Vite trop vite

Ses dix ans en équipe nationale s’assimilent à un parcours d’obstacles entre voitures, belles femmes et blessures.

Il y a quatre ans, Emile Mpenza avait très bien résumé sa vie.  » On a beaucoup trop vite fait de moi une star « , disait-il à son retour de Schalke 04 vers le Standard.  » Sur le terrain, j’ai eu suffisamment de maîtres à penser, mais en dehors je n’ai jamais reçu le temps de m’épanouir comme un garçon normal de mon âge. Je n’ai jamais pu compter sur quelqu’un qui m’apprenne à devenir adulte « .

Les problèmes ont vite commencé après son premier transfert au Standard. Emile s’est perdu dans le chaos liégeois qui contrastait furieusement avec la tranquillité et l’environnement protégé au sein duquel il avait évolué à Mouscron. Sur le terrain, sa musculature fut victime du rythme plus élevé et de l’intense pression qui pesait sur ses épaules. En dehors, inconscient des dangers, il adoptait aussi un comportement trop téméraire. Le cadet des Mpenza avait décidé de déployer ses ailes et il quitta la maison familiale comme il sortit de la route avec sa voiture de sport.

Emile était sur une montagne russe dont il n’a plus jamais repris le contrôle. Où qu’il jouât, des histoires surgissaient à propos d’un garçon très gentil, un peu perdu dans ce monde et qui avait les moyens de se payer ses caprices. Dans tous ses clubs, il a connu de bonnes périodes sportives, mais souvent elles ne duraient pas. Avec l’équipe nationale aussi, il a entretenu une relation d’amour/haine. Depuis qu’il a enfilé pour la première fois la vareuse belge en 1997, les Diables ont disputé 105 rencontres alors que le compteur d’Emile s’est arrêté à 54. On sait que, lorsqu’il n’était pas blessé, il était repris sans discussion dans l’équipe. Cela fait donc une cinquantaine de sélections ratées. Bien que son rendement de buteur soit assez faible, le sélectionneur fédéral n’avait souvent pas mieux sous la main. Ce qui soulevait chaque fois la même question : viendra ou viendra pas ? Quelle que fut la réponse, Emile donna toujours du grain à moudre aux journalistes.

1997-2007 : dix ans chez les Diables Février 1997

Emile a 18 ans et débute en équipe nationale. Il remplace Luc Nilis à la mi-temps du match amical contre l’Irlande du Nord (3-0) à Belfast. Cette rencontre marque les débuts de Georges Leekens à la barre des Diables, lui qui a été jusque-là l’entraîneur d’Emile à Mouscron.

Juin 1997

L’avocat Luc Misson découvre qu’Emile et Mbo Mpenza appartiennent encore à leur club précédent, le FC Courtrai. Cela permet au Standard de pêcher gratuitement les deux frangins à Mouscron, qui réagit en justice. Misson créera un autre mini scandale : par son intervention – et selon les mauvaises langues sur insistance de l’entraîneur rouche Aad de Mos – Emile ne dispute pas le championnat du monde avec les Espoirs belges en Malaisie.

Août 1998

Emile évite du gibier qui traverse la route et plante sa Porsche dans un arbre. Cela fait trois jours qu’il a son bolide. La rumeur dira que le staff médical du Standard a minimisé la gravité de la blessure au genou encourue lors de l’accident. Une demi-saison s’envole en fumée pour l’attaquant d’ébène. Quatre ans plus tard, le passager qui était avec Emile est condamné pour harcèlement et trafic de drogue. Le jeune homme, un ami boxeur, avait été blessé lors de l’accident et réclame à Emile des dommages et intérêts, que Mpenza refusera de payer.

Janvier 2000

Schalke 04 paie 8,75 millions pour Emile. A l’époque, c’est le plus gros transfert de l’histoire du foot belge, le plus cher pour Schalke et le deuxième en Allemagne. Au même moment, Mbo signe au Sporting Lisbonne. Les deux frères jouent pour la première fois dans des clubs différents (photo 1).

Juin 2000

Pendant l’EURO 2000, on apprend qu’Emile a rompu avec son amie Nathalie Kratzborn et qu’il a invité Miss Belgique Joke Van de Velde à venir à l’hôtel des joueurs le jour de visite. Il ne fait plus seulement la une des pages sportives mais aussi de la presse people.

Septembre 2000

Emile crashe sa nouvelle Ferrari 360 Modena. Pendant un déplacement nocturne entre Gelsenkirchen et Liège : il s’est endormi au volant. A la demande de l’ophtalmologue, il doit éviter toute la semaine les duels et les reprises de la tête. Schalke lui fournit un chauffeur lorsqu’il doit se rendre en Belgique (photo 2).

Février 2001

Fin de la romance entre Joke et Emile. Selon Emile, cela n’a jamais été une grande histoire d’amour et elle s’imposait plutôt à lui. Nathalie se réconcilie avec lui.  » Il est allé voir si l’herbe était plus verte ailleurs, mais il a constaté qu’il y avait quelque chose de plus profond entre nous « , confiera-t-elle plus tard.

Mai 2001

Schalke 04 remporte la Coupe d’Allemagne en battant l’Union Berlin en finale (2-0). C’est le premier trophée (sportif) pour Emile.

Octobre 2001

Le matin du match de Ligue des Champions contre Majorque, Schalke renvoie Emile par avion en Allemagne. Selon le club, il ne fait pas assez d’efforts pour être prêt pour la rencontre. Le joueur estime qu’il est blessé et qu’il ne peut pas être aligné.  » Il continue à adopter un comportement non professionnel « , dira le manager de Schalke Rudi Assauer.  » Je ne dois pas vous raconter à vous, Belges, qu’Emile n’est pas encore adulte. Il reste un enfant qui exige constamment de l’attention « . Dans Sport/Foot Magazine, il ajoute cette fameuse phrase :  » Il y a quelque chose qui cloche dans la tête d’Emile. Peut-être doit-on intervenir à ce niveau « .

Novembre 2001

Emile est opéré et Schalke lève sa suspension disciplinaire. A cause de l’intervention chirurgicale, Emile manque les duels de barrage contre la Tchéquie qui permettent aux Diables d’arracher leur qualification pour la Coupe du Monde asiatique de 2002.

Janvier 2002

Après trois mois d’absence, Emile fait un glorieux come-back avec un but et deux assists contre le Bayern Munich (5-1). Un mois plus tard, il se blesse à nouveau et est out pour six semaines. Début avril, il recommence à jouer avant de devoir passer une nouvelle fois sur le billard. Les Diables Rouges devront se passer de leur perle en Corée et au Japon.

Mars 2003

Emile se fait flasher à 202 km/h sur l’E40 alors qu’il rejoint l’entraînement de l’équipe nationale à Crainhem. Il perd son permis de conduire pendant deux semaines.

Juin 2003

Mariage civil avec Nathalie Kratzborn. Son père Arsène n’assiste pas à la cérémonie, selon ses dires à cause du choix d’Emile de prendre Luciano D’Onofrio comme témoin. Plus tard, Emile dira que son père était malade (photo 3).

Août 2003

Emile tourne le dos à Schalke 04 et revient au Standard. Il affirme avoir pris cette décision en voyant sa femme pleurer de solitude. Nathalie prend de plus en plus d’importance, également dans la presse. Elle parle d’un  » nouvel Emile  » (photo 4).

Mars 2004

A la fin de La Gantoise-Standard, Emile pète les plombs suite à un penalty non sifflé sur lui. Il enfonce la porte, blesse un steward et parle de corruption du foot belge. Malgré l’indignation publique, Aimé Anthuenis le reprend pour le match amical contre l’Allemagne. Lors du dernier entraînement, Mpenza se blesse. Exit Emile.

Avril 2004

Emile en a ras-le-bol de tout ce tintouin et décide de ne plus accepter d’invitation de l’équipe nationale jusqu’à nouvel ordre.

Mai 2004

Avec 21 buts inscrits, Emile achève sa saison la plus productive lorsqu’il signe un contrat à Hambourg. Interrogé sur un éventuel retour chez les Diables, il demande un peu de patience mais conclut par : -Je reviendrai certainement ! Négligemment, il confie aussi qu’il souffre du départ de quelques anciens après la CM 2002, dont son confident Marc Wilmots.  » L’ambiance a changé  » (photo 5).

Mai 2004

Mariage religieux avec Nathalie, cette fois en présence de Luciano D’Onofrio et de ses parents. Les rumeurs qui disaient le couple fragile sont déniées.  » Je veux rassurer tout le monde : tout va bien entre nous et il n’en a jamais été autrement « , affirme Emile.

Septembre 2004

Naissance de son fils Lenny.

Octobre 2004

Alors que les tentatives de dialogue de Karel Vertongen n’ont rien donné, Emile affirme au magazine de foot allemand Kicker qu’il ne discutera qu’avec le sélectionneur fédéral d’un éventuel retour. Anthuenis ne se fait pas prier et le résultat est qu’Emile se met à nouveau à sa disposition. Il est directement sélectionné mais une blessure vient à nouveau compromettre sa titularisation.

Mars 2005

Moment fort pour Emile. Contre la Bosnie-Herzégovine, il inscrit deux buts et délivre deux passes décisives (4-1). Trois semaines après, il marque le but de la victoire pour Hambourg contre son ex-club Schalke 04. Il dira après :  » Assauer est un dictateur qui croit qu’il a inventé le football « .

Juin 2005

Serbie-Belgique (0-0) est le 46e match d’Emile sous la vareuse tricolore. Aucun Diable Rouge sur le terrain ne compte davantage de capes et il porte donc le brassard de capitaine. Ce sera éphémère.

Mars 2006

Emile a quitté Hambourg lors de la trêve hivernale pour signer au Qatar, à Al-Rayyan. Il s’y occasionne rapidement une blessure au genou et passe sous le scalpel du célèbre chirurgien Marc Martens (photo 6).

Octobre 2006

L’assistant du sélectionneur fédéral, Stéphane Demol, rentre d’un voyage au Qatar où il a été visionner Emile. Son rapport est positif. Précisément un an après son dernier match chez les Diables, l’avant rejoint le groupe lors de Serbie-Belgique (1-0).  » Je suis heureux d’être à nouveau chez les Diables Rouges « , dit-il.

Novembre 2006

La Lamborghini d’Emile quitte à l’aube le parking de la discothèque La Rocca, à Lierre. Les policiers le soumettent à un test d’alcoolémie et il perd à nouveau son permis. Peu après, son manager Rachid Tajmout communique le divorce d’Emile et Nathalie.

Janvier 2007

Al-Rayyan rompt le contrat avec l’attaquant belge. La recherche d’un nouveau club ne se passe pas sans mal. Emile trouve finalement un accord avec Manchester City (photo 7).

Juin 2007

Entre les duels contre le Portugal et la Finlande, une fuite nous apprend qu’Emile aurait préféré ne pas être du voyage. Par respect pour l’entraîneur René Vandereycken, il postpose sa décision d’arrêter définitivement sa carrière en équipe nationale. Le secrétaire général de l’Union Belge Jean-Marie Philips en est informé et confirme l’arrêt imminent. Emile et son manager nient par après. Les entraîneurs fédéraux se taisent. Il n’est pas sélectionné pour le match de ce soir contre la Serbie : on le disait blessé. Mais à Manchester City, dans le même temps, il convainc sur le terrain le nouveau coach Sven-Goran Eriksson de l’utilité de le garder… (photo 8). l

par jan hauspie – photos: reporters

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire