Les Belgian Cats sont (re)devenues championnes d’Europe dans un match qu’elles semblaient avoir perdu. Sans jouer un basket d’exception, mais en montrant à l’Espagne qu’elles étaient les plus grandes.
Parce qu’on ne trouve pas de mots pour raconter certains événements sportifs, il faut parfois en inventer. Ou, au moins, en emprunter. En 2020, le mot espagnol «remontada» faisait ainsi son entrée dans les pages du dictionnaire Larousse. Trois ans plus tôt, personne ou presque n’employait cette version ibère de la «remontée», jusqu’à ce que la presse sportive espagnole la rende mondiale suite au succès renversant du FC Barcelone contre le PSG. Battus 4-0 lors de leur huitième de finale aller à Paris, les Catalans avaient marqué l’histoire de leur sport en s’imposant 6-1 au match retour. La stupeur est mondiale, le mot devient francophone.
Cinq ans après la reconnaissance du dictionnaire, la victime est espagnole. Sur le parquet d’Athènes, où se dispute l’Euro féminin de basket, l’Espagne mène de douze points alors qu’il ne reste même plus trois minutes à jouer. Rien ne semble pouvoir arriver à une équipe qui gère le match face à une Belgique bien en dessous de ses meilleures prestations. Pourtant, à la fin, c’est Emma Meesseman qui soulève le trophée.
La remontada à la belge n’a pas grand-chose de comparable avec celle des Barcelonais en 2017. Parce qu’elle s’est faite au cours du même match, sans avoir le temps de reprendre ses esprits en vue d’inverser la tendance. Même dans la manière, le jeu poussif de la Belgique n’avait rien de similaire aux exploits techniques de Neymar, grand artisan du 6-1 du Camp Nou. Les Belgian Cats ne sont pas tant revenues au talent qu’au métier. «L’Espagne était super, mais nous avons tout de même trouvé une manière de gagner», concède le coach américain des Belges, Mike Thibault, après le buzzer final.
Plus qu’une remontada à la Barça, le basket féminin belge a tiré des parallèles avec l’autre mastodonte du football espagnol: le Real Madrid, celui de la «noche mágica» (pour «nuit magique»). Une autre expression qui se traduit mal, celle de ces moments suspendus qu’une équipe qui semble acculée parvient à générer sans que personne ne sache vraiment expliquer pourquoi. Pour raconter le succès des siennes, Mike Thibault, tel un Carlo Ancelotti à lunettes, ne parle d’ailleurs même pas de jeu. Son analyse est une déclaration d’amour: «L’altruisme et l’amitié qu’on peut voir dans cette équipe… C’est ça le basket.»
Les Belgian Cats n’ont pas douté, ou si peu. Elles savaient sans doute que deux ans plus tôt, dans des circonstances certes moins dramaturgiques, elles avaient déjà renversé une Espagne qui les avait fait souffrir sous les anneaux. «Petit à petit», comme l’a résumé Emma Meesseman, elles ont instillé le doute dans la tête de leurs adversaires. Qui ont fini par se dire que leur victoire acquise ne l’était plus tant que ça, parce que l’équipe d’en face jouait encore avec sa couronne de championne d’Europe et qu’elle était emmenée par la meilleure joueuse du continent. Sans être dans un soir de grâce, Emma Meesseman a inspiré les siennes, mais surtout effrayé l’Espagne. Aux portes de la victoire, les adversaires ont seulement pensé à ne pas perdre contre une équipe devenue si habituée à gagner.
Ce n’était pas une leçon de basket, mais une leçon de grandeur.