Bernard Jeunejean
Jésus et Mahomet larrons en foire
Lors du déplorable Barça-Real en supercoupe d’Espagne, où José Mourinho s’est fourré le doigt dans l’£il en le fourrant dans celui d’un autre, même Mesut Özil a pété un câble : il a fallu le retenir pour qu’il n’aille pas rendre vilaine la frimousse de David Villa ! Il a dû se passer du sacrilège de chez sacrilège car Dieu sait qu’Özil, qui virevolte joliment balle au pied gauche, est par contre du genre endormi quant aux mimiques, et du genre bouche cousue rapport aux récriminations ! Dieu ou Allah ? Plutôt Allah, Mesut est musulman. Son compte Twitter a d’ailleurs révélé que sa colère était pieuse, due au fait que Villa avait insulté sa religion. Puis ce fut démenti, vu que le vrai Özil n’a aucun compte Twitter. Gaffe, tout ce qui se radote sur Facebook and Co peut générer de vrais mensonges.
Par Bernard JEUNEJEAN
Toujours est-il que foot/spectacle et prière, ça commence à bien faire, qu’il s’agisse de Jésus ou de Mahomet. On va au stade pour voir des gars jouer avec un ballon, dans jouer il y a le mot jeu, et on n’allume pas sa télé pour que les protagonistes nous fassent croire que le salut de leur âme dépend du résultat de leur match. Hier, ça se résumait à un signe de croix rapidos, parfois capté par une caméra au moment où le footballeur trottinait pour entrer ou sortir du terrain. Okay, geste furtif et machinal, à chacun ses croyances. Mais aujourd’hui, Jésus et Mahomet sont comme cul et chemise avec les réalisateurs/télé pour nous fourguer des gros-plans de grand’messe télévisée. C’est en 2006 que Frank Ribéry, catholique converti à l’Islam de par son mariage, a en quelque sorte donné le coup d’envoi : avant lui, rarissimes étaient les footballeurs musulmans qui squattaient l’aire de jeu comme lieu de culte : debout immobiles, recueillis yeux fermés, bras pliés, mains ouvertes offertes au ciel. Et possibles prosternations en prime, bisous sur gazon en cas de victoire finale.
Les catholiques ne sont pas en reste. En 2009, suite à leur victoire en Coupe des confédérations, les Brésiliens arborent leurs T-shirts « I belong to Jesus » ou « Dione meu amor », remercient Dieu dans le rond central, et ramassent un sévère avertissement de la FIFA qui les… prie de se modérer ! L’an dernier à Fulham-Man U, Chicharito Hernandez s’agenouille spectaculairement sur la ligne médiane juste avant le début de match. Et voici quinze jours en Turquie, qu’importe d’ailleurs la religion dont découle ce rituel, voilà t’y pas que les joueurs de Sivas-spor égorgent un mouton sur la touche avant le coup d’envoi, puis se peinturlurent un bout de visage avec le sang de l’ovidé vidé. Stop ! Faudrait pas que dans un siècle, les immolations humaines soient autorisées par le Board, et précédées de hakas autour de poteaux de torture…
Les prières d’avant-match peuvent choquer. D’abord, ce n’est pas parce que le mec prie avant qu’il va être plus sympa et plus charitable pendant : il peut être en même temps cette méchante pieuvre qui jouera des coudes et du reste, ou un buteur dont l’ego va se déchaîner dès qu’il aura buté, et qui fera son striptease en oubliant son dieu pour montrer ses pectos. Ensuite, une croyance ne nécessite pas une ostentation, ni un prosélytisme qui peut devenir provoc : rien n’empêche personne de prier discrètement dans un vestiaire, les toreros le font même dans des petites chapelles rien que pour eux. Vous me direz que, rapport à la mort, un taureau est plus dangereux qu’un tackleur fou. D’accord.
Enfin, faut bien se dire que leur dieu là-haut avant le match, lorsqu’il compte ceux de chaque camp qui l’implorent, se retrouve souvent face à un match nul, genre 1-1, 2-2 voire 3-3. Sans oublier que si Jésus est imploré dans un camp et Mahomet dans l’autre, que fait le ciel dans ces cas-là ? Sacrés dilemmes ! Qui m’amènent à vous livrer la réflexion récente du philosophe Alain Finkielkraut dans L’Equipe : « Si j’étais croyant, je détesterais l’idée que Dieu pût intervenir dans une compétition sportive… J’aurais scrupule à le déranger pour si peu. C’est l’avilir que de l’imaginer en supporter. La foi mérite mieux. »
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