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L’univers impitoyable du football belge

Ce mercredi, la RTBF diffuse « Le milieu du terrain », produit d’une enquête longue de plus de deux ans dans les coulisses d’un football belge égratigné par le Footgate. Aperçu d’un monde trouble.

« Si vous voulez comprendre ce milieu, il faut gommer le ballon et le terrain. » Criminologue à l’Université de Liège, passionné de football et intervenant dans l’enquête diffusée ce mercredi par la RTBF dans sa série #Investigation, Michaël Dantinne délivre un précieux conseil. Le journaliste d’investigation Patrick Remacle et le journaliste sportif Thierry Luthers, associés à la conduite de cette enquête, l’appliquent dans un document où les protagonistes enfilent plus volontiers des montres au poignet que des crampons aux pieds.

Près de trois ans après le scandale du Footgate, qui secoue le monde du football belge à l’automne 2018, le tandem diagnostique un milieu en difficulté financière qui, faute de survivre grâce à sa billetterie, ses sponsors ou ses droits télévisés, ne peut pas garder la tête hors de l’eau sans passer par le marché des transferts. Les agents de joueurs deviennent donc des personnages centraux, et installent au sein de nos frontières leurs propres règles dans un milieu où la proximité n’est pas que géographique. « Ce qui m’a marqué, c’est que c’est un monde où tout le monde s’appelle par son prénom », explique Patrick Remacle, amateur de football mais qui a découvert les coulisses du milieu à l’occasion de cette enquête. « On ne parle pas de Van Holsbeeck, mais d’ Herman, par exemple. Au 16 rue de la Loi, personne ne parle d’ Alexander pour évoquer le Premier ministre. Mais ici, ça fait partie de l’ambiance… »

Le foot belge: une atmosphère propice aux copinages et aux renvois d’ascenseurs, où les sentiments s’achètent parfois avec des montres de luxe.

Une atmosphère propice aux copinages et aux renvois d’ascenseurs, où les sentiments s’achètent parfois avec des montres de luxe. Au cours du documentaire, on découvre ainsi un témoignage écrit du responsable d’un club belge expliquant que Mogi Bayat – l’une des figures de proue du Footgate – a voulu lui offrir une ou deux montres en échange d’une implication dans les transferts.

C’est l’une des révélations fortes d’une enquête qui amène ses auteurs à rencontrer des personnages atypiques du football belge, notamment l’ancien président du Standard Roland Duchâtelet ou l’ex-propriétaire de Charleroi et oncle de l’une des fratries les plus influentes du ballon rond national, Abbas Bayat, interviewé de l’autre côté de l’Atlantique.

« Le milieu du terrain », titre choisi en hommage (et avec le consentement de l’auteur) à un livre rédigé par le journaliste français Denis Robert, qui y recueille en 2006 les confessions d’un agent de football, est le résultat d’un long travail de rencontres au sein d’un monde où l’omerta est l’une des lois les mieux établies. Le travail s’est d’ailleurs avéré beaucoup plus long que prévu, tant à cause des difficultés créées par le Covid pour rencontrer ses protagonistes que du temps nécessaire à établir des relations de confiance menant à des entretiens face aux caméras. Il photographie un football belge qui s’est inventé ses propres lois, bien éloignées du spectacle de nonante minutes qui est censé tenir en haleine les supporters chaque week-end. Un milieu devenu plus fragile que jamais, notamment parce que la crise sanitaire a rendu encore plus importantes les rentrées d’argent potentielles pour arrêter l’hémorragie économique. Le constat est celui d’un football que les révélations du scandale de 2018 n’ont finalement pas vraiment changé, du moins jusqu’à ce que la justice rende ses conclusions.

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