Si Abbas Bayat est parvenu à maintenir le Sporting de Charleroi à flots depuis son arrivée il y a dix ans, il doit malgré tout accuser deux gros échecs: sur le plan sportif, les Zèbres ne sont pas très loin, et le capital sympathie du club s’est largement détérioré.
Par John BAETE
Il y a dix ans, un ovni débarquait au Sporting de Charleroi. Abbas Bayat, homme d’affaires d’origine iranienne reprenait le club et y apposait son sceau. Aujourd’hui, le cerner parfaitement tient de la gageure. D’un côté, il est le sauveur du Sporting, celui qui a réussi à le maintenir à flots financièrement et à éviter la faillite qui menaçait. Dans le même temps, d’autres clubs disparaissaient de la D1 pour motifs économiques, le dernier en date étant Mouscron la saison passée. Si on demeure sur cette perspective (et sans oublier que la Ville de Charleroi a aidé le club au-delà du raisonnable pour certains), Bayat a fait oeuvre utile.
Sa vision économique pure et dure l’a aussi fait sentir très à l’aise dans une guerre juridique entre son club et la FIFA sur le cas Majid Oulmers (revenu gravement blessé d’un match avec le Maroc et non assuré par la fédération internationale) et dans la mise sous pression des TV dans les discussions des droits du foot belge.
Mais au-delà de ces aspects positifs et vitaux, évidemment, à quel prix s’est exercé son mandat? Malgré toutes ses déclarations d’intentions en matière de résultats, le Sporting de Charleroi n’a pas progressé d’un iota par rapport à la décennie précédant la présidence Bayat. La politique sportive a parfois été chaotique, les meilleurs joueurs étant souvent systématiquement vendus. On assista aussi à des clashs homériques avec des techniciens et même à des revirements de position, dont le plus spectaculaire concerne le coach actuel, Jacky Mathijssen. Critiqué puis traité de mauvais entraîneur par Abbas Bayat lorsqu’il quitta Charleroi, le Limbourgeois se vit reprendre ensuite.
Avec l’aspect financier sous contrôle et une conduite sportive qui ne tient pas ses promesses (mais ce n’est pas le seul club belge dans le cas), le Sporting de Charleroi a surtout perdu un atout pour lequel Abbas Bayat a toujours eu du mépris: le capital sympathie. Un club de foot, c’est autre chose que du business. Abbas Bayat peut être très agréable… mais uniquement quand il n’est pas contredit. Ne trouvent donc grâce à ses yeux que les journalistes qui assurent la communication du Sporting de Charleroi, et non ceux qui font de l’information critique. Dans l’histoire du football belge, aucun président de club de D1 n’a permis autant de dérapages vis-à-vis des médias en général. Idem à l’égard de la famille du football dans son ensemble. Doit-on rappeler les convocations à l’Union belge pour attitudes déplacées vis-à-vis de l’arbitrage ou de représentants d’autres clubs? Sans évoquer les disputes internes à la Ligue pro? Et s’étonner que si des joueurs étrangers acceptent de signer à Charleroi, les Belges font la fine bouche pour y aller?
Quand il quitta Charleroi il y a un peu plus d’un an, le coach écossais John Collins (ex-joueur de classe internationale) nous avoua « qu’avec mon adjoint, on a souvent pensé à se suicider tellement c’était difficile de travailler à Charleroi ». Evidemment qu’il y avait une grosse dose d’humour britannique là-dessous. Mais c’est toujours en rigolant qu’on dit le plus de vérités, non? Et d’ailleurs, pourquoi un Philippe Albert, monument du foot belge qui débuta et finit sa carrière pro au Sporting, ne met-il plus un pied chez les Zèbres depuis que Bayat est là?