L’oeil pour le football?

Depuis quelques semaines, je croise dans notre Sport/Foot Mag, et vous aussi, une pleine page de pub ma foi fort belle. C’est le très gros plan d’un oeil dont l’iris est un ballon de foot, oeil chapeauté d’un sourcil qui me fait me demander s’il s’agit de Zidane, de TomCruise ou d’un autre. Je verrais bien la photo en méga-poster quelque part dans ma baraque, je crois qu’elle me chatouillerait un bon moment la fibre esthétique. Elle en épaterait plus d’un dans le genre Art et Sport, et j’aurais l’impression d’être un peu au Musée des Arts Contemporains de la Communauté française, qui vient d’ouvrir ses portes sur le site du Grand-Hornu!

Vous n’allez pas me croire: j’ai croisé dix fois cette photo en l’appréciant chaque fois d’un oeil (!) mais subliminalement, et sans réaliser pour quel produit elle faisait la réclame. Parce que mon but est toujours de lire Sport/Foot Mag au plus vite, et que les pages de pub sont d’abord des obstacles à dribbler en pleine course! C’est seulement voici quelques jours, à l’occasion de la Commission provinciale d’études qui réunissait les clubs du Luxembourg, que j’ai pigé de quoi il s’agissait: Jean-Marie Mottet, président de notre CPA, a présenté la photo en évoquant la nouvelle campagne urbsfienne qui vise à recruter des arbitres. Sous le très gros oeil, en très petit, une phrase dit: « Vous avez l’oeil pour le football? Devenez arbitre! »

C’est une pub pleine de bonne volonté pour tenter une énième fois, avec une belle persévérance, de résoudre un problème endémique. C’est une pub meilleure que la précédente, ce qui n’était pas difficile vu que la précédente atteignait les sommets de la publicité dissuasive: tu avais une vague envie de te lancer dans l’arbitrage, tu regardais un moment l’affiche de la buvette sur laquelle un mec en noir, raide comme un piquet, brandissait un carton. Et, fataliste, tu recommandais une chope au comptoir: en te disant qu’il était quand même plus distrayant de gueuler de temps en temps que de se faire engueuler souvent…

Il y a 6.500 arbitres en Belgique, il en faudrait 8.500 pour que tous les matches soient dûment arbitrés. En Province de Luxembourg, sur quelques années, on a chuté de 356 à 278 arbitres. J’ai déjà glosé de cette carence, je ne regloserai pas aujourd’hui: je répète simplement que, notre footu règlement étant ce qu’il est, je trouve admirable qu’il y ait encore autant de masochistes complaisants, disposés à se faire honnir chaque semaine sur les terrains de province. Chaque semaine? C’est là où je voulais en venir pour tenter d’apporter ma pierre à l’édifice branlant. Dans son exposé, Jean-Marie Mottet signalait aussi le nombre grandissant de forfaits ponctuels à l’approche du match : entre le jeudi et le dimanche, il peut y avoir jusqu’à 50 coups de fils d’arbitre empêchés en dernière minute… Et Jean-Marie Mottet de déplorer que certains « aillent à l’arbitrage comme d’autres à la messe: parfois oui et parfois non, alors que l’arbitrage doit être une vocation… »

Justement pas. Cette déploration est une erreur, toutes les vocations étant relatives. Une bonne manière d’avoir davantage d’arbitres le week-end serait justement d’accepter tous ceux qui sont prêts à arbitrer, mais seulement une fois sur trois ou sur quatre, au lieu de leur reprocher une motivation insuffisante. Il y aurait d’une part moins d’empêchements douteux de dernière minute, et d’autre part quelques bonnes volontés hebdomadaires supplémentaires: quand tu t’es fait traiter durant 90 minutes de tous les noms d’oiseaux, il est assez humain de prendre deux ou trois semaines pour digérer les lazzi, avant d’avoir envie de remettre ça! Supposons qu’à la messe, Jean-Marie, le curé ait le choix entre une église toujours à moitié vide et une église remplie une fois sur quatre: fût-ce en désespoir de cause, Dieu et lui choisiront la seconde solution. Ainsi soit-il.

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