Le flanc droit ivoirien respire la grande forme en ce début de saison et veut se dominer.
Depuis le début de la saison, Aruna Dindane (20 ans) est, au même titre que Glen De Boeck, l’un des hommes en forme du RSCA. Tous deux auront d’ailleurs grandement contribué à la qualification des Mauves en Ligue des Champions, la semaine dernière. Le capitaine, en inscrivant un but précieux contre Halmstad, comme il l’avait déjà fait précédemment, à trois reprises, face au Sheriff Tiraspol. Et l’Ivoirien en multipliant ses tours de passe-passe sur l’aile droite, devant un Fredrik Andersson médusé. Une performance d’autant plus extraordinaire que le jeune attaquant des Mauves avait abordé cette rencontre diminué.
Aruna Dindane: Je ressentais une légère gêne au coccyx, due à une chute malencontreuse à l’entraînement, le lundi précédant. Par moments, en pleine course, j’étais subitement tiraillé par des élancements. Aussi n’ai-je joué que par à-coups. Au terme de chaque déboulé, j’éprouvais le besoin de me ménager un peu. En temps normal, je suis d’ailleurs coutumier de telles séquences où je lève quelque peu le pied. Mon ancien coach à l’Académie de l’ASEC, Jean-Marc Guillou, me reprochait d’ailleurs cela. Mais je pense qu’il est propre à un footballeur explosif, comme moi. Si je n’en gardais pas sous la semelle après chacun de mes déboulés, je ne finirais probablement jamais une partie.
Va-nu-pieds
Présent au Parc Astrid lors de la rencontre face à Halmstad, votre ex-mentor nous a confié que votre transformation physique l’a frappé.
Lors de mon enrôlement au centre de formation de Sol Béni, je pesais soixante kilos et je n’étais pas plus haut que trois pommes. Mes compagnons d’âge, tels Didier Zokora, du Racing Genk, ou encore Gilles Yapi Yapo et Zézé Zezeto, de Beveren, étaient d’ailleurs logés à la même enseigne. Jean-Marc Guillou nous avait trouvé un sobriquet révélateur: les va-nu-pieds ( il rit). Grâce au traitement qui nous fut réservé à l’Académie, nous nous étions déjà tous étoffés. J’avais pris quelques kilos de muscles là-bas. Depuis mon arrivée au Sporting, une demi-douzaine d’autres se sont ajoutés. Ce n’est pas un luxe superflu pour se tirer d’affaire, ici, dans un championnat aussi engagé. En Côte-d’Ivoire, la technique suffisait pour faire la différence. Chez vous, il faut l’assaisonner d’une solide dose de physique pour faire illusion ( il rit).
Pour un nouveau venu, originaire d’une autre culture footballistique, vos statistiques n’auront pas été banales la saison passée: 25 apparitions en équipe fanion, 5 buts et 8 assists. En espériez-vous autant?
A l’heure des premiers bilans, j’avais un goût de trop peu, dans la mesure où je n’avais été titularisé qu’à trois reprises en championnat, en l’espace de 34 matches: à l’Excelsior Mouscron d’abord, puis au Lierse et, en définitive, à La Louvière. Mais à y regarder de plus près, mes 926 minutes de temps de jeu effectif représentaient quand même plus de dix matches. C’était quand même deux fois plus que Souleymane Youla qui pouvait se targuer d’un vécu en Belgique. C’est pourquoi, en découvrant les chiffres parus dans votre revue en fin de saison, je n’étais pas trop mécontent. Même si je vise beaucoup plus cette saison.
Votre manager dit que vous vous étiez mis personnellement la pression, à votre retour, cet été.
Quand j’ai été avisé des départs de Jan Koller, Tomasz Radzinski, Souleymane Youla et Frédéric Pierre, je me suis dit que j’avais une bonne carte à jouer et j’ai redoublé d’ardeur au pays afin de revenir affûté à la reprise des entraînements, début juillet. Dans un premier temps, je suis resté en mouvement avec les Eléphants de Côte-d’Ivoire: il nous restait à disputer trois matches de qualification pour la Coupe du Monde. Puis, l’espace d’une dizaine de jours, j’ai entretenu ma condition avec les autres jeunes, à l’Académie et en solitaire.
Ibrox Park : bon pour le moral
Compte tenu de votre présence dans le dernier match de qualification contre le Congo-Brazzaville, fin juin, Aimé Anthuenis avait voulu vous ménager à l’occasion de la reprise. Vous n’étiez même pas obligé d’accompagner vos partenaires à Glasgow, pour un match amical contre les Rangers. Non seulement, vous aviez tenu à être du voyage mais, en plus, vous vous étiez révélé l’un des meilleurs Anderlechtois à Ibrox Park…
Les Ecossais venaient tout juste d’entamer leur préparation alors que le Sporting était déjà un peu plus avancé en la matière. Etant donné que j’avais moi-même continué à m’entraîner et à disputer des matches à un haut niveau, j’étais le joueur le mieux en condition, probablement. Voilà pourquoi j’avais pu me montrer à mon avantage. Mais pour mon moral, cette prestation-là m’avait fait du bien, c’est sûr. J’y voyais la preuve que j’étais sur la bonne voie.
Peu après, lors d’une autre joute amicale, au FC Twente cette fois, le président Roger Vanden Stock n’avait pas hésité, à la mi-temps, à téléphoner à son épouse, tant vous l’aviez régalé durant cette période?
Etre titulaire, comme ce fut le cas à Enschede, est un luxe que je n’avais pas connu très souvent la saison passée, comme je viens de le préciser. Aussi avais-je voulu profiter de cette nouvelle occasion qui m’était donnée de m’illustrer, pour mettre le plus d’atouts possibles de mon côté. C’est pourquoi j’avais multiplié les actions d’éclat là-bas. J’étais vraiment dans un jour de grâce et j’ai voulu y goûter pleinement. Cela m’a particulièrement réussi. Mais, à d’autres moments, j’ai parfois tendance à en faire trop. Je dois encore trouver le juste milieu.
Vos sorcelleries, balle au pied, constituent un ravissement pour l’oeil mais ont parfois le don aussi d’énerver votre opposant, qui tente alors de vous déstabililiser. La preuve par la finale de la Supercoupe de Belgique, à Westerlo, où vous avez été renvoyé du terrain après une réaction épidermique sur un tackle appuyé de Björn De Coninck. Par après, il y eut encore quelques frictions du même genre à La Louvière et même récemment, en Coupe d’Europe, face à Halmstad.
Si je veux continuer sur la bonne voie, je dois apprendre à me dominer. Et j’y parviendrai, j’en suis sûr. Il faut simplement me laisser le temps de digérer ce phénomène tout nouveau pour moi. Jusqu’à présent, je n’avais jamais eu affaire à un adversaire qui essayait de me provoquer. J’en ai fait pour la première fois l’expérience à Westerlo, où j’ai dû encaisser aussi bien des vilains gestes que des mots odieux. Ce fut un choc et j’ai mal réagi. Je pensais que c’était un cas exceptionnel et que les choses en resteraient là. Hélas, l’histoire s’est répétée, tant au Tivoli qu’en compétition européenne. Aussi dois-je m’en faire une raison aujourd’hui: il faut que je fasse fi de tels comportements afin que je me concentre sur le seul football et non sur ses dérives. On me cite sans cesse, à présent, l’exemple de Khalilou Fadiga, le brillant ailier sénégalais dont la trajectoire aurait été somptueuse ici si, en raison de l’attitude déplorable de ses adversaires, il n’avait pas pété les plombs sur le terrain. Je veux à tout prix me garder de l’imiter.
« Je ne veux pas ridiculiser mon adversaire direct »
A force de tourner votre opposant direct en bourrique, ne suscitez-vous pas un comportement revanchard?
Je n’ai jamais l’intention de ridiculiser un adversaire. S’il arrive que je dribble et redribble le même homme, ce n’est pas par envie de jouer avec ses pieds et d’épater la galerie. Je cherche tout simplement à délivrer mes services dans les meilleures conditions. Au moment de centrer, il faut que mon défenseur n’ait plus l’occasion, par un tackle, de dévier le cuir en coup de coin, par exemple. Pour cette raison, au lieu de donner la balle en un temps, je préfère parfois la ramener sur mon pied gauche, quitte à repartir du droit.
Vous venez d’évoquer les centres, l’une des actions caractéristiques d’un joueur de débordement. A ce propos, quelle est votre meilleure place: attaquant axial ou latéral droit?
Depuis que je suis au Sporting, om me répète sans cesse que je suis plus performant sur l’aile. Et c’est vrai que les statistiques abondent dans ce sens, j’ai délivré davantage d’assists que scoré la saison passée. Il n’empêche qu’en Côte d’Ivoire, j’étais le meilleur buteur de l’ASEC. En réalité, tout dépend du système dans lequel un footballeur est appelé à s’exprimer. A Abidjan, Jean-Marc Guillou plaidait pour un 4-4-2 avec deux attaquants de pointe appelés à délaisser régulièrement leur position axiale afin de se mouvoir vers les flancs. A charge alors pour Zézé Zezeto et moi-même, qui évoluions sur les ailes, de plonger dans les espaces libérés au centre du jeu. Ici, c’est différent. On attend vraiment de joueurs comme Saïd et moi que nous délivrions de bons ballons depuis les couloirs. Je m’y plie mais je reste convaincu que j’ai autant le sens du goal qu’un autre. Je l’ai quand même démontré à cinq reprises en championnat, l’année passée, en dépit du fait que mon temps était compté à chaque apparition. Sans oublier que j’ai marqué en Ligue des Champions aussi, face au Real Madrid.
Un adversaire que vous allez retrouver sous peu à présent. Que vous inspire le tirage?
J’aurais préféré me frotter à des noms moins prestigieux, avec la perspective réelle d’une qualification pour le deuxième tour de l’épreuve. Par là même, je m’écarte évidemment de la plupart de mes partenaires, alléchés par ces affiches. Pour moi, le plus important n’est pas l’adversaire mais la durée du parcours. A cet égard, je crains que la tâche sera autrement plus coriace que la saison passée. Mais mon voeu sera peut-être exaucé, qui sait, si le Sporting assure bien sa reconversion en Coupe de l’UEFA. Compte tenu des forces en présence dans notre groupe, cette perspective-là doit être notre objectif.
Bruno Govers