Bernard Jeunejean
Râler, rêver, respecter… dur, dur de soutenir nos Diables!
Certains disent déjà que l’objectif raisonnable des Diables Rouges est désormais le Mondial 2014. Mais non! Trois fois non! Jouons nos matches au jour le jour, même si on est mal barrés.
Par Bernard JEUNEJEAN
Le classement sur deux matches fait déjà mal au bide: trois équipes avec 6/6, nous sommes parmi les trois autres avec peau de balle. « Cool », disait un pote, « ce n’est pas encore 0/15 comme Eupen! » Mouais. Mathématiquement, c’est pire: Danny Ost se fait démissionner alors qu’il a environ cinq points de moins qu’espéré (l’actuel ventre mou, devant les deux derniers) et qu’il reste 25 matches (75pts) à jouer; Georges Leekens compte déjà 6pts de moins que la seconde place éventuellement qualificative, et il ne reste que 8 matches (24pts) à jouer! Alors, si le trouillomètre germanophone est déjà à zéro, le trouillomètre fédéral est-il déjà sous zéro?…
Mais défense de céder à la limogite aiguë, le coach n’est qu’un maillon, ne coupons pas les cheveux en quatre, gardons Long Couteau qui coupera ce qu’il faut! Et sans dire déjà, comme Alain Courtois, que l’objectif raisonnable est désormais 2014: ça signifierait 8 matches avec de nouveaux essais pour préparer l’avenir, non pitié, pas encore ça. On va devenir champions du monde de la semaine des quatre jeudis! Selon la formule, prenons match par match: en alignant chaque fois ceux qu’on pense les meilleurs, et en continuant à rêver comme des mômes… Pas sûr que le bonheur soit au bout, mais mieux vaut pester qu’attendre.
A condition de pouvoir pester un tantinet, juste pour décompresser, sans être pour cela taxé d’irrespect. Si l’on pense que l’égalisation turque est d’abord due à une inattention de Guillaume Gillet, doit-on le taire par peur de lui descendre le moral dans les chaussettes? Quand Vincent Kompany, ayant oublié son sang-froid à Manchester et ayant déjà ramassé du jaune, se la joue roulette russe en risquant loin du but un tackle glissé (geste pour lequel le siffleur est capable de tout et de son contraire), faut-il que saigne en silence l’ulcère du supporter? Si Jan Vertonghen shoote à côté du ballon, doit-on le remercier plutôt que créer une tension communautaire? Si Romelu Lukaku a paru endormi, faut-il s’en féliciter parce qu’il a besoin de sommeil à son âge? Et quand Daniel Van Buyten gaffe (même si les meilleurs peuvent riper un contrôle de balle), doit-on s’abstenir de râler parce qu’il est titulaire au Bayern et parce que c’est un chouette mec dans le civil?
Sans lynchage ni lapidation, causons du jeu de Big Dan, rien que de son jeu, et même pas de son erreur contre l’Allemagne. Un titulaire au Bayern est évidemment apte à renforcer une équipe inférieure au Bayern, en l’occurrence l’équipe belge. Offensivement et sur balle arrêtée, Van Buyten est peut-être l’arrière central le plus prolifique au monde: en cas de mutisme des éléments offensifs, il permet toujours d’espérer un coup de boule victorieux, c’est un atout I-NES-TI-MA-BLE… mais sans que cela remette les pendules à l’heure (sic turc récent) après une erreur défensive critiquable! Car en même temps, Big Dan est positionné en défense les trois quarts du temps (au moins), et c’est là le paradoxe. Un défenseur doit défendre, c’est-à-dire remplir deux tâches essentielles quand l’adversaire a le ballon. D’une part recouper, intercepter, anticiper (y compris aériennement): pour ce, question taille, expérience et positionnement, pas de doute, Big Dan a tout ce qu’il faut! D’autre part, un défenseur met le pied, arrache des ballons, remporte des duels. Là, Van Buyten est moins efficace que d’autres même s’ils ne jouent pas au Bayern: ce qui est plus ennuyeux dans une défense ayant du boulot (comme souvent les Belges) que dans une équipe dominante (comme souvent le Bayern). Et si, sur cette base, un Marc Degryse prône une défense à quatre sans le Bavarois, cela n’a rien d’irrespectueux.
J’redis ça, j’redis rien. Mais adepte du dispositif qui s’adapte aux qualités des individus plutôt que l’inverse, je verrais bien Big Dan libero à l’ancienne: dans une défense basse à cinq, où ce serait d’abord à ses stoppeurs d’afficher de la vivacité dans les corps à corps! Ainsi régnerait-il derrière en planquant davantage son talon d’Achille, ainsi garderait-on le fol atout offensif qu’il représente ponctuellement. Franz Beckenbauer non plus n’arrachait guère de ballons. Alors, on s’offre un Kaiser Dan?
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