
LA RUHR TOURNE
Le week-end dernier, le bassin de la Ruhr vivait son grand derby, Schalke-Dortmund. La semaine prochaine, vingt ans après leur succès en coupe d’Europe, les deux clubs disputent les quarts de finale. Jadis, sept clubs représentaient cette région en Bundesliga. Voyage au coeur du football allemand.
A Moers, à deux heures de route de Bruxelles, une fois le pont du Rhin franchi, les imposantes usines Thyssen et leurs énormes cheminées forment une sorte de porte d’accès à la Ruhr. Trois autoroutes traversent les 50 kilomètres qui séparent Duisbourg, à l’est de Dortmund, à l’ouest : les A2, A40 et A42. S’y ajoutent les autoroutes reliant le nord au sud. Ce ne sont que bouchons, à cause de la densité du réseau, de la concentration des entreprises et des villes et villages qui finissent par former une seule et immense agglomération.
Dans les années 50, cette région de 5,5 millions d’habitants formait le coeur économique de l’Europe. Le label » made in Germany » s’est imposé davantage encore dans les années 60 et 70. De nos jours, c’est la région au taux de chômage le plus élevé d’Allemagne : 20 %. 22 % des habitants de Dortmund, la capitale du football, gagnent moins de 60 % du revenu basique de la classe moyenne.
La Ruhr a également été le coeur du football allemand dans les années 50 et 60. Lors de la fondation des Oberligas, après la guerre, 8 des 13 clubs d’Oberliga West, le championnat le plus relevé, étaient implantés dans ce bassin minier.
Il ne reste désormais que deux clubs parmi l’élite. En 54 ans de Bundesliga, un seul représentant de la Ruhr a été sacré champion : le Borussia Dortmund, qui compte trois titres mais qui a dû patienter 32 ans après son dernier sacre classique, en 1963. L’autre grand de la Ruhr, Schalke 04, attend vainement cette consécration depuis 1958.
La mise sur pied de la Bundesliga, assortie de la professionnalisation du football, a sonné la fin des clubs de la Ruhr. Jusque-là, les joueurs pouvaient gagner 320 Mark par mois (160 euros). Il s’agissait donc d’attirer des joueurs qui avaient un bon emploi et, après la guerre, c’était dans le poumon économique de l’Allemagne.
L’introduction du professionnalisme a diminué l’importance d’un autre emploi. En outre, à partir des années 60, les mines et les usines métallurgiques ont commencé à fermer. Les clubs qui dépendaient de l’économie locale en ont immanquablement souffert.
DUISBOURG – KM 0 MSV DUISBOURG
Division trois
28 ans en Bundesliga (dernière saison : 2007-2008)
Duisbourg compte 490.000 habitants.
» Où se trouve Meiderich ? « , a demandé Uwe Seeler, la légende du HSV, quand il s’est rendu à Duisbourg lors de la première saison de Bundesliga, en 1963-64. La réponse ne s’est pas fait attendre : Hambourg a été défait 4-0 par ce club inconnu qui s’était faufilé parmi les seize équipes du nouveau championnat.
L’U-Bahn de Düsseldorf Sud mène au stade de Meiderich. Comme à Bruxelles, le métro rassemble toutes les couleurs, toutes les religions, tous les styles vestimentaires.
Duisbourg a été la métropole de la région jusque dans les années 50. Les gens venaient de toute l’Allemagne pour travailler et se détendre dans la ville portuaire du Moyen-Age, qui reste le plus grand port intérieur d’Europe. Maintenant, les habitants de Duisbourg, comme du reste de la Ruhr, préfèrent Essen et Oberhausen.
Duisbourg se cherche une nouvelle identité. Elle a quelque chose de Charleroi, d’après Frank Switala, qui travaille au service touristique et a récemment reçu le bourgmestre de Charleroi, Paul Magnette. Il reconnaît dans la foulée que son idole est un Belge, Jean Marie Pfaff. » Il a amené de l’humour dans le football. »
Le Meiderich SV était initialement un club de quartier au nord de Duisbourg. Jusqu’au début des années 60, il n’était qu’un des quatre clubs de Duisbourg en Oberliga West. En 1905, Meiderich a fusionné avec Duisbourg mais se considère toujours comme une entité à part, explique Switala. » Un habitant de Meiderich continue à dire qu’il va à Duisbourg alors qu’il y habite. »
Le stade, sis Westender Strasse, où Meiderich a disputé ses matches de 1924 à 1963, est devenu le complexe d’entraînement du MSV Duisburg. Comme le stade, qui accueillait régulièrement 27.000 spectateurs, n’était pas confortable, la ville a érigé le Wedaustadion, dans le parc du même nom. C’est là que le Meiderich SV a surpris Uwe Seeler et maints autres durant la première saison de Bundesliga.
L’entraîneur Rudi Gutendorf a embauché jadis l’homme qui avait inscrit le but de la victoire en finale du Mondial 1954 mais Helmuth Rahn, âgé de 34 ans, avait un problème avec sa montre et avec l’alcool. Gutendorf le recevait donc régulièrement chez lui. Une fois, Rahn est arrivé avant l’entraîneur. Dans sa cave, il a découvert un joli stock de vin. Au retour de Gutendorf, deux de ses meilleures bouteilles étaient vides et Rahn était hagard.
Cette saison-là, le Meiderich SV, qui avait le plus petit budget, a été champion d’automne puis vice-champion d’Allemagne, derrière le FC Cologne. En 1967, il a changé de nom pour devenir le MSV Duisbourg, en échange du soutien financier de la ville.
Depuis 2003, le stade est moderne et a été baptisé du nom d’un sponsor : la Schauinsland-Reisen-Arena. Le MSV a fait faillite en 2013 mais a été autorisé à évoluer en D3 suite aux manifestations des supporters. Il est actuellement dans le peloton de la série et peut viser la promotion.
DUISBURG – OBERHAUSEN 17 KM ROT-WEISS OBERHAUSEN
Division quatre (Regionalliga West)
4 ans en Bundesliga (dernière saison : 1972-1973)
Oberhausen compte 210.000 habitants
Au milieu du 19e siècle, avant la construction d’une usine métallurgique, Oberhausen ne comptait que 5.000 habitants. Comme on allait construire une gare pour convoyer les ouvriers et la marchandise, on a donné au village le nom du château local, Oberhausen. Celui-ci passe quasi inaperçu, à la sortie de l’A42 conduisant au centre. En 1900, Oberhausen comptait déjà 50.000 âmes et maintenant, c’est une grande ville.
En 1969, son club a accédé à la Bundesliga, sans que le Rot-Weiss Oberhausen fasse jamais mieux qu’une 14e place. En 1973, l’équipe a définitivement pris congé de l’élite. Elle joue maintenant dans le vieux Niederreihnstadion, situé Lindnerstrasse, à la sortie de l’A40. Bien que l’équipe ne joue qu’en D4, elle attire une moyenne de 2.000 personnes, grâce aux nombreux derbies de la Ruhr.
» Trouver de l’argent n’a jamais été facile et aujourd’hui encore moins qu’avant « , soupire le président Hajo Sommers, qui a annoncé que suite au départ du sponsor principal, le budget passerait de 2,7 à 2,3 millions la saison prochaine. » Nous visons la montée en D3 mais quand y arriverons-nous avec un budget pareil ? L’année prochaine ou dans vingt ans ? »
On fait la file à Oberhausen, la ville la plus pauvre d’Allemagne après Kaiserslautern, pour aller du centre au Centro, le parc, qui propose toutes sortes d’activités de détente et des repas gastronomiques, sans oublier une vue superbe sur toute la Ruhr.
OBERHAUSEN – ESSEN 10 KM ROT-WEISS ESSEN
Division quatre (Regionalliga West)
7 ans en Bundesliga (dernière saison : 1976-1977,
30e au classement de tous les temps)
1 titre
Essen compte 580.000 habitants.
Une statue d’Alfred Krupp trône au centre d’Essen. L’entreprise employait huit personnes quand il a succédé à son père en 1826. 60 ans plus tard, elles étaient 20.000, dans la plus grande usine métallurgique du monde. Après Dortmund, Essen est la plus grande ville de la Ruhr.
L’A40 traverse le centre d’Essen, qui est le coeur de la Ruhr, par sa situation géographique. Le nord est pauvre, le sud abrite les quartiers prospères. Le stade du Rot-Weiss Essen, le club des travailleurs, est au nord, tandis que le plus bourgeois Schwarz Weiss Essen, lauréat de la coupe en 1958, est au sud. C’est là qu’Oliver Bierhoff et Jens Lehmann ont usé leurs premières chaussures de football.
A l’occasion de son 110e anniversaire, en début d’année, le Rot-Weiss Essen a lancé une fake news. A la Donald Trump, il a interdit le port de jeans bleus (couleur de Schalke) lors des matches à domicile et annoncé la construction d’un mur entre Gelsenkirchen et Essen, deux villes voisines qui ne sont pas précisément amies dès qu’il s’agit de football.
Il y a quelques années, Schalke s’est heurté à de violentes protestations suite à l’ouverture d’un fanshop dans un centre commercial d’Essen, une étude ayant montré que beaucoup de supporters vivaient à Essen.
La Ruhr s’attend à ce qu’un jour, Essen suive les traces de Dortmund et de Schalke 04. Le Rot-Weiss a été un grand club dans les années 50, grâce à un homme, Georges Melches, qui avait réalisé à temps que le nom de SV Vogelsheim ne le conduirait pas loin. Et, surtout, Melches avait compris comment profiter de la règle du salaire maximum de 160 euros : en offrant à ses meilleurs footballeurs un travail peu fatigant dans son usine.
C’est ainsi que la moitié des 21 joueurs champions d’Allemagne en 1955 travaillait pour lui. Essen a été le premier club allemand en coupe d’Europe, en C1, en 1955. Las, quelques années plus tard, Melches est tombé malade et nul n’a repris le flambeau. Le Rot-Weiss a quitté la Bundesliga en 1978. Il est tombé en faillite en 2010. On croyait le club mort mais 6.000 personnes se sont présentées aux guichets pour le premier match à domicile, en D5.
La ville a offert au club un nouveau stade en 2013, à côté de l’ancien, mué en vaste parking. Essen a la plus grosse assistance de D4 (7.500) devant Alemannia Aachen (7.273) et les Kickers Offenbach (4.500).
ESSEN – GELSENKIRCHEN 13 KM SCHALKE 04
Bundesliga (depuis 1991)
49 saisons en Bundesliga
7 titres
Gelsenkirchen compte 260.000 habitants.
Le musée de Schalke 04, à la Veltins-Arena, montre notamment un disque 45 tours : » Blau und Weiss, Wie lieb’ ich dich. » (Bleu et blanc, je t’aime tant). Mais Schalke n’a pas toujours été bleu et blanc. Le livre sur l’histoire du club, disponible au fanshop, explique que les écoliers qui ont fondé le club en 1904 avaient choisi le jaune et le rouge. Le club n’est passé à ses couleurs actuelles que vingt ans plus tard.
Le jour de notre présence, une dizaine de personnes, dont une famille de Nuremberg, participent à la visite guidée. En apprenant notre nationalité, la famille veut savoir ce qu’on pense de René Weiler en Belgique.
La Veltins-Arena n’est pas à Schalke mais à Buer, une autre entité de Gelsenkirchen, à trois kilomètres et demi de la Glückauf-Kampfbahn, où le club a conquis ses sept titres. Il en reste la tribune principale et un terrain synthétique. En fait, Schalke a perdu son autonomie un an avant la fondation du club. Le quartier, voisin de Buer, fait triste figure, de nos jours.
En 1973, en prévision du Mondial 1974, qui se déroulait en Allemagne, on a construit le Parkstadion, à quatre kilomètres du centre, près de l’autoroute. Cette arène avait deux handicaps : la piste et une seule tribune couverte. De nos jours, c’est un hôpital où les joueurs de Schalke 04 passent leurs examens médicaux. Le terrain reste utilisé pour les entraînements à huis clos. On n’y a jamais fêté de titre. Schalke 04 l’a loupé de peu en mai 2001 : il a été champion l’espace de quatre minutes, avant que le Bayern ne marque dans les arrêts de jeu.
Schalke 04 n’a jamais été champion de Bundesliga. Son dernier titre date de 1958. Il a fêté sa victoire en Coupe UEFA à Milan, en 1997, quand le KampfschweinMarc Wilmots et ses partenaires ont vaincu l’Inter. Un an plus tard, les Italiens prenaient leur revanche en quarts de finale, en battant les Allemands et en orthographiant fautivement le nom du club : FC Schalcke 04.
La Veltins-Arena est impressionnante. Il faut dire qu’elle a coûté 191 millions. Sa pelouse est unique en Europe : elle est exposée au soleil et à la pluie mais la veille des matches, on la rentre. Le processus prend quatre heures et coûte 15.000 euros. Et rebelote le lendemain du match. Mais ainsi, le gazon ne manque ni de soleil, ni d’air ni de pluie et ne doit donc pas être remplacé en cours de saison.
Le toit est fermé en dehors des matches. Le tunnel qu’empruntent les joueurs ressemble au couloir d’une mine : noir, en faux charbon, pour rappeler aux joueurs les origines de leur club. Il y a un cendrier à côté de chaque siège dans la tribune d’honneur. L’idée ne pouvait venir que d’une personne, Rudi Assauer, l’ancien manager, qui fumait le cigare.
Assauer n’a jamais joué pour Schalke mais il a gagné la première coup d’Europe de Dortmund en 1966. Il jouait en défense. Il avait déjà été manager de Schalke dans les années 80, avant d’être rappelé au début des années 90, obtenant les pleins pouvoirs. Sous sa direction, le club a gagné la C3, moult accessits et deux coupes, dont une qu’Assauer a directement abîmée en la laissant tomber pendant la fête.
La clef de son succès ? » Nous ne sommes pas le FC Hollywood. Ici, on veut du travail, de l’engagement, soit les valeurs que doivent afficher nos supporters au quotidien « , avait-il expliqué à notre magazine en 1997.
Le charismatique manager s’est retiré en 2006. Il souffre de la maladie d’Alzheimer mais continue à assister fidèlement aux matches à domicile de Schalke 04, en compagnie de sa fille.
En principe, l’Arena est toujours comble mais cette saison, à deux reprises, elle n’a accueilli que 58.000 personnes au lieu des 60.000 habituelles. Cette année, pas question de titre ni de Ligue des Champions. Les supporters sont frustrés.
Durant sa première saison au poste de directeur sportif, Christian Heidel a investi 73 millions en transferts et en rafraîchissement des installations, soit presque autant que son prédécesseur, Horst Heldt, en cinq ans : 82 millions.
Les supporters se concentrent sur la commémoration de la victoire contre l’Inter, il y a vingt ans. Partout dans la Ruhr, des affiches annoncent déjà la soirée de gala du 21 mai, à la Veltins-Arena.
GELSENKIRCHEN – WATTENSCHEID 9,5 KM SG WATTENSCHEID 09
Division quatre (Regionalliga West)
4 ans en Bundesliga (Dernière saison : 1993-1994).
Wattenscheid est un quartier de Bochum
qui compte 72.000 habitants.
La bretelle de l’A40 qui mène au centre de Wattenscheid s’appelle Gelsenkirchen. La ville de Wattenscheid et ses 72.000 habitants a fusionné avec Bochum en 1975. Du sommet d’un terril, à côté du stade, on aperçoit le toit fermé de la Veltins-Arena de Schalke, à moins de dix kilomètres.
Aujourd’hui, les portes du Lohrheidestadion sont ouvertes. Quelques dames s’entraînent sur la piste d’athlétisme. Dire qu’au début des années 90, le Bayern a été battu à plusieurs reprises ici, devant un stade comble…
Le 17 mai 1990 est une date-clef de l’histoire du club. Ce jour-là, il a assuré sa montée historique en Bundesliga, où il allait se maintenir pendant quatre saisons. Wattenscheid reste en tête de plusieurs listes non dénuées d’importance. D’après une enquête, c’est lui qui a la plus belle chanson de club allemande : » Ess-Gee Wattenscheid 09 » a figuré au hit-parade. Quelques punks des Kassierer ont d’ailleurs enregistré une nouvelle version.
En tournée, on complimente le groupe sur ses origines, raconte le chanteur Wölfi Wendland. » On nous dit que nous avons la plus belle chanson de club et que c’est dans notre stade qu’on trouve les meilleures saucisses. Pas le meilleur football, malheureusement, mais on ne peut pas tout avoir. »
WATTENSCHEID – BOCHUM-ZENTRUM 13 KM VFL BOCHUM
2. Bundesliga
34 ans en Bundesliga (dernière saison : 2009-2010).
Bochum compte 365.000 habitants.
Bochum a été le centre des charbonnages en Allemagne. C’est là qu’on trouvait le plus de mines. On en recensait 70 en 1929 mais le VfL n’a jamais été un club de mineurs. Deux ans après les débuts du VfL Bochum en Bundesliga, en 1971, les deux dernières mines fermaient. On a construit une grande usine Opel, qui a employé 22.000 ouvriers à son apogée. La dernière auto a été produite fin 2014.
Le football est la seule consolation des gens, sans qu’ils aient jamais jubilé. Bochum arbore fièrement l’année 1848 sur son emblème mais le club actuel n’a vu le jour qu’en 1938, la ville ayant contraint ses trois équipes à fusionner. Pendant les 34 années passées au plus haut niveau, l’équipe n’a gagné aucun trophée mais sa cinquième place en 1996-1997 a permis à cette souris grise de Bundesliga de découvrir l’Europe.
Après Trabzonspor, Bochum a éliminé le Club Bruges puis a trébuché face à l’Ajax. Quelques années plus tard, il a été éliminé par le Standard au premier tour.
Le VfL Bochum est le seul club de la région possédant sa propre sortie d’autoroute : Bochum-Stadion. 600 mètres plus loin, après le rond-point, on pénètre sur le parking du Ruhrstadion. Seize piliers en béton, sous la tribune principale, s’ornent des peintures de héros du passé, 14 joueurs et deux entraîneurs. Aucun n’a été actif durant la dernière décennie. Bref, ce club vit dans le passé.
Le stade a toujours été dédié au seul football. Il est majoritairement occupé par des habitants de Bochum. C’est normal pour une véritable équipe de ville, dont le stade est à 2,5 kilomètres de la place Willy Brandt, la place piétonnière mais peu conviviale où se trouve l’hôtel de ville. La cité se fait plus trépidante avant le coup d’envoi des matches à domicile, quand l’artiste allemand Herbert Gronemeyer chante son amour pour sa ville dans » Bochum « , un air qui est repris par tout le stade et en particulier par l’Ostkurve.
Depuis 2010, le VfL végète dans le ventre mou de la deuxième Bundesliga et est tout aussi médiocre en matière d’assistance
BOCHUM – DORTMUND 17 KM BORUSSIA DORTMUND
Bundesliga (depuis 1971)
50 ans en Bundesliga
8 titres
Dortmund compte 586.000 habitants.
Une visite du stade ? » Seulement si vous avez réservé « , nous dit l’employé, gentil mais ferme, du FanWelt jaune et noir. C’est non, donc, car les 40 places prévues sont déjà prises. Le personnel du musée de Dortmund sourit quand on signale qu’à Schalke 04, il n’était pas nécessaire de réserver. Dortmund possède une autre dimension. Un coup d’oeil au catalogue du fanshop suffit à s’en rendre compte : celui de Schalke 04 compte 150 pages, celui de Dortmund en a 230. Il y a même tout un département pour les chiens.
Dortmund dénombre 145.000 membres, à peu près autant que son rival Schalke, et un rien moins que le FC Bayern, le premier d’Allemagne. Comme Duisburg et Essen, Dortmund, située à l’est de la Ruhr, est une vraie ville. Le dernier haut fourneau s’est éteint en décembre 2015, faisant perdre leur emploi au 350 derniers ouvriers de Hoesch. En 1965, 48.000 personnes travaillaient ici.
La place Borsig se trouve à l’entrée de l’usine. C’est ici qu’est né le Borussia Dortmund le 19 décembre 1909 quand des rebelles ont quitté le mouvement de jeunesse chrétien local pour fonder un club de football. Des fanatiques ont fait une terrible découverte dans le musée du club. Au début, leur club n’était pas jaune et noir. Le Dortmund BVB a d’abord joué dans des maillots lignés bleu et blanc avec une bande rouge, symbole du mouvement ouvrier, et avec des shorts noirs. Ce n’est qu’en février 1913 que le club a adopté le jaune citron et le noir.
Dans les années trente, le gouvernement a déplacé le club du triste quartier ouvrier, à l’est de la ville, vers le sud, plus bourgeois. On y a érigé un nouveau stade, la Rote Erde (la Terre Rouge), où le BVB a joué de 1937 à 1973 et où il a gagné son premier titre, en 1956. Avec un troisième en 1963, Dortmund a été le dernier champion à l’ancienne, la Bundesliga ayant été fondée la saison suivante.
Durant sa première campagne européenne en 1956, alors que la Coupe d’Europe des clubs champions en était à sa deuxième édition, le Borussia a dû disputer un test-match pour venir à bout du modeste Spora Luxembourg. En 1966, Dortmund est devenu le premier club allemand lauréat d’une épreuve européenne, en battant Liverpool en finale de la Coupe des Coupes : 2-1 après prolongations. En prévision du Mondial 1974, il a obtenu une nouvelle arène, à côté de la Rote Erde : le Westfalenstadion. Son assistance a alors triplé d’un coup.
Dortmund a été le premier club de la Ruhr sacré champion de Bundesliga, en 1995-1996. Il y a ajouté deux autres titres, en 2002 et en 2011. Schalke 04 a bien gagné la Coupe UEFA il y a vingt ans, plus quelques coupes, mais Dortmund est le seul club de la Ruhr à avoir été champion d’Allemagne depuis la fondation de la Bundesliga il y a 54 ans.
LA FIN
Entre le centre de Bottrop et l’A42, on trouve Mitten im Ruhr (au milieu de la Ruhr), le centre de vacances de Willi Lippens. Dans le couloir menant aux toilettes de son restaurant, » Ich danke Sie « , on trouve un maillot rouge numéro 70. La saison passée, le RW Essen était tellement mal en point que le président, par dérision, a demandé une licence de joueur pour la légende du club, âgée de 70 ans. D’où le numéro du maillot.
» Mais l’entraîneur n’a quand même pas osé m’aligner « , soupire Lippens à une table de son restaurant. Aurait-il voulu ou osé jouer ? » En division quatre ? Evidemment ! Je suis en pleine forme pour quelqu’un de mon âge et je n’ai pas perdu le sens du jeu. J’aurais fait courir les autres. »
Lippens, né d’un père néerlandais et d’une mère allemande, a grandi à Kleve mais a rapidement déménagé dans la Ruhr. Il s’est produit pour le Rot-Weiss Essen pendant treize ans, a amélioré tous les records de club puis a enfilé pour trois ans le maillot du Borussia Dortmund, avant d’être joueur-entraîneur du RW Oberhausen.
Joueur, il a refusé toutes les offres des clubs de Bundesliga, du Saint-Trond de Raymond Goethals et de l’Ajax, bien que son président, Jaap van Praag, se soit déplacé en personne. » Mais au match suivant, 30.000 supporters du Rot-Weiss chantaient, les larmes aux yeux : ne nous quitte pas. Je suis donc resté. »
Il n’aurait jamais pu jouer pour Schalke 04. » Schalke et Essen sont voisins, la rivalité est trop grande. Dortmund était moins risqué. » De son temps, le RW Essen était un grand club. Que s’est-il donc passé ? » Tout a dérapé quand il m’a laissé partir, me trouvant trop âgé « , répond sans broncher celui qui a été international néerlandais à une reprise ( » Mon père m’a dit : si tu joues pour l’Allemagne, tu ne mettras plus les pieds à la maison « ). » Sur ces entrefaites, Dortmund, qui venait d’être promu en D1, m’a engagé, ayant besoin d’un joueur chevronné pour sa jeune équipe. »
Lippens adorait ces stades combles. » Plus il y avait de monde, mieux je jouais. Le Rot-Weiss accueillait toujours 30.000 personnes et il y en avait 50.000 à Dortmund. Fantastique ! »
Si les clubs de la Ruhr sont moins prospères qu’antan, c’est pour une raison simple, explique Lippens : » Il y avait trop de clubs sur une petite superficie. Il était impossible de trouver assez de sponsors et d’entreprises pour les soutenir au plus haut niveau. Souvent, il y a eu des problèmes de management, en plus. Ou la pression était trop forte. Schalke 04 s’est toujours tiré une balle dans le pied. Dès qu’il est bon, il se met trop de pression et il craque. »
Lippens se plaît toujours dans la Ruhr. » Les cheminées n’ont pas disparu mais l’air est plus pur que dans le reste de l’Allemagne. L’économie n’est plus aussi prospère mais la région va finir par se redresser. Ses habitants savent comment s’y prendre. »
PAR GEERT FOUTRÉ DANS LA RUHR – PHOTOS BELGAIMAGE
La mise sur pied de la Bundesliga, assortie du foot pro, a sonné la fin des clubs de la Ruhr.
A Schalke, le tunnel qu’empruntent les joueurs est noir, en faux charbon, pour rappeler aux joueurs les origines de leur club.
En 1966, Dortmund est devenu le premier club allemand lauréat d’une épreuve européenne, en battant Liverpool en finale : 2-1.
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