Bernard Jeunejean

Jabulani, sphère parfaite pour septième ciel?

Petite histoire du ballon rond qui a servi, depuis 1970, à jouer la Coupe du Monde de la FIFA. Où sport, technologie et symboles se mêlent pour donner, au final, rien d’autre qu’un simple ballon de foot à haute valeur commerciale.

par Bernard JEUNEJEAN

A chaque veille de Mondial, c’est la même rengaine. Les gardiens de but pleurnichent à propos du ballon officiel tout beau tout neuf: la trouille d’encaisser des buts qu’on jugerait pour leur pomme fait qu’ils le trouvent flottant, trop léger, à trajectoires imprévisibles et gna gna gna… Si c’était vrai, les attaquants devraient se réjouir à la perspective de trouer davantage les keepers, mais ils ne mouftent pas… pendant que le fabricant clame tous azimuts que c’est un bijou technologique, encore plus rond et plus précis que le bijou du Mondial précédent!

A la fin de la compèt’, on aura tout oublié, et je vous fiche mon billet que le cuir (qui n’est plus du cuir) se sera retrouvé au fond des filets ni plus ni moins qu’en 2006. Ces histoires de ballon, c’est bizness et rien d’autre: si la technologie pouvait tout à coup améliorer le jeu, surgiraient aussi sur le marché, à la veille d’un Mondial, des godasses miraculeuses… Voici quatre ans, 15 jours à peine après le match inaugural, 15 millions d’exemplaires du bijou de l’époque avaient déjà été vendus: à quelque 120 euros pièce, joli début de recette…

Ce ballon officiel, chasse gardée d’Adidas depuis 1970, sera constitué jusqu’en 2002 inclus de polygones cousus… mais étaient-ce des hexagones ou des pentagones? Seuls les plus perspicaces d’entre vous auront répondu: les deux!

Optons d’ailleurs pour un petit historique/concours: je ne vous refile pas chaque fois les noms de ballon, les réponses sont en bas de page! En 1970 et 1974, c’est la même appellation, pour un design bicolore et modeste: 20 hexagones blancs, 12 pentagones noirs. De 1978 à 1994, ce sera un ballon blanc avec dessin noir de plus en plus sophistiqué, mais toujours sur le même principe: l’assemblage de triangles concaves y ménage des ronds blancs, et les polygones de fabrication cessent d’être visibles à l’oeiil nu. L’appellation est presque similaire en 1978 et 1982, le cuir cède sa place au synthétique en 1986, le dessin devient à dominante bleue avec zeste de rouge (devinez pourquoi) en 1998. Retrouvez aussi les appellations de 1990 et 1994!

En 2002, le dessin est double et change radicalement: c’est officiellement une flamme rouge et or, mais ça paraît dangereux comme une lame de débroussailleuse à trois dents! Et on n’arrête pas le progrès, des microbilles remplies de gaz investissent la mousse synthétique, pour prétendre frapper plus fort et plus précis! Les 32 panneaux plats polygonaux y sont cousus pour la dernière fois puisqu’en 2006, ils céderont la place à seulement 14 éléments moulés, puis réunis par soudage thermique: paraîtrait que le ballon est désormais sphérique à 99,9%, et le risque honteux qu’il pète (remember Walter Baseggio!) est définitivement écarté! Quant au dessin de l’édition teutonne 2006, rappelez-vous, il entendait figurer quatre hélices… quoique mon esprit tordu y ait plutôt vu quatre serviettes hygiéniques!

Ainsi chemina-t-on jusqu’à l’ADIDAS JABULANI 2010, le petit dernier qui doit nous épater, encore plus rond que son aîné, les éléments soudés n’y sont plus que huit! Le triple dessin de stade est inspiré du Soccer City de Johannesburg, paraîtrait qu’il y a 11 couleurs mais il faut le savoir: le chiffre 11 fait référence à ce que vous savez, mais aussi au 11e ballon mondial officiel d’Adidas, ainsi qu’aux 11 tribus et langues officielles de l’Afrique du Sud. En langue zoulou, Jabulani (je vous file un truc mnémotechnique pour retenir, pensez: « J’aboule, Annie! ») fait référence à la réjouissance, la célébration, la fête. Un peu comme si Alain Courtois obtenait en 2018 que le ballon du Mondial, qu’à coup sûr nous organiserons, s’appelle ADIDAS GUINDAILLE!

Et voici les noms des différents ballons créés par Adidas pour les Mondiaux depuis 1970:

1970 au Mexique: Telstar;
1974 en Allemagne: Telstar;
1978 en Argentine: Tango Rosario;
1982 en Espagne: Tango Espana;
1986 au Mexique: Azteca;
1990 en Italie: Etrusco Unico;
1994 aux Etats-Unis: Questra;
1998 en France: Tricolore;
2002 au Japon et Corée du Sud: Fevernova;
2006 en Allemagne: Teamgeist;
2010 en Afrique du Sud: Jabulani.

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