Le Brussels vit seulement sa quatrième saison parmi l’élite, mais il a déjà été demi-finaliste des play-offs et demi-finaliste de la Coupe de Belgique. Et, actuellement, il occupe la troisième place du classement.
Jeudi après-midi, dans la salle de Neder-over-Heembeek. C’est le début de l’entraînement pour le Basic-Fit Brussels. Les Bruxellois sont la révélation de la saison, avec les Kangoeroes de Willebroek. Ils occupent la troisième place du classement, devant des équipes renommées comme Charleroi ou Mons, alors qu’ils vivent seulement leur quatrième saison en D1. » Et on a même la deuxième place d’Anvers dans le collimateur « , se risque l’ailier MaximeDepuydt. » Mais ne nous emballons pas et essayons d’abord de rester là où nous sommes, car le classement est très serré. »
UNE BANDE D’AMIS
C’est en 2013 que le Brussels décide de franchir le pas et de demander la licence pour la D1. L’Excelsior, comme il s’appelait à l’époque, n’avait pourtant terminé qu’en milieu de classement en D2, mais il n’est désormais plus indispensable d’être champion pour être promu : il » suffit » de remplir les conditions nécessaires. La Ligue, qui a été confrontée à la disparition de plusieurs clubs au cours de la dernière décennie, est toute heureuse d’accueillir de nouveaux locataires.
Et encore plus si ceux-ci sont bruxellois, car la capitale n’avait plus de club au plus haut niveau depuis la faillite de l’Atomia, qui évoluait au Palais du Midi, en 2007. » Si nous avons décidé de tenter l’aventure, c’est parce que nous formions une bande d’amis, à la fois ambitieux et dynamiques, au sein du comité « , explique le président AndréDeKandelaer. » C’était un projet audacieux. Je n’avais aucun doute sur le fait que nous le mènerions à bien, mais je ne pensais pas que le succès serait aussi vite au rendez-vous. »
De Kandelaer était à la tête de la société JeanGoldschmidtInternational, spécialisée dans le recyclage des métaux non ferreux avec l’usine Hydrometal. Il est à la retraite depuis le 1er août – » Et, comme tous les pensionnés, je travaille donc deux fois plus » – et est un enfant de l’Excelsior. Il a commencé à jouer au basket dans ce club à 14 ans et en a assumé la présidence une première fois (alors qu’il n’avait que 25 ans) de 1978 à 1988, pour la reprendre en 1998 jusqu’à nos jours. » Tout commence et tout s’arrête lors des années en 8, mais je n’ai pas l’intention de jeter l’éponge en 2018 « , rassure-t-il. » Peut-être en 2028, mais on n’en est pas encore là… »
Lui et le coach SergeCrevecoeur se vouent une profonde amitié. Crevecoeur a même travaillé dans la société du président pendant quatre ans, comme secrétaire général. En fait, il est plus qu’un coach : il est aussi le manager du Brussels, l’homme qui recherche des sponsors et qui supervise l’école des jeunes. Et les Belgian Lions viennent de faire appel à lui pour devenir l’un des assistants d’EddyCasteels en équipe nationale. » C’est beaucoup pour un seul homme « , concède De Kandelaer. » Mais comme c’est un homme intelligent et un gros travailleur, je n’ai aucun doute qu’il parviendra à tout combiner. »
CREVECOEUR, COACH DE L’ANNÉE ?
Serge Crevecoeur est le fils de GuyCrevecoeur, un ancien entraîneur de basket qui a été très longtemps à la tête du service des sports de l’ULB et qui a été manager de l’équipe nationale à l’époque de LéonWandel, à la fin des années 80. Il a donc baigné dans le basket depuis tout petit. » Ce que mon père m’a transmis, c’est d’abord la passion « , explique-t-il. » Le premier match de basket auquel j’ai assisté, c’était un match de l’UR Namur. Je devais avoir cinq ou six ans. Après, une fois par semaine, j’ai accompagné mon père aux entraînements de Mariembourg. J’ai été joueur aussi, mais la D3 a été mon sommet. J’ose espérer que je suis meilleur coach que joueur… »
Le virus s’est donc rapidement introduit dans le sang. Pourtant, dans un premier temps, Crevecoeur semblait se destiner davantage à une carrière plus » intellectuelle « . Il a travaillé dans le secteur bancaire pendant 15 ans, dont dix ans à l’étranger : Londres, Amsterdam et Munich. » J’étais en voyage 200 jours par an. C’est un métier exigeant, fatigant et, croyez-moi, bien plus stressant que celui de coach. Certes, j’ai la chance de coacher dans un club où j’ai l’assurance de ne pas être viré après trois défaites d’affilée, mais quand même… »
Sa carrière de coach a commencé au plus bas niveau. » Au Linthout, en P2. Puis aux Anciens 13, en P1. De Kandelaer m’a contacté pour devenir assistant-coach de PhilippeHoornaert, considéré comme une » encyclopédie vivante » à l’Excelsior, en D3, mais j’avais déjà donné ma parole à Sombreffe. Et je suis un homme de parole. Malheureusement (ou heureusement, c’est selon) cela a tourné au vinaigre à Sombreffe : les joueurs n’étaient plus payés et je me suis rapidement rendu compte que je n’avais pas fait le bon choix. J’ai moi-même repris contact avec André, qui m’a demandé : -Tu as des couilles ? Il ne me proposait plus le poste d’assistant, mais de coach principal. »
C’était en 2008, l’Excelsior était en D3. Aujourd’hui, il est 3e en D1, toujours avec Crevecoeur à la barre. » Je peux comprendre les doutes de certaines personnes extérieures sur mes capacités à coacher parmi l’élite, car je n’avais effectivement aucune expérience de ce niveau. Mais j’ai appris. Et je continue d’apprendre. Tous les jours… »
Au point que, si le Brussels conserve sa troisième place, Crevecoeur serait un sérieux candidat au titre de Coach de l’Année. » Ce n’est vraiment pas le plus important. L’essentiel, c’est que le club continue à grandir. » Et pour cela, il faut des moyens. » Aujourd’hui, le budget est bouclé à 65 % par le privé, c’est déjà un progrès considérable. Nous comptons entre 75 et 80 partenaires. Certes, pas aussi présents que le sponsor principal, Basic-Fit, mais ils apportent tous leur pierre à l’édifice. »
MUYA, LE CHAÎNON MANQUANT
Le Brussels est confronté à l’exiguïté de sa salle : une capacité d’un bon millier de spectateurs, pas plus. C’est aussi une salle multisports, utilisée par des écoles et des clubs amateurs. Lors de chaque match, une société se charge de recoller les lignes. Coût de l’opération : 25.000 euros par saison. L’échevin des Sports de la Ville de Bruxelles, AlainCourtois, a déjà fait beaucoup de promesses pour la construction d’une nouvelle salle, mais l’ancien secrétaire général de l’Union belge de football a d’autres soucis avec le stade national et l’organisation de l’EURO 2020.
» Je crois sincèrement que Courtois fait tout ce qu’il peut pour nous aider « , assure Crevecoeur. » Et il a pris goût au basket. Mais il n’est pas le seul à décider. Le projet du Primerose semble voué à l’échec. On est en train de regarder du côté du Trademart. »
Le Brussels a suivi une progression quasi linéaire depuis son accession à la D1. Absent des play-offs les deux premières saisons, il s’est qualifiée pour le Top 8 au terme de la troisième saison et a atteint les demi-finales, en éliminant Charleroi en quarts. Cette saison, il a atteint les demi-finales de la Coupe de Belgique où il a eu la malchance de tomber sur l’ogre ostendais. Mais, en championnat, il réalise un parcours étonnant.
Paradoxalement, cette troisième place est obtenue alors que le Brussels a dû se séparer, l’été dernier, de ses deux » vedettes » : le pivot américain JulianGamble, imposant dans la raquette, et l’arrière DonaldSims, gros marqueur. Mais l’équipe actuelle est peut-être plus équilibrée. Le Brussels est l’une des équipes qui délivre le plus d’assists et aussi l’une de celles qui fait la part belle aux joueurs belges, en termes de temps de jeu comme en termes de scoring.
Le distributeur anversois DomienLoubry est là depuis le début. Le club bruxellois est allé le chercher en D2, où il avait dû se réfugier pendant plusieurs années après la relégation volontaire de Gand. Son style débridé plaît au public : il est capable d’enflammer la salle et d’envoyer des missiles bien au-delà de la ligne des 6m75.
Le pivot belgo-polonais AlexandreLichodzjiewski est une autre bonne pioche : il avait quasiment disparu de la circulation lorsque le Brussels est allé le chercher dans un club anonyme du pays de son père. Un joueur atypique, un pivot capable de tirer à trois points. Maxime Depuydt, lui, est l’enfant de la maison. Bruxellois de naissance, même s’il réside désormais à Braine-l’Alleud, il était déjà présent en D2 et a progressé au même rythme que le club.
Derrière, il y a d’autres jeunes, comme les frères Niels et JonasFoerts. Car le Brussels mise aussi sur la formation. Il y a un an et demi, en attirant GuyMuya qui jouait à Ostende, le club a sans doute trouvé la pièce manquante du puzzle : un joueur d’expérience, qui défend, qui organise et qui se comporte en leader. » Ce leadership est important, y compris dans le vestiaire. Avant, on n’avait pas de leader « , souligne Crevecoeur.
Car, jusque-là, le Brussels était surtout une équipe qui jouait par à-coups : capable de prendre 15 points d’avance sur trois minutes de folie, mais aussi de perdre ces 15 points sur trois minutes d’absence. » Mais ce jeu spectaculaire était nécessaire pour séduire le public bruxellois, qui n’était plus habitué à prendre le chemin d’une salle de basket de l’élite « , justifie Crevecoeur.
UN GROS POTENTIEL SPECTATEURS
Ce chemin, le public bruxellois l’a réemprunté en masse à deux reprises, lors du » Wilink Game » : près de 7.000 spectateurs en mars 2016 à Forest National (contre Charleroi), un peu plus de 6.000 spectateurs en mars 2017 au Palais 12 (contre Anvers) malgré la concurrence de la finale de la Coupe de Belgique de football, organisée au même moment au Stade Roi Baudouin. Crevecoeur en avait la larme à l’oeil.
» Quand on se remémore où l’on était encore il y a dix ans, c’est incroyable ce qu’on a réalisé. Pour l’occasion, on a refusé toute gratuité. Certes, les prix étaient démocratiques : 10 euros, avec un billet enfant offert à l’achat de chaque billet adulte. On a organisé des actions vis-à-vis des autres clubs bruxellois. Certains clubs ont commandé plus de 100 tickets. Deux sociétés ont aussi acheté 500 places.
On se veut le club de tous les Bruxellois, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a rebaptisé le club » Brussels Basketball » au lieu d’Excelsior, lors de l’accession à la D1. Certes, on n’est pas encore en mesure d’accueillir 6.000 spectateurs à chaque match. Mais, petit à petit, l’oiseau fait son nid. Nous essaierons de renouveler l’expérience chaque année. »
Le Brussels essaiera aussi de regoûter aux coupes européennes. » Mais pour cela, il faut d’abord se qualifier… Je pense sincèrement que notre participation à la FIBA Europe Cup n’est pas étrangère à notre troisième place. Même si on n’a gagné qu’un match sur six, on a appris énormément. »
Et l’avenir ? » La priorité, c’est la salle « , affirme Crevecoeur. » C’est indispensable pour continuer à grandir. À Neder-over-Heembeek, on est limité au niveau de l’accueil des spectateurs, mais aussi de l’accueil des VIP. Sur le plan sportif, si l’on confirme la troisième place, ce sera difficile de faire mieux. Car on ne lutte pas à armes égales avec les clubs qui nous précèdent… ni même avec ceux que nous précédons actuellement ! »
PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS BELGAIMAGE
En 2008, l’Excelsior était en D3. Aujourd’hui, il est 3e en D1 !
» La priorité, c’est la salle. C’est indispensable pour continuer à grandir. » SERGE CREVECOEUR