La Belgique a remporté son deuxième Euro. Est-ce leur dernier grand exploit? © AFP via Getty Images

Les Belgian Cats championnes d’Europe, mais… n’était-ce pas leur «Last Dance»?

La Belgique est le pays le moins peuplé de l’histoire récente à devenir champion d’Europe de basket deux fois de suite. Analyse d’une performance unique des «Comeback» Cats belges.

Il y a comme une impression de déjà-vu. Un souvenir que l’Espagne essaie d’expédier le plus loin possible hors de sa mémoire, mais qui revient comme un boomerang. Lorsque les Belgian Cats sont devenus champions d’Europe en 2023, elles étaient menées de dix points en finale contre les Espagnoles. C’était une minute avant la fin du troisième quart-temps.

Emmenées par Emma Meesseman, notamment après un discours inspirant et décisif à la mi-temps, les Cats ont alors réalisé une série de 26-10 dans les 13 dernières minutes et se sont imposées de six points.

Deux ans plus tard, lors d’une autre finale contre l’Espagne, tout espoir semblait perdu pour les Belgian Cats. Elles ont compté jusqu’à 12 points de retard (65-53), jusqu’à ce que Kyara Linskens inscrive un panier à trois points à 2 minutes et 42 secondes de la fin.

C’est le début de ce que le compte officiel de l’Euro de basket a appelé la «mère de tous les come-backs». Emma Meesseman et Linskens ont marqué trois lancers francs. Julie Allemand a repris le flambeau avec un sublime «step back» à trois points, comme si elle s’était momentanément transformée en Steph Curry, le tireur d’élite de la NBA. Quelques instants plus tard, elle s’est également dirigée vers le panier en optant intelligemment pour un tir à deux points au lieu d’un tir à trois points trop risqué.

Et après une perte de balle cruciale des Espagnoles à dix secondes de la fin, Antonia Delaere a donné l’avantage aux Belgian Cats avec un lay-up: 65-66. Ensuite, Julie Vanloo a marqué un autre lancer franc et a complété l’improbable remontée.

Il n’est arrivé que trois fois dans l’histoire de l’Euro qu’une équipe s’impose en finale après avoir été menée au score au terme des trois premiers quart-temps. La Belgique l’a fait deux fois, à chaque fois contre l’Espagne.

Le fait qu’elles n’aient jamais baissé les bras, inspirées par un nouveau discours d’Emma Meesseman à la mi-temps, est admirable. D’autant plus que les Belgian Cats sont passés par le chas de l’aiguille en demi-finale contre l’Italie grâce à l’ultime panier à trois points de Delaere, déjà elle.

C’était indispensable, après un début de quatrième quart-temps cauchemardesque. Si cette remontada a dû avoir lieu, c’est en effet parce que les Cats étaient loin de jouer leur meilleur basket. Elles ont d’ailleurs aussi eu besoin d’un black-out de la part des jeunes Espagnoles pour tirer leur épingle du jeu.

Un chiffre révélateur résume ce match en demi-teinte: les Belgian Cats ont seulement réalisé 13 passes décisives, notamment parce qu’elles ont effectué trop de tentatives à trois points en première mi-temps et qu’elles se sont trop reposées sur leurs actions individuelles. A titre de comparaison, 13 est le chiffre le plus bas depuis les 12 passes décisives lors de la défaite 81-55 face à la Chine à la Coupe du monde 2022. Cette fois-là, les Cats avaient dû se passer des services de Meesseman, blessée. 13, c’est aussi 11 de moins que la moyenne des Belges jusqu’à la finale de cet Euro (24), ou que la moyenne tout aussi élevée des cinq championnats précédents.

Mais au final, une seule chose compte: le résultat final (65-67), et il est en faveur des Belgian Cats. Parce qu’elles ont continué à croire à un miracle à Athènes.

Emma Meesseman reste cruciale pour les Belgian Cats

Rarement Emma Meesseman n’aura laissé entrevoir autant de soupirs et de mimiques frustrées que lors de la finale contre l’Espagne. A cause d’un score qui semblait échapper aux siennes, mais aussi parce que sa production n’a pas été à la hauteur de ses espérances: 7 sur 17, soit 41%. A l’exception de deux lancers francs, elle a même raté toutes ses tentatives dans le quatrième quart-temps.

Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire: Meesseman a eu un impact bien plus important que ses seuls tirs. Elle a également pris 11 rebonds et distribué 7 des 13 passes décisives des Cats. Sur le plan défensif, elle a réalisé 5 interceptions et 2 blocs. Sans oublier son influence en tant que leader naturel de l’équipe.

Aucun moment ne résume mieux le tempérament de la star belge que le dernier quart-temps du quart de finale face à l’Allemagne. Aux trois quarts de la rencontre, Meesseman totalise déjà 27 points. Elle aurait pu pousser ce chiffre bien plus haut, chasser un nouveau record personnel, mais elle a passé la fin de match à chercher ses coéquipières et a d’ailleurs offert quatre passes décisives supplémentaires. Parce que c’était, pour le bien de l’équipe, la meilleure tactique à adopter.

Les Cats ont marqué en moyenne 17,3 points de plus que leurs six adversaires lors de cet Euro quand Meesseman était sur le terrain. Sur les quatre derniers matches -les deux premières équipes de la phase de groupe n’étant pas une référence- elle est à +14, soit plus que sur les quatre derniers matches de l’Euro 2023 (+12). C’est donc à juste titre que la joueuse d’Ypres a de nouveau été couronnée meilleure joueuse (MVP) de l’Euro.

Rien d’original, dans son chef. Meesseman n’a manqué que la Coupe du monde 2022 à cause d’une blessure, mais tourne depuis l’Euro 2017 à une moyenne de 21 points, 9 rebonds, 4 passes décisives, 2 interceptions et 1,5 bloc lorsqu’elle joue pour les Cats dans un grand tournoi. Une régularité impressionnante et durable qui souligne encore un peu plus son statut de meilleure joueuse européenne de tous les temps.

Le cinq de base fait oublier les limites du banc

L’entraîneur Mike Thibault a fait un choix remarquable en faisant entrer quatre joueuses du banc un peu moins de deux minutes avant la fin du premier quart-temps, et même une cinquième quelques instants plus tard. Il voulait donner un peu d’air aux titulaires face à la rotation espagnole, dont les dix joueurs sont toutes restés plus de 10 minutes sur le terrain. Il faut dire que l’Espagne a marqué 29 points grâce à son banc, là où les remplaçantes belges n’en ont marqué que… deux, sur un magnifique lay-up d’Elise Ramette.

Outre Ramette, Nastja Claessens (-5), Bethy Mununga (-6), Maxuella Lisowa (-13) et Ine Joris (-1) ont toutes eu un « plus/moins » négatif: cela signifie qu’avec elles sur le terrain, la Belgique a marqué moins de points que l’Espagne. Pour les cinq titulaires, c’est évidemment l’inverse.

La tendance s’était déjà manifestée puisque les quatre derniers matchs joués par les Belgian Cats lors de cet Euro se sont conclus avec une moyenne de 8,5 points marqués par le banc. Encore moins qu’aux Jeux de Paris (10 points, sur l’ensemble du tournoi) ou que lors du précédent Euro victorieux (9).

Lors des JO de 2024, ce manque de ressources venues de l’extérieur du cinq de base a été exposé plus spectaculairement par l’absence de Julie Allemand, blessée. C’est sans doute l’une des causes qui explique que les Belgian Cats sont alors passées à côté de la médaille. Un an plus tard, avec son «cinq majeur» au complet, la Belgique était suffisamment forte pour remporter l’or. Derrière Emma Meesseman et son +17,3 points de moyenne pour son équipe quand elle est sur le terrain, le haut du classement des «plus/moins» de l’ensemble des nations participantes est d’ailleurs occupé par Allemand, Linskens (+16 chacune) et Vanloo (+15,8).

Le deuxième titre européen des Belgian Cats est un exploit unique

L’information n’aura pas échappé à ceux qui ont suivi le tournoi de près: la Belgique était la seule nation de premier plan à se présenter avec l’ensemble de ses meilleurs atouts au coup d’envoi de cet Euro. La France, l’Allemagne, l’Italie et même l’Espagne étaient privées de plusieurs joueuses de premier plan. Est-ce l’un des facteurs qui a contribué au nouveau titre des Cats? Oui.

Si Kyara Linskens n’était pas revenue sur sa décision de se concentrer sur sa carrière WNBA, le résultat des deux derniers matchs aurait pu être différent. Et si l’Espagne avait pu s’appuyer sur des joueuses de base plus expérimentées, elle n’aurait peut-être pas été victime d’un black-out dans les deux dernières minutes de la finale du Championnat d’Europe.

Faut-il donc ajouter une note de bas de page au deuxième titre européen: «l’opposition n’était pas au meilleur de sa forme»? Oui, c’est possible. Mais il faut alors ajouter deux autres nuances.

La première: la pression exercée sur les Cats pour défendre leur titre était encore plus forte, ce qui a eu un impact mental négatif qu’il ne faut pas sous-estimer. Tout autre résultat qu’une médaille d’or aurait été une déception pour la Belgique, plus que pour ses concurrentes.

Deuxièmement, le bassin du basket-ball belge est beaucoup plus petit que celui des grands pays, tant en termes de population que de nombre de joueuses. En fait, en termes de population, la Belgique est le plus petit pays de l’histoire de l’après-guerre à avoir remporté deux championnats d’Europe de basket-ball consécutifs, tant chez les femmes que chez les hommes. Et c’est seulement le troisième pays à y parvenir lors du tournoi féminin, après l’Union soviétique et l’Espagne. C’est également un quatrième podium continental de rang, après les médailles de bronze de 2017 et 2021. Finalement, seule une médaille mondiale manque encore à l’appel. La Coupe du monde 2018 et les JO de Paris 2024 se sont conclus à la quatrième place.

N’était-ce pas la dernière danse des Belgian Cats?

La question est de savoir si cette médaille viendra. Les prochains Jeux olympiques sont dans trois longues années, à Los Angeles. La Coupe du monde arrive, elle, dès l’année prochaine. Ce parcours épique vers un deuxième sacre européen pourrait toutefois être la «dernière danse» des Belgian Cats.

Non pas qu’elles se désintégreront, comme les légendaires Chicago Bulls de Michael Jordan en 1998 après leur sixième titre NBA (comme on le voit dans la série Netflix «The Last Dance»). Mais parce qu’elles ont déjà une bonne partie de leur carrière dans le rétroviseur: Julie Allemand aura 29 ans la semaine prochaine et Kyara Linskens en novembre, Antonia Delaere fêtera ses 31 ans début août, Emma Meesseman et Julie Vanloo ont déjà passé le cap des 32 ans cette année. Toutes les cinq sont motivées pour continuer jusqu’à Los Angeles 2028, sous la houlette de Mike Thibault. Calme et expérimenté, il a déjà prouvé sa valeur ajoutée et le fera encore dans les années à venir.

Mais d’autres pays, y compris en Europe, vont se renforcer avec du sang neuf et jeune, comme la France et l’Espagne. Et lors des tournois mondiaux, toutes les stars seront présentes. Passer encore deux fois par le chas de l’aiguille, comme lors de cet Euro face à l’Italie puis l’Espagne, ne sera peut-être plus possible à ce moment-là.

Le grand problème des Cats est qu’elles n’auront pas le même afflux de jeunes talents que leurs concurrentes dans les années à venir. Parmi les remplaçantes de l’Euro, seule Nastja Claessens, 21 ans, a le potentiel pour devenir une titulaire à part entière. Mais peut-être pas pour porter l’équipe comme Meesseman l’a fait depuis huit ans.

Les équipes nationales de jeunes recèlent de grands talents, comme Annie Kidebi (17 ans) et Laura Vilcinskas (qui, du haut de son mètre 97, pourrait apporter aux Cats cette taille dont elles ont tant besoin). Mais d’ici aux Jeux de 2028, elles n’atteindront pas encore le top niveau européen ou mondial. Et après cela, Meesseman et ses coéquipiers auront certainement dépassé la fleur de l’âge.

Quoi qu’il en soit, une réalité demeurera inchangée: la période de succès des Belgian Cats, depuis le Championnat d’Europe 2017, est déjà l’un des plus beaux chapitres de l’histoire du sport national. Et si cet Euro 2025 devait effectivement être leur «Last Dance», avec le «Miracle d’Athènes» en point d’orgue, elles auront offert aux supporters un épilogue qu’ils n’oublieront pas de sitôt.

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