La Formule 1 peut-être vraiment être neutre en CO2? © Getty Images

La Formule 1 le promet: elle sera un sport propre d’ici 2030 (en arrangeant un peu les chiffres à sa manière)

La Formule 1 a diminué ses émissions de CO2 de 26% depuis 2018 et assure que ce n’est qu’un début. Derrière les chiffres et les communiqués, la vérité est toutefois plus nuancée.

C’est un refrain de l’été, qui se chante au doux son du vrombissement des moteurs. Chaque année, la Formule 1 profite de la chaude période estivale pour publier son rapport au sujet de l’évolution de la discipline dans le domaine du développement durable.

Dans la dernière mise à jour, le PDG Stefano Domenicali a déclaré que la F1 était en bonne voie pour réduire de moitié ses émissions de CO₂ d’ici 2030. Depuis 2018, ces émissions ont diminué de 26%, passant de 228.793 à 168.720 tonnes par an lors des sept dernières années. L’utilisation d’énergies renouvelables dans les bureaux et sur les circuits a permis de réduire les émissions de 59%, les carburants aériens durables (SAF) ont permis à eux seuls d’économiser 8.000 tonnes, et des conteneurs de fret plus efficaces ont limité l’impact de la logistique sur la consommation. En Europe, les camions roulent ainsi au biocarburant et 80% des organisateurs de Grand Prix utilisent des énergies vertes, telles que les panneaux solaires.

Un nouveau coup d’accélérateur est prévu pour la saison prochaine. A partir de 2026, les voitures de Formule 1 rouleront ainsi avec des carburants durables évolués et de nouveaux moteurs hybrides. Le calendrier de la F1 a également été mieux adapté afin d’améliorer la «circulation géographique» et de réduire les déplacements longue distance, en permettant des séjours prolongés aux équipes sur certaines parties de la surface du globe.

Les pollueurs oubliés de la Formule 1

Ces chiffres et initiatives semblent encourageants. D’autant plus que le nombre de courses est passé de 21 à 24 et que le nombre total de visiteurs de ces Grands Prix est passé de 4 à 6,5 millions au cours d’une saison. Face à ces évolutions qui vont plutôt dans le sens de la surenchère, la F1 confirme dans son rapport que «l’empreinte carbone aurait augmenté d’environ 10% par rapport à 2018 si aucun changement opérationnel n’avait été mis en œuvre pendant cette période.»

La question est de savoir s’il s’agit réellement d’une révolution. En effet, la base de référence des émissions en 2018 a été revue à la baisse a posteriori dans les faits, sans être adaptée dans les chiffres des rapports. Une nuance qui rend la réduction de 26% plus favorable en théorie qu’en pratique. Les émissions liées aux opérations logistiques –qui représentent 45 à 49 % du total– n’ont ainsi diminué que de 9 %. Le carburant aviation durable (SAF) est certes prometteur, mais sa production est coûteuse, rare et souvent gourmande en énergie. Sans oublier que s’ils représentent une opération marketing de choix en s’adressant directement aux voitures qui restent le produit-phare du paddock, les carburants entièrement durables utilisés pour les bolides de F1 représentent moins de 1% des émissions totales.

Les voitures de course ne sont pas le problème, contrairement aux vols et au fret vers les 24 Grands Prix prévus à l’agenda. Surtout, il y a l’éléphant dans la pièce dont la F1 ne parle pratiquement pas, parce qu’elle est au cœur de son business: les émissions de 6,5 millions de fans qui se déplacent vers la vingtaine de courses du calendrier.

Compensations carbone

Les «compensations carbone» constituent par contre un atout majeur (et publicitaire) du projet Net Zero pour 2030: il s’agit de projets, tels que la plantation de forêts ou l’installation d’éoliennes, qui visent à compenser les 50% restants des émissions.

Une fois de plus, sur papier, cela semble intéressant, mais cette solution reste fragile. De nombreux projets de compensation tels que la plantation de forêts s’avèrent moins efficaces en raison des incendies, d’une mauvaise gestion ou de revendications exagérées. C’est comme si la Formule 1 rachetait sa pollution sans modifier son comportement.

La Formule 1 mérite des éloges pour ses efforts. Mais la dure réalité est qu’un sport mondial avec 24 courses est intrinsèquement polluant. Médiatiquement, l’opération est en voie de réussite mais dans les faits, une F1 neutre en émissions de CO2 semble rester une utopie.

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