SCOUT TOUJOURS PRÊT

Bruno Govers

Le Suédois entame sa seconde carrière au RSCA. Comme prospecteur cette fois.

Après une carrière s’échelonnant sur près de 20 ans, essentiellement passés au RSCA, Pär Zetterberg (35 ans) a récemment troqué son sac de sport de joueur contre un attaché-case de prospecteur. Son nouveau terrain d’action : la Scandinavie où il s’attellera à dénicher, dans les mois à venir, l’un ou l’autre jeunes ou valeurs confirmées susceptibles de converger vers le Sporting.

Qu’avez-vous fait entre le 5 mai, date de vos adieux contre Zulte Waregem, et le mois d’août, qui a marqué pour vous le début d’une nouvelle carrière au RSCA, comme scout cette fois ?

Pär Zetterberg : En raison de la scolarité de mes enfants, je suis resté encore six semaines en Belgique avant de rallier Falkenberg, la ville dont je suis originaire en Suède. Après avoir goûté à un repos bien mérité, j’ai entretenu ma forme via quatre séances d’entraînement hebdomadaires au sein du club local, actif en D2 actuellement. J’ai combiné cette activité avec mes premiers pas dans le scouting pour le compte des Mauves. Sur place, j’ai multiplié les contacts tout en assistant à diverses rencontres, aussi bien au plus haut niveau qu’à l’échelon des jeunes. J’ai repris le collier au Sporting au moment où l’équipe abordait son deuxième déplacement de la saison, à Westerlo. Depuis lors, à l’exception de l’entrée en matière européenne contre Lille, j’ai tout vu. J’avais toutefois une bonne raison pour brosser ce match : avec la génération 94 de mon pays, l’occasion m’était donnée de jouer contre la sélection 86 de l’Argentine, conduite par Diego Maradona en personne. C’était la première et la dernière fois, sans doute, que j’avais l’opportunité de me mesurer à lui sur un terrain. Pour rien au monde, je n’aurais voulu louper ce rendez-vous de prestige. (Il rit).

Scout en Scandinavie, c’était une voie toute tracée pour vous ?

Dans la mesure où le directeur de la cellule scouting et recrutement, Werner Deraeve, s’est prononcé pour la première fois en faveur d’une répartition géographique entre les différents représentants de ce département, il était somme toute logique que cette zone me soit réservée. Durant ma carrière active, j’ai toujours suivi d’un £il intéressé tout ce qui avait trait au football nordique et, par moments, j’ai même encouragé Anderlecht à suivre certaines pistes, comme celles de mes compatriotes Niclas Alexandersson, Johan Elmander ou, plus récemment, Kim Kallström. Pour toutes sortes de raisons, ces transferts n’ont pu aboutir. En lieu et place, la direction a finalisé d’autres dossiers, liés non pas à une détection sur place mais à des circonstances purement footballistiques. Si le Sporting n’avait pas croisé le fer en Coupe d’Europe avec Stabaek, visionné lors d’un match contre le Viking Stavanger notamment, il n’est pas sûr que des garçons comme Christian Wilhelmsson ou Hannu Tihinen, qui défendaient alors les couleurs de ces clubs, en Norvège, auraient abouti dans la foulée au stade Constant Vanden Stock. En matière de repérage, il y avait donc une petite lacune à combler. Ma désignation entre dans ce cadre.

Apprendre à s’organiser

Vous êtes resté dans le monde du football. En quoi votre nouvelle vie se distingue-t-elle de l’ancienne ?

Mes journées sont nettement plus longues puisque je suis occupé journellement du matin au soir. (Il rit). En outre, j’ai dû apprendre à m’organiser. Pendant près de 20 ans, ma vie a été réglée, par d’autres, comme du papier à musique. Depuis mon arrivée au Parc Astrid, tout a toujours été conçu pour moi, et pour mes partenaires d’ailleurs, de manière telle que nous n’avions qu’à nous concentrer sur le seul football. A présent, le ballon rond, stricto sensu, ne constitue qu’une toute petite part de mon occupation et de mes préoccupations. Indépendamment de ces aspects, il me faut planifier, effectuer des réservations d’hôtels, de billets d’avion, de taxis. Ce n’est pas de tout repos, même si je suis aujourd’hui débarrassé du stress inhérent à la carrière d’un joueur. Je ne dois plus obligatoirement aller me coucher de bonne heure et si j’ai envie de me faire un petit resto, la veille d’un match, il n’y a évidemment pas de problème. En tant que retraité de fraîche date, je n’en respecte pas moins une hygiène alimentaire très stricte. D’autre part, le virus du foot ne m’a toujours pas tout à fait quitté. Ainsi, quand l’occasion se présente, je taquine le ballon avec l’Elan Evere, en ABSSA. Et je me suis mis aussi au hockey en salle avec les Waterloo Lions.

La photo qui illustre cette page a été prise à Bruxelles-National à votre retour d’Oslo, le jeudi 7 septembre passé. Aviez-vous assisté la veille au match Norvège-Moldavie ?

J’ai vu un résumé de cette rencontre à la télé mais la raison de ma présence là-bas était dictée par les jeunes. En réalité, ma mission, dans un premier temps, consiste à établir un répertoire des meilleurs Scandinaves de 16 ans et plus. Mon terrain d’action sera le Danemark, la Norvège, la Suède et, sans doute dans une moindre mesure, la Finlande. Les différences sont sensibles d’une nation à l’autre : les Danois sont les plus techniques et les Suédois les plus physiques. Quand j’entends dire que le football belge est basé avant tout sur l’engagement, je ne peux réprimer un sourire. Car le jeu, dans mon pays natal, est autrement plus musclé qu’ici. Et le même raisonnement vaut pour le championnat norvégien. Dès lors, il n’est guère surprenant que les meilleurs, dans ces pays, aboutissent en Premier League. En voyant l’évolution du football, je me dis que je suis né au bon moment. A mon époque, il ne fallait pas être nécessairement costaud, rapide et endurant pour espérer faire carrière. Aujourd’hui, les meilleurs réunissent toutes ces qualités. Il n’y a pour ainsi dire plus de place pour les petits formats. Seul Lionel Messi est l’exception qui confirme la règle.

Global et analytique

Si les meilleurs sont promis à l’Angleterre, comment vous y prendrez-vous pour les faire aboutir à Anderlecht ?

Le Sporting présente un attrait comme nul autre qui se nomme la Ligue des Champions. C’est la participation à cette épreuve qui a convaincu les récents transfuges argentins, ainsi que l’Egyptien Ahmed Hassan, de rallier le Parc Astrid. Les Mauves constituent une étape intermédiaire de choix pour ceux qui s’éveillent aux plus hautes ambitions mais qui doivent encore fourbir leurs armes avant de pouvoir prétendre au top. Chippen l’a bien compris. J’espère que d’autres, à mon instigation, lui emboîteront le pas. Pour le reste, je souhaite que mon propre exemple inspire la jeune classe. Car je n’avais que 16 ans quand j’ai quitté Falkenberg à destination du Parc Astrid. Près de deux décennies plus tard, j’aurai tout de même eu la satisfaction de remporter neuf titres et de vivre une belle aventure, tant sportive que lucrative, en Grèce.

Anderlecht a hérité de l’une de vos anciennes connaissances grecques, l’AEK Athènes, en Ligue des Champions. Aurez-vous un rôle à jouer dans le screening de cet adversaire ?

J’ai toujours des amis là-bas, susceptibles de fournir l’un ou l’autre tuyau. Mais il en est de même pour Jacky Munaron, par exemple, qui est resté très lié avec Chris Van Puyvelde, l’adjoint de Trond Sollied à l’Olympiacos. Aussi, ma tâche n’est-elle pas tournée prioritairement vers les adversaires du Sporting en Ligue des Champions. Je dois, au contraire, tisser un réseau d’informations et de connaissances dans mon secteur spécifique qui est le nord de l’Europe. J’ai un an, grosso modo, pour faire le tour du propriétaire. Dans l’intervalle, il n’est pas interdit de penser que je soumettrai l’un ou l’autre noms à mes supérieurs. Mais ce n’est qu’au bout d’une année de travail qu’on procédera à une première évaluation.

Votre approche actuelle est-elle globale ou analytique ?

Dans un premier temps, je dois rendre compte d’une vision globale. Le debriefing que j’ai effectué dernièrement, en compagnie de Werner Deraeve, du match entre Westerlo et Anderlecht, concernait précisément des considérations générales : système et animation de jeu de part et d’autre, etc. Progressivement, je vais devoir aussi davantage cibler pour ne m’occuper que d’une individualité. Pour ce faire, il faudra que je me débarrasse de mes £illères en tant qu’ancien joueur. Car on m’a prévenu : au départ, je n’aurai d’yeux que pour les éléments qui évoluent dans un même registre que moi, au détriment de ceux qui occupent une autre place sur le terrain. (Il rit).

Taper dans le mille

A ce propos, vous reconnaissez-vous davantage en Mbark Boussoufa ou en Lucas Biglia ?

Plutôt en l’Argentin, qui n’est sans doute pas des plus rapides mais qui fait voyager le ballon en un temps. Au même titre que le lutin marocain, il constitue un transfert de choix. Et cette appréciation est d’application également à Ahmed Hassan ou Nicolas Pareja. En matière de recrutement, Anderlecht a réellement tapé dans le mille cet été.

Le Sporting, il est vrai, s’est donné les moyens de ses ambitions en déliant généreusement les cordons de la bourse pour attirer des joueurs qui lui confèrent réellement un plus. La donne a donc manifestement changé. Est-ce un bienfait pour vous en votre nouvelle qualité de scout ?

Le spectre est plus large. Il y a une différence fondamentale entre acquérir trois joueurs pour 3 millions d’euros ou un seul pour le même prix, comme cela s’est vérifié cette année dans le chef de Mbark Boussoufa ou de Lucas Biglia. Pour un prospecteur comme moi, les possibilités sont donc plus étendues. Mais il y a un revers à la médaille, en ce sens que pour ce montant-là, il est pour ainsi dire interdit de se tromper. Il faut viser juste.

Anderlecht a fait ample moisson d’Argentins cette année. Werner Deraeve compte à présent emmener son bâton de pèlerin au Brésil et au Congo, afin de mélanger tant et plus les styles. A votre niveau, que peut apporter un footballeur scandinave au RSCA ?

Son professionnalisme. C’est une marque de fabrique qui existait déjà de mon temps et qui n’a pas changé à travers les âges. Un garçon comme Hannu Tihinen n’était peut-être pas le plus doué de la bande mais il aura à coup sûr été un des footballeurs les plus précieux au Sporting, ces dernières années. Chacun s’est rendu compte entre-temps qu’il a laissé un vide qu’il ne sera pas évident de combler.

Outre vos missions à l’étranger, il est acquis que vous garderez également un £il sur la Première.

Exact. En principe, bon nombre de mes voyages auront lieu en cours de semaine, ce qui devrait me permettre d’assister la plupart du temps aux matches de l’équipe-fanion le week-end. C’est bien sûr nécessaire pour cibler parfaitement les forces et, éventuellement, les hiatus à combler. Cette démarche permet également de conserver un regard sur le football belge. Car quoi qu’on en dise, il y a de bons footballeurs ici également. La preuve par Mbark Boussoufa.

En quête de successeurs

Que faut-il attendre d’Anderlecht cette saison ?

L’équipe est suffisamment armée pour renouveler son titre. C’est sur le plan européen, surtout, qu’on verra ce qu’elle a dans le ventre. Le tirage est peut-être plus favorable que l’année passée mais la tâche de mes anciens partenaires ne sera pas plus évidente pour autant.

Il y a un lustre, quatre joueurs – Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene – avaient profité d’une campagne glorieuse du club en Ligue des Champions pour rebondir ailleurs. Des joueurs comme Mbark Boussoufa, Mémé Tchité, Lucas Biglia ou Nicolas Pareja vont peut-être au-devant d’une même aventure.

En 2001, le club n’était pas prêt pour endiguer tous ces départs. De nos jours, en revanche, le propos est de se mettre d’ores et déjà en quête de leurs éventuels successeurs. Ce n’est donc pas le boulot qui va manquer pour les prospecteurs. Mais je ne m’en plains pas. (Il rit).

BRUNO GOVERS

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