» ET quoi ? « 

Jan Hauspie Jan Hauspie is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

G ilbert Bodart est le dernier à s’en défendre :  » Oui, je joue. Et quoi ?  »  » Tout Ostende était au courant « , dit-on à la côte.  » Entre deux entraînements, sa voiture stationnait souvent devant le bureau de Ladbrokes. Il en parlait parfois. Il racontait qu’il avait encore gagné, généralement sur des courses hippiques « .

Ostende

Bodart est arrivé à Ostende l’été 2003. L’année précédente, il avait effectué ses débuts d’entraîneur à Visé, également en D2. Le Liégeois, qui a spontanément posé sa candidature, n’est que le second choix d’Ostende : Raoul Peeters ne pouvait se libérer de Rupel-Boom. Le Liégeois présente d’emblée quelques sponsors potentiels et règle lui-même un rendez-vous avec Bingoal, le jeu de pronostics de football de la société belge PMU. Le sponsor principal, Franklin Sleuyter, et le manager commercial Danick Minne mènent quelques discussions au nom d’Ostende avec Livin Impens, le directeur général du PMU. Quand l’accord est prêt à être formalisé apparaît Maître Laurent Denis, l’avocat de Bodart mais aussi de La Louvière et – on allait l’apprendre plus tard – d’ Olivier Suray et de Zheyun Ye. En octobre 2003, Bingoal paie sa première facture.

Cet argent, selon Sleuyter, a servi à payer le salaire de Mehdi Makhloufi. L’international algérien vient de Visé, l’ancien club de Bodart, et porte actuellement le maillot de Courtrai. Bodart insiste pour l’enrôler. Sleuyter :  » La saison avait commencé et nous avions besoin d’un élément de plus. Ce fut Makhloufi. Bingoal a payé son salaire, en échange d’une certaine promotion. Je crois que les gens cherchent trop loin. De fait, Bodart a amené Bingoal mais aussi les chauffages Buderus… qui n’ont strictement rien à voir avec le milieu des paris « .

En fin de saison, Ostende est promu en D1 grâce au tour final. Bodart triomphe mais Ostende a mis fin à son contrat avec Bingoal au profit de Mr. Bookmaker. Bodart est mécontent mais le club est devenu prudent. Peu de temps après son engagement, le coach a demandé des avances sur son salaire. Il les obtient mais pas en liquide comme il le demande et on les retient ensuite de son salaire mensuel, ce qui provoque des discussions. Sleuyter, un entrepreneur immobilier avec lequel Bodart s’est lié d’amitié, vient à son secours.

Est-il exact que vous ayez prêté personnellement de l’argent à Bodart ?

Franklin Sleuyter :  » En effet, je lui ai consenti un emprunt. Ce n’est pas la première fois qu’on m’a demandé un coup de main… Il ne faut pas être un accroc du pari pour cela. Je n’ai d’ailleurs jamais vu Bodart parier et ce qu’il fait pendant ses loisirs ne m’intéresse pas. Bodart a demandé des avances sur salaire, mais de manière très exceptionnelle : une ou deux fois. En outre, comme plusieurs joueurs, il n’était pas toujours payé correctement en fin de mois ! Et on a aussi retiré des montants injustifiés de son salaire, des sommes qui n’avaient rien à voir avec ces avances « .

Vous avez quitté Ostende environ un mois avant Bodart. Suite à cet emprunt, aviez-vous intérêt à ce que Bodart ait du travail ?

 » Non, l’emprunt a été consenti par acte notarié. J’en ai transmis une copie au juge d’instruction qui est venu m’interroger -NDLR : lors d’une enquête dans le cadre des paris truqués au début de l’hiver. Je trouve malheureux que tout le monde apprenne ça un an et demi après les faits. Ostende a dû penser que je lui avais donné de l’argent en noir, que Bodart l’avait utilisé pour parier et ainsi de suite mais ce n’est pas le cas. Pour moi, c’était simplement un finan-cement « .

Alost

Le 10 janvier 2005, Bodart est limogé par Ostende. La même semaine, il signe à Alost avec le président Peter Garré :  » Maître Denis, représentant de Bodart, a mené les négociations. Nous avions aussi d’autres candidats mais Bodart s’est très bien vendu « . En fin de saison, le club descend en D3 et décide de ne pas prolonger son contrat.

Peter Garré :  » Je ne puis rien dire sur ce qu’on rapporte actuellement sur Bodart. Il n’est resté que peu de temps ici, il a fait son boulot et nous avons décidé de ne pas continuer notre collaboration « .

Bodart a-t-il amené des sponsors ?

 » Non. Par contre, nous avons acheté les ballons, les gants de gardiens et les jambières pour cette saison par son intermédiaire. La livraison a été trop tardive et en attendant, il a mis à notre disposition une trentaine de ballons où figurait une publicité pour Bingoal. Les ballons avaient été fabriqués en Inde ou au Pakistan. C’étaient des produits blancs sur lesquels nous avons apposé le logo de l’Eendracht Alost. Ce n’est pas Gilbert Bodart qui a assuré la facturation mais d’autres personnes. Les conditions étaient très concurrentielles « .

Les ballons semblent venir de Joseph Fischer, un Allemand qui a quitté la marque sportive Real il y a quelques années. Depuis, Fischer travaille comme intermédiaire pour des entreprises du Pakistan qui écoulent leurs produits en Europe et il commercialise aussi du matériel de football à son nom. On ne peut trouver dans les commerces belges aucun produit de sa marque mais Dimitri Habran portait les gants complètement noirs de Joseph Fischer, à Ostende. Et Bodart et Livin Impens, le patron de Bingoal, en assurent la distribution grâce à une petite société qu’ils ont fondée à cet effet.

Courtrai

En quittant Alost, Bodart propose ses services au KV Courtrai.  » Nous ne l’avons jamais rencontré mais il a posé sa candidature par téléphone à quelques reprises « , « , affirme le président Joseph Allijns. Courtrai est en rapport avec Sleuyter. Allijns :  » Bodart a dit : – Si vous ne m’engagez pas comme entraîneur, ce contrat de sponsoring principal ne se fera sans doute pas. Cependant, Monsieur Sleuyter m’a dit d’emblée que s’il devenait sponsor principal, ce serait sans poser la moindre condition. Bodart a présenté l’affaire comme s’il pouvait amener Sleuyter mais nous savions que c’était faux. Comment un club peut-il confier la responsabilité d’une équipe à quelqu’un qui n’est que candidat – Manu Ferrera était et est toujours notre entraîneur – et tente de s’imposer de cette façon ?  »

On a aussi proposé Bingoal à Courtrai. Cela s’est passé via Tony Coorevits, le manager commercial du club (entre-temps limogé), et son ami Stéphane Pauwels. Dans ce cas, on aurait posé comme condition l’embauche de Bodart mais JoeriImpens, le fils, le dément avec force :  » Ce n’était pas une condition. Cela s’est passé en même temps. Courtrai nourrissait des ambitions et nous l’avons approché. Finalement, le club a lui-même abandonné l’affaire « . Allijns n’est au courant de rien :  » Je ne connais pas du tout ces personnes « .

Avec Coorevits, un flamboyant amateur de chevaux, Pauwels essaie aussi de se vendre à Courtrai. Limogé par La Louvière en mars, il avait été responsable commercial de Bingoal dans la région de Mouscron, il y a quelques années. Allijns :  » Il y a eu une conversation entre deux membres de la cellule sportive et Pauwels mais la décision avait été prise auparavant. Nous tentons d’éviter les contacts avec des gens qu’on ne connaît pas « .

La Louvière

Bodart ne trouvera pas de club avant que La Louvière ne se défasse d’ Emilio Ferrera. Après neuf journées, l’équipe hennuyère est dernière avec quatre unités. Le 22 octobre 2005, l’entraîneur retrouve le banc, contre le Lierse. Livin Impens déclare au magazine flamand Humo :  » Je savais qu’après son renvoi d’Ostende et son passage à l’Eendracht Alost, il était sans emploi. En ma qualité de sponsor de La Louvière, je lui ai donné un coup de pouce : je lui ai assuré un poste d’entraîneur via Laurent Denis, l’avocat du club « .

Joeri Impens :  » Le contrat de sponsoring n’a rien à voir là-dedans. Nous avons de bons rapports avec Gilbert Bodart mais nous ne le suivons pas partout. D’ailleurs, La Louvière est un club que nous voudrions abandonner. Nous y nous sommes liés parce que nous connaissions Stéphane Pauwels mais nous n’avons que des problèmes avec les gens en poste actuellement « .

Impens prétend que c’est  » pur non sens  » de prétendre que Bingoal payait à Ostende le salaire de Makhloufi. Et il affirme ignorer que, jusqu’à la semaine dernière, Gilbert Bodart n’avait paraphé aucun contrat à La Louvière. Ce qu’il sait, en revanche, c’est que ce n’est pas Bingoal qui paie l’entraîneur. Bodart n’a pas non plus d’ardoise au PMU, même s’il a été un gros client d’un bureau d’Ans, où il a joué un paquet d’argent au fil des années. Joeri Impens :  » A-t-il beaucoup joué ? Oui. Sur quoi ? Sur des chevaux. A-t-il perdu beaucoup d’argent ? Oui. A-t-il encore des dettes ? Non. Gilbert Bodart ne nous doit pas un euro « .

Impens s’énerve et rappelle un entretien téléphonique datant d’un an avec le procureur fédéral René Verstringhe quand on soupçonnait des paris étranges sur les matches de Virton.  » Ils nous ont coûté beaucoup d’argent car quand il y a fraude, c’est le bookmaker qui est victime. Sa réponse a été : – Nous ne pouvons rien faire. Nous aurions moins de problèmes si la Fédération avait été plus attentive à l’époque. Maintenant, on poursuit un Gilbert Bodart qui a parié en son temps sur des courses de chevaux. Or, il n’a jamais joué sur le sport. Et nous n’essayons pas de lui trouver du travail. D’ailleurs, pensez-vous qu’il soit devenu pauvre parce qu’il a perdu de l’argent chez nous ? Le football est sa passion et je trouverais regrettable qu’il doive s’en priver à cause de l’agitation actuelle « .

Un Bodart las mais serein nous répond au téléphone :  » Monsieur Impens et moi sommes amis, nous nous connaissons depuis trente ans. Nous avons une petite société commune : Joseph Fischer, en effet. Vous n’imaginez quand même pas qu’on vend des matches parce qu’on travaille ensemble dans les articles sportifs ? Ou qu’ils me paient mon salaire ? Arrêtez de poser des questions idiotes !  »

JAN HAUSPIE

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