient à l’élite mondiale, excelle dans le contre-la-montre, mais doit affronter un coureur qui ne naît qu’une fois tous les 50 ans. En quelque sorte, le «Petit Cannibale» vit ce que les contemporains d’Eddy Merckx ont également connu à l’époque: se heurter à chaque fois à un talent unique. Si la motivation de Pogacar reste intacte, il y a fort à parier que ce scénario se répétera dans les années à venir, sur les grands tours comme sur les classiques.

A Evenepoel de ne pas se résigner, de continuer à tenter sa chance et, surtout, d’apprendre à mieux garder son calme.

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