Glen Cuyle s’était qualifié pour la finale lors des Jeux olympiques de Paris. © GETTY

Glen Cuyle (gymnastique) a «un atout qui garantirait une médaille», mais… ne l’utilisera certainement pas aux Mondiaux

Glen Cuyle est à son meilleur niveau pour les Mondiaux de gymnastique. Le phénomène belge des anneaux vise la finale et rêve secrètement d’une médaille.

Même s’il n’a pas remporté de médaille aux Jeux olympiques de Paris, le gymnaste belge fut le deuxième, seulement, chez les hommes, à atteindre une finale olympique. Un petit exploit, surtout, car Glen Cuyle était le seul des 48 finalistes du concours à ne jamais avoir disputé une grande finale européenne, mondiale ou olympique. A 22 ans, sa huitième et dernière place parisienne n’a donc pas douché l’enthousiasme autour d’un avenir annoncé radieux. Avec une question en filigrane: «Une nouvelle star de la gym belge se profile-t-elle à l’horizon?»

La suite de l’année 2024 ne s’est toutefois pas déroulée comme espéré. «J’ai dû faire face à des symptômes de paralysie dans les muscles du cou, relate le spécialiste des anneaux. Je ne pouvais plus lever le bras normalement.» Son entraîneur, Koen Van Damme, décrypte les raisons de ce coup de frein. Il les resitue au cœur de l’automne dernier, lorsque le programme «Sport d’élite» de la Défense, dont Glen Cuyle est membre, l’a forcé à suivre une formation militaire de base: «Glen devait marcher de longues heures avec un sac à dos bien chargé, ce qui n’est pas évident pour un petit bonhomme d’un mètre 60. Quand il a repris l’entraînement intensif par la suite, son nerf s’est coincé. Ce fut un gros problème, et nous avons dû réfléchir un bon moment avant de pouvoir le résoudre.»

Six mois de rééducation

Le «bon moment» prit près de six mois. Une éternité, dans une carrière de gymnaste où les trajectoires sont courtes. Il a donc fallu attendre juin 2025 pour que Glen Cuyle puisse à nouveau sculpter ses épaules, beaucoup trop affaiblies musculairement pour pouvoir suivre un entraînement de haut niveau. «Nous n’avons donc pas réalisé les progrès prévus à la fin de l’année dernière, déplore Koen Van Damme, mais nous sommes déjà heureux que Glen ait retrouvé le niveau qu’il avait aux Jeux. C’est un exploit en soi.»

L’autre exploit, c’est cette récente victoire à la World Challenge Cup de Paris, véritable coup de pouce mental en vue des Championnats du monde prévus à Jakarta du 19 au 25 octobre prochains. Ceux-ci seront abordés avec un objectif clair: «Une finale, dégaine Cuyle. L’objectif me semble tout à fait réaliste et, pour l’instant, je ne regarde pas plus loin.» De toute manière, son coach s’en charge: «Tout est possible. Aux Championnats d’Europe du mois de mai dernier, le meilleur score lors des qualifications était de 14,700, puis de 14,400 lors de la finale. La moyenne de 14,466 obtenue par Glen à la World Challenge Cup prouve qu’il fait partie des meilleurs athlètes européens aux anneaux. Mais aux Championnats du monde, il y a aussi les Chinois…»

Glen Cuyle et son coach pensent surtout à demain, et même à après-demain. Aux Jeux de Los Angeles (2028) et de Brisbane (2032). Sept ans, c’est plutôt rare dans le milieu des gymnastes à la carrière éphémère. Les anneaux font toutefois figure d’exception, à en croire Tom Van Damme: «Aucun appareil ne requiert autant de force pure, il faut plus de temps à un athlète pour y atteindre son pic de performance. Glen a 23 ans. L’âge moyen de la plupart des athlètes de haut niveau est de 25 ou 26 ans. Les spécialistes de cet agrès dépassent d’ailleurs facilement les 30 ans. Une fois cette force acquise, on peut la conserver longtemps.»

Aucun appareil ne requiert autant de force pure que les anneaux. Une fois acquise, vous conserver cette force longtemps.»

Le grand saut de Cuyle vers la médaille

Pour atteindre le sommet de la gymnastique mondiale, Glen Cuyle peut s’appuyer sur son saut. Ce fameux passage des anneaux vers le tapis, figure à l’appui, permet d’engranger des points importants au décompte final effectué par le jury. Aux Jeux olympiques et à la World Challenge Cup à Paris, le Belge fut le seul spécialiste des anneaux, hormis son frère jumeau Nicola, à réaliser un salto arrière accroupi avec trois rotations.

La bonne nouvelle, c’est que le nouveau code de notation mis en place cette année par la Fédération internationale de gymnastique rend ce saut plus intéressant. «Il permet de gagner deux fois plus de points, précise-t-il. Aux Championnats du monde, davantage de gymnastes prendront probablement le risque.»

Le gymnaste d’Ingelmunster pourrait toutefois conserver un atout dans sa manche: un triple salto encore plus difficile, non pas accroupi, mais les jambes tendues. «Cela me rapporterait quatre dixièmes supplémentaires et porterait la note de difficulté de mon enchaînement à 6,2, soit la plus élevée au monde. Une telle difficulté maîtrisée me garantirait au moins une médaille, même si nous ne savons pas ce que feront mes concurrents.»

Les risques du salto

Ce fameux saut, Glen Cuyle l’a déjà effectué. Mais à l’entraînement, sur un tapis moelleux, et pas après un enchaînement intense aux anneaux, qui épuise la tête et les bras. Réaliser son salto avec les jambes tendues est, dans ces circonstances, bien plus difficile qu’en position accroupie. «Avec les jambes fléchies, on peut tirer sur les genoux, ce qui permet de former une boule avec le corps et tourner beaucoup plus rapidement. Avec les jambes tendues, la vitesse de rotation est beaucoup moins élevée.»

AJakarta, cependant, les spectateurs ne devraient pas voir ce saut tenté pour la première fois en compétition. Il faut dire que les risques sont importants, et les muscles au summum de la tension au moment de quitter les anneaux. «La circulation sanguine est coupée, les lèvres deviennent grises, la tête donne l’impression d’exploser, décrit Glen Cuyle. Si on lâche prise un peu trop tôt ou si la technique n’est pas tout à fait au point, on peut, dans le pire des cas, atterrir sur la nuque. Je veux faire ce saut en compétition dès que possible, mais seulement lorsque je pourrai l’exécuter en toute sécurité à l’entraînement, après un enchaînement difficile.»

Les secrets d’entraînement de Glen Cuyle

Comme presque tous les gymnastes, Glen Cuyle a l’avantage d’être petit et léger: un mètre 60 pour 52 kilos, avec des bras et des jambes courts. «Plus la distance entre les épaules et les anneaux est faible, plus le levier est court et plus il est facile de développer sa force, détaille Tom Van Damme. Et plus les jambes sont courtes, moins elles pèsent lourd, plus il est facile de maintenir une position horizontale en vol plané, lorsque le corps est suspendu horizontalement entre les anneaux.»

C’est pourquoi les spécialistes des anneaux entraînent principalement les muscles autour des épaules: les grands pectoraux et dorsaux, les biceps et les triceps, ainsi que le muscle trapèze entre les omoplates. «L’équilibre entre les antagonistes, les groupes musculaires opposés, est important. Les triceps doivent être aussi forts que les biceps, les pectoraux aussi développés que les dorsaux», stipule l’entraîneur. Un travail de sculpture corporelle minutieux qui demande de nombreuses heures d’exercices spécifiques à la salle de sport. Sans oublier les jambes, moins importantes pour soutenir les anneaux, mais indispensables pour un atterrissage réussi après avoir décollé d’une hauteur de trois mètres.

Le gymnaste belge s’entraîne également pour améliorer sa condition physique: «Il ne faut pas seulement de la force pure, mais aussi de l’endurance musculaire. De plus, si l’on est en mauvaise condition physique, on ne récupère pas après des entraînements intensifs. Je ne cours pas dix kilomètres, cela n’a aucun sens pour un exercice d’une minute. Mais je fais toutes sortes d’exercices courts, y compris du vélo.»

Musique classique et camp rock’n’roll

Le tout sur fond de musique classique: «Je n’écoute que cela avant une compétition. J’ai une playlist sur Spotify, mais ne me demandez pas le nom du morceau ou du compositeur», s’esclaffe-t-il.

Si elle a été à l’origine d’une longue convalescence, sa formation militaire de l’automne 2024 n’a pas eu que des effets néfastes. Ces neuf semaines de camp l’ont aussi métamorphosé mentalement. Des marches de 25 kilomètres, quatre jours de bivouac sous une tente par mauvais temps et dans le froid, le montage de tentes, les coups de pelle pour creuser des fossés et les exercices de tir: tout cela a mis à l’épreuve sa patience et sa résistance au stress. «Ce n’était pas mon point fort auparavant. Si quelque chose ne fonctionnait pas à l’entraînement, j’étais rapidement frustré. Grâce à cette expérience, je me suis amélioré dans ce domaine. Je reste moins longtemps en colère. Sans oublier que le travail en équipe m’a forcé à parler davantage.»

Un coup de pouce, c’est toujours utile pour maintenir des anneaux.

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