Le Titi de Daknam

L’avant des Espoirs d’origine congolaise a expédié Lokeren au paradis.

Dimanche 20 mars 2011, soir historique pour Lokeren. Match à Saint-Trond, c’est encore 0-0 à la 58e minute quand Benjamin Mokulu Tembe (21 ans) monte au jeu. Rudi Cossey, l’adjoint de Peter Maes, lui souffle :  » Fais la différence. Je sens que tu vas marquer.  » Dix minutes plus tard, c’est 0-1. Dans les dernières secondes, ça passe à 0-2. Deux buts de Mokulu. Et pour Lokeren, une qualification historique pour les play-offs.

 » Je me suis senti énormément soulagé après ce match. Je suis quand même un vrai attaquant et je marquais beaucoup trop peu cette saison. Quand je suis monté à Saint-Trond, j’étais un joueur frustré et fâché. Depuis plusieurs semaines, je commençais systématiquement sur le banc. Mais je ne pouvais pas donner tort au coach : il faisait confiance à Alfred Finnbogason parce qu’il trouvait facilement le chemin du but. On n’enlève pas comme ça un gars qui marque.  »

L’histoire de Mokulu (que ses copains comparent physiquement à Michael Jordan) n’est pas banale. Son cadre de vie comme gosse ? Le quartier de la Gare du Nord à Bruxelles avec ses bâtiments démesurés, ses petites rues tristes, le mixage des couleurs, la débrouille et la délinquance.  » Quand tu grandis dans un environnement pareil, tu apprends à ne pas planer dès que ça va bien pour toi. J’ai souvent joué au foot dans le parc avec Vincent Kompany et son frère François est devenu un de mes meilleurs potes.  » Son contexte familial ? Une ribambelle de… 19 frères et s£urs, aujourd’hui répartis un peu partout dans le monde : au Canada, au Congo où se trouvent les origines de la famille, aux Etats-Unis, en Finlande, en Russie où un de ses frères a été brièvement footballeur pro, en France et aux Pays-Bas.

Ce contexte particulier, Benjamin avoue qu’il en a souffert :  » Mes parents étaient séparés, et quand je me suis affilié au Brussels qui m’avait transféré de Ganshoren, ils avaient près de 70 ans. Donc, ils ne bougeaient plus beaucoup. Je ne me sentais guère soutenu. Mes coéquipiers étaient amenés aux entraînements et aux matches par leurs parents, qui s’installaient au bord du terrain pour les encourager. Moi, j’étais seul. Très seul. Je prenais le métro pour aller au stade, puis je devais me débrouiller sans aucun soutien. Je n’avais pas un père qui allait se plaindre chez l’entraîneur quand je n’étais pas dans l’équipe… « 

Quand il débute en équipe Première du Brussels en 1997, à 18 ans, Mokulu est le plus jeune joueur qui reçoit des minutes de jeu en D1 cette saison-là.  » Le Brussels restera toujours le club de mon c£ur. C’est là que j’ai tout appris, c’est là que j’ai reçu ma chance.  » C’est là aussi qu’il a complètement changé de rôle au fil des années : d’abord défenseur, ensuite médian défensif, enfin attaquant. Dès qu’il devient semi-pro, il passe aussi soutien de famille : il cède la moitié de son salaire à sa mère, qui en a grandement besoin pour honorer ses factures de gaz et d’électricité.

Bientôt définitivement Congolais ?

Début 2008, il n’est pas incontournable au Stade Machtens et prêté à l’Union Saint-Gilloise. Puis, il passe à Ostende, où il explose dans le championnat de D2. C’est là que plusieurs bons clubs le repèrent et l’abordent : Zulte Waregem, le Germinal Beerschot, Saint-Trond, mais aussi Genk, La Gantoise et le Standard. Lokeren emporte la palme en janvier 2010 et il quitte le littoral avec un CV de 11 buts en 14 matches. Merci Willy Verhoost, l’homme qui a plus qu’un faible pour le recrutement de footballeurs d’origine africaine.

Avec les Espoirs belges, Mokulu a fait de bonnes choses. On lui doit notamment une victoire marquante en France : 0-1 où il avait scoré. Il a fait partie du gros contingent de joueurs ayant du sang africain. Il y a côtoyé notamment Yves Ma-Kalambay, Derick Tshimanga, Joachim Mununga, Geoffrey Mujangi Bia, Ritchie Kitoko, Hervé Kagé, Dedrick Boyata, Naïm Aarab, Yassine El Ghanassy, Denis Odoi, Vadis Odjidja. Mais il est peu probable qu’on voie un jour Mokulu avec le maillot des Diables. Parce que, comme certains autres joueurs précités, il est sur le point d’opter définitivement pour le Congo. En février dernier, il a accepté l’invitation du coach Robert Nouzaret pour affronter le Gabon à Paris. Ce n’était qu’un match amical et il n’y a donc encore rien de définitif. Mais c’est un signe. Dès la prochaine rencontre officielle, il pourrait être lié pour de bon à ce pays.

Le numéro 14 de Lokeren ( » En référence à Thierry Henry pendant sa période Arsenal « ) veut avant tout rester dans le onze de Maes et augmenter sa productivité. Il l’a bien dit après le match de sa vie à Saint-Trond : cinq buts, ce n’est pas suffisant. Pourtant, il a joué 30 matches : impossible de faire mieux. Dont 25 fois comme titulaire. Et plus tard ?  » Mes vieux jours, je les imagine dans le sud de la France, dans la région de Lyon ou de Marseille par exemple. Avec cinq enfants. Deux filles. Et trois garçons qui joueront au foot.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTO: IMAGEGLOBE

Son contexte familial ? Une ribambelle de… 19 frères et s£urs, aujourd’hui répartis un peu partout dans le monde.

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